DecoEco | Le magazine de votre décoration
 

Rencontres

| REGIS-R, LE SENS ARTISTIQUE DE LA MATIÈRE

Par Barbara Poirette

Régis-R revisite les arts plastiques et détourne les reliquats de notre consommation en art ! Recyclage, récréation, réutilisation, recréation… Celui qui se ressent plus artiste que designer se laisse guider par son instinct créatif et explore la composition. Un pèle mêle, une expérience de choses mêlées, un anachronisme entre design et expression artistique, pour une finalité dont le pouvoir de séduction égale son pouvoir d'étonnement.




Une création bien inscrite dans son époque. Des richesses à portée de main, multiples dans le nombre et dans la forme, disponibles et négligées qui s'assemblent dans l'imagination de ce plasticien d'un nouveau genre et entre ses mains. Un philosophe d'une matière qu'il fait première : le plastique. Un adage qui caractérise l'artiste : rien ne se perd, tout se transforme. Et une application à la recréation. Cet accumulateur au long court fait l'inventaire de ses richesses de plastique dans son atelier d'Aubervilliers. A l'heure du sur tout, le stock semble inépuisable. Des bouts de rien qui nourrissent tout à la fois sa créativité et un sens certain du défi. La performance n'est pas étrangère à cette composition de sang mêlé entre art et design. Un Arte Povera du XXIe siècle.

RECOMPOSEUR D'OBJET


| REGIS-R, LE SENS ARTISTIQUE DE LA MATIÈRE
Sa première richesse, il la puise à son imagination, entraînée depuis sa plus tendre enfance. Géotrouvetout en culotte courte, celui qui se faisait des vélos avec des vieux vélos cassés, s'inventait des jeux en bois, a tout d'abord commencé par inventer son univers domestique avec tout ce qui lui tombait sous la main. "Je faisais des lampes avec des bouts de bois, du papiers… Les matériaux que je trouvais et qui m'intéressaient. Progressivement, mon travail c'est affirmé dans le plastique, non seulement parce qu'il y en avait beaucoup, mais aussi parce qu'il y a un certain challenge à exploiter une matière telle que celle là" souligne Régis. De bidons en Bobidons, son goût pour la récupération et la réutilisation devient une marque de fabrique, une identité stylistique et artistique. Dix ans au moins que cela dure !

Réduire, réutiliser, recycler… Aux trois R il ajoute le sien et celui de la recréation. Il réutilise nos rebuts, flatte nos reliquats dans une création sans gaspi et explore le re'art. Tout devient prétexte à la création. Couvercle de glacière, bidons, bouteilles d'eau, de sodas, bassines, seaux, passoires, jeux, peignes en plastique, brosses à dents… composent lustres, suspensions, totems, appliques, chandeliers et autres installations créatives. Si le plastique reste sa matière de prédilection, les textiles, le bois, le métal, le papier, trouvent aussi leur place dans l'univers de Régis, mais seuls les matériaux usagés sont éligibles à la recréation. Visionnaire, réaliste, une position de bon sens face à notre surconsommation chronique… "Cela parait logique dès que l'on s'interroge sur l'écologie et que l'on voit les poubelles… Ca me paraissait logique de faire quelque chose de tout ce trop".

LIGNE DE DÉMARCATION


| REGIS-R, LE SENS ARTISTIQUE DE LA MATIÈRE
Si Régis se laisse volontiers inspirer par les pièces qu'il glane ou qu'il retrouve dans l'inventaire de ses accumulations, il lui arrive aussi de partir à la recherche de pièces particulières, aptes à nourrir les dimensions ou les quantités amenées par un projet, une idée. Il faut parfois chercher, "le plus souvent je pars de ma bibliothèque, je m'interroge sur le comment, sur le quoi et sur le où que je peux trouver la matière. Le recyclage est une bonne chose, mais il ne doit pas devenir un alibi pour ne rien changer à nos modes de consommation. D'autant que de la collecte à la transformation, le recyclage n'est pas neutre en terme d'énergie. J'aime l'idée de la réutilisation, de promouvoir les rebus en matière première, d'en montrer la richesse".

Des œuvres comme des objets, des objets comme des œuvres… "Je viens du design. J'ai réalisé de nombreux objets, des mobiliers, que je mettais en scène, mais rapidement j'ai rencontré mes limites. Finalement, le design nous place dans un circuit de consommation classique, où un objet remplace l'autre." Une fibre artistique peut être trop prononcée pour le design… "L'art offre une plus grande liberté, dans les thèmes abordés comme dans le format plus personnel de l'expression. L'objectif fonctionnel est un exercice imposé dans le design, tandis que dans l'art c'est une possibilité parmi d'autres. L'art peut ou non remplir une fonction, mais toujours avec un supplément esthétique ou artistique. Cette approche me correspond mieux" poursuit-il. Si certaines compositions ne cherchent que l'esthétisme, d'autres se prêtent toutefois à la fonction (vases, lampes…) "j'aime que mes créations conservent un lien avec le quotidien".

DOUBLE FOCALE


| REGIS-R, LE SENS ARTISTIQUE DE LA MATIÈRE
L'impression est double. De loin, l'ensemble est homogène. La surprise est fournie par le détail, par la découverte de la composition, de ses drôles de pampilles qui habitent le lustre. Régis reconnaît volontiers que son travail s'inscrit en marge des habitudes et des goûts couramment partagés. Mais si le public reste averti, son nombre va grandissant. A reconnaître nos objets du quotidien au fil de ses créations, ici un presse agrume, là une essoreuse, plus loin un corps de poupée… la tentation est grande de se dire que la recréation peut être une récréation à portée de tous. Encore faut-il pourvoir imaginer un lustre en regardant d'une brosse à dent. "Après l'exercice est intéressant à mon goût lorsqu'il s'agit véritablement de réutiliser comme une alternative à la poubelle. Si cela développe le goût de la réutilisation, c'est déjà un pas de franchi" poursuit-il.

S'éloigner de la fonction lui va bien. "C'est un autre domaine, c'est aussi plus dur pour moi. Le défaut de la contrainte est qu'elle conditionne la créativité par une application. L'avantage est qu'elle donne un point de départ et canalise la créativité. Servir une fonction reste une très belle contrainte, mais je ne m'y retrouvais plus. L'expression artistique donne une formidable liberté, mais il faut avoir quelque chose à dire. La réalisation d'installations, de pièces artistiques, ouvre des pistes, renouvelle la réflexion sur des matières, des compositions, des pistes qui peuvent être appliquées à de nouveaux objets. Il y a des ponts entre les deux univers, ils se complètent, se nourrissent mutuellement" développe Régis-R.

MELTING-POT


| REGIS-R, LE SENS ARTISTIQUE DE LA MATIÈRE
Les réalisations de Régis-R séduisent les collectionneurs, les amateurs d'une rencontre, mais aussi des lieux publics : une discothèque, un hall d'hôtel prestigieux à Londres, un restaurant à Pékin… Empilements, patchworks, collages, fourrure de nœuds, des créations variées à plat ou en volume. Les collectionneurs et les passionnés de la première heure viennent régulièrement explorer les dernières créations de Régis. Quelque fois, elles fournissent le point de départ d'une commande particulière, "c'est aussi un chalenge de s'adapter à une demande, à un lieu, à un usage. L'échange stimule la création, par une impulsion nouvelle, un autre point de vue". C'est ainsi que Régis c'est vu commander une installation lumineuse en métal. Un autre univers de matériaux mais toujours basé sur la réutilisation. Si les passoires plastiques éveillent son imagination, leurs homologues de métal trop vues, trop brocante, trop bonne femme, lui font délaisser le thème cuisine pour un sujet plus expérimental peuplé de pots d'échappement, de jantes, d'une carrosserie de scooter, de phares, de guidons… ajourés pour laisser passer la lumière. Dans le cadre de l'exposition 100% récup, il dresse un lit à "BalDaQueen" à partir de bois, de tissus, de mousses et de plastiques récupérés.

Celui dont les références se nomment César ou Jean Tinguely, aime les couleurs vives, "je suis assez fan des cerceaux fluos". Pour sa dernière installation, à la Dorothy's Gallery (jusqu'au 6 janvier 2008), il emploie des monochromes de bleus, blancs et rouges au thème liberté, égalité, fraternité. The Prince of Plastic promu Roi d'une démocratie recréative. Il y aura des lampes suspendues, des bougeoirs… "Mais l'intérêt d'une exposition est aussi d'apporter de la nouveauté. Je ne suis pas dans une démarche rétrospective".
Les grandes pièces en côtoient de plus petites, comme ce chamboule tout, élévation pyramidale de seaux comme des poupées qui se vivent ensemble ou en solo. "J'avais aussi envie d'une collection… de petits drapeaux en plastique fondu recyclé. Une centaine de petits drapeaux français avec sur chacun, le nom d'un pays différent. Réunir les nations du monde sous la bannière tricolore, comme un patchwork à l'image de la mixité culturelle française" développe Régis-R. Alors laisser vous désuniformiser !

Depuis le 9 novembre et jusqu'au 8 janvier (2008) Régis-R expose à la Dorothy's Gallery. Dorothy Polley qui dirige la galerie d'art contemporain, prend le parti de l'art pour le plus grand nombre. Une approche démocratique qui passe notamment par des facilités de paiement, bon à savoir à la veille des fêtes.
Dorothy’s Gallery
27, rue Keller - 75011 Paris
Tél. +33 (0) 1 43 57 08 51
dorothysgallery.com

14 Novembre 2007



DANS LA MËME RUBRIQUE
< >

Jeudi 11 Mars 2010 - 15:53 STÉPHANIE BALINI, AU CONTACT DES ATELIERS

L'Air du Temps | Le Buzz-Déco | Rencontres | Carnet d'Adresses | Quoi de Neuf | Livres | DOSSIER | ADRESSES UTILES | Qui sommes-nous ?