DecoEco | Le magazine de votre décoration
 

Rencontres

DEUX REGARDS POUR UNE IDENTITÉ HORS DU COMMUN

Par Barbara Poirette

Graine d’antiquaire, Joe Sayegh découvre sa première commode d'époque à l’âge de neuf ans. Et ce passionné qui dès le plus jeune âge a su se laisser toucher par la tradition de l’ébénisterie française sillonne le monde les sens en éveil. Brut comme les matières dont il sait obtenir le meilleur, riche d’expériences multiples qui comme la patine du temps ont bonifié le regard affuté de ce naturel curieux, Joe Sayegh n’est pas homme à s’encombrer de superlatifs. Il est et sa nature généreuse transparait à travers ses réalisations.



DEUX REGARDS POUR UNE IDENTITÉ HORS DU COMMUN
S’il reconnaît volontiers que le filon de l’antiquité a fini par se tarir, sa curiosité n’avait pas attendu la fatigue du marché pour le conduire sur le terrain des matériaux anciens. Porté par ses connaissances en histoire de l’art, l’exercice de son métier d’antiquaire et son goût pour l’ébénisterie française, c’est tout d’abord dans le végétal qu’il fera ses gammes avec le développement d’une ligne de parquets. Puis comme un équilibre tactile, c’est de pierres qu’il habillera les sols. Les matériaux anciens ayant eux aussi leur limite, Joe se tourne vers les matériaux neufs à qui par la patience et le savoir-faire, il donne la sagesse respectable de l’ancien.
| Ci-dessus. Extrait de la coque de pirogue aménagée en cabine de toilette et équipée d’une mini vasque taillée dans un galet de rivière. Extrait de la collection d’alguiers rééditée et encadré d’un bois but patiné. Bout de canapé Lorient composé à la collecte et à l’assemblage de bois flotté.

Mais ce chercheur, globe-trotter, accumulateur, antiquaire offre plus d’une dimension à sa passion et l’univers qu’il bâtit depuis dix-huit ans maintenant avec SDA Décoration est à son image : généreux, éclectique, rare et entier. Sans culte du passé, il se laisse aller à récupérer, reconditionner et, si ce mot avait encore un sens, à détourner matériaux, objets, fragments, de leur usage premier. Mais le détournement n’est pas un but, juste un outil, un moyen. A l’instar de la patine, il n’est que le passage vers un nouvel état, un nouvel objet, une nouvelle histoire.

L’ESPRIT DES SENS

DEUX REGARDS POUR UNE IDENTITÉ HORS DU COMMUN
Joe Sayegh n’est pas homme à se laisser classifier. De végétal en minéral, il explore, sculpte, invente, imagine, découvre, cherche. Il suit son instinct, son imagination, cette voix intérieure qui lui souffle qu’il y a quelque chose à faire de tel fragment, de tel matériau… Et si… Ne pourrait-on pas… Et pourquoi pas… Une petite voix intérieure souvent complétée de celle de sa femme Béatrice Gautiez, que la nature a également dotée d’une solide imagination.
Ni l’un, ni l’autre ne cherchent l’idée. Ils vont à sa rencontre. Et le hasard est à ce point généreux, qu’il place sur leur chemin des pierres d’exception, comme cet extraordinaire galet de rivière que Joe a taillé, creusé et poli pour donner corps à la baignoire River Stone. D’autres baignoires mais également des vasques sont réalisées à partir de galets de rivière, de pierre marbrière ou de pierre de lave. Et toujours cet équilibre qui lui fait imaginer d’autres vasques creusées cette fois à la nature végétale de racines de teck. Dernièrement c’est dans une coque de pirogue qu’il a installé une mini vasque en galet de rivière sur une tablette de métal laqué pour former une cabine de bain.
|1. Sur un arbre perché… vase de verre soufflé coulé sur une poutre verticale, dans la collection des vases goute d’eau. |2. Revêtement mural de bois debout.

DEUX REGARDS POUR UNE IDENTITÉ HORS DU COMMUN
Une philosophie qui les mène à imaginer des tables gigantesques en bois d’acacia, dont le plateau coupé longitudinalement conserve la bordure d’écorce et la silhouette du tronc. Dans des dimensions plus raisonnables, Béatrice a eu l’idée de mêler un socle de bois brut à un vase de verre soufflé à la bouche… Impossible ? Ils laissent ce fatalisme à ceux dont l’imagination a les idées courtes. « Au fil du temps, de ses métiers et de ses rencontres, Joe a fini par se constituer un solide carnet d’adresses » et à force de recommandations, de souffleur de verre en souffleur de verre, Béatrice fait remonter son idée jusqu’à trouver celui dont la technique et le savoir-faire ont su former et couler le vase sans enflammer le support de bois brut dont le verre encore incandescent devait épouser la forme. Et après quelques ajustements et quelques brulures d’essais, l’idée prend forme avec la collection de vases Goutte d’eau, surprenante et magnifique.
|3. Lampes Home, dont les corps sont à l’origine des bases anciennes de maison en teck.

Singuliers, peut être. Hors du commun, certainement. Joe Sayegh écoute son instinct sur les objets, les matières et les hommes et se laisse conduire là où le matériau transporte son imagination. A leur tour, ses réalisations nous transportent, qu’elles prennent la forme de mobiliers, d’objet de décoration, de luminaire ou d’éléments d’architecture. « Mon métier c’est de trouver des choses », explique ce passionné dont l’émotion est de toutes les réalisations. A ce stade les mots ne sont plus nécessaires.

LAISSER PARLER LE TEMPS

DEUX REGARDS POUR UNE IDENTITÉ HORS DU COMMUN
Joe et Béatrice ont la noblesse de la matière chevillée au corps. Les parquets à la française font appel à la plus pure tradition de l’ébénisterie, les parquets droits sont réalisés en chêne massif d’origine française… (SDA adhère au plan européen de certification forestière qui garantit la qualité des bois utilisés et la préservation de l’environnement). Si les parquets gagnent une patine respectable à force d’un savant travail de brossage, de coloration, de blanchiment et au passage d’huile, de cire…, les planchers de wagon sont comme leur nom le laisse deviner, issus de la récupération. Comme les essences de bois, la sélection des pierres des dallages - leur nature, leur texture, leur couleur… - s’entoure de la plus grande attention. « Nous allons chercher les pierres sur leur lieu d’extraction, là où les hommes ont conservé le savoir-faire. France, Belgique, Portugal, Italie, mais aussi Turquie, Mongolie, Viêt-Nam… Joe travaille directement avec les tailleurs pour parvenir au calibrage, à la découpe et aux finitions souhaitées », explique Béatrice. Pierre bleue, grise, blanche, ardoise, galet noir, blanc ou vert… un camaïeu minéral à peine rompu par la chaleur des briques blanches, beiges, terracotta ou rouges moulées à la main selon la tradition. « Nous travaillons la matière, nous assurons les finitions, nous laissons parfois le temps faire son œuvre. Certains bois sont oubliés le temps de gagner en stabilité, mais tous les matériaux sont traités à la main. Du vieillissement à la patine, ils ne rencontrent aucune machine » souligne Joe.
|4. Lampes Usine, suspensions issues du détournement d’anciens fûts à coton.

Mais lorsque le hasard met sur leur chemin des fûts à coton désaffectés… Ils se prennent à imaginer d’impressionnantes suspensions, et le carton gagné par la patine prend selon la lumière une texture de cuir ambré ou de métal oxydé, quand les lampes Usine ne s’habillent pas simplement d’une peau de vache. Joe et Béatrice travaillent également sur des fragments auxquels ils trouvent de nouveaux chemins d’expression. Des éléments d’architecture, bases d’anciennes maison, ou des pieds de lits anciens forment des pieds de lampe. Des bois, des branches s’assemblent pour échafauder un lit à baldaquin presque dans les arbres…

DE NOUVEAUX RIVAGES

Chaque année, ils donnent une destination à leur imagination un peu pour le plaisir, un peu aussi pour canaliser la réflexion. Et cette année c’est vers un jardin au bord de la mer qu’ils ont conduit leurs conversations avec la matière. Pas de cabine de plage, ni de parasol, mais des références, des horizons qui interpellent l’imaginaire et le porte vers des rivages inconnus.

DEUX REGARDS POUR UNE IDENTITÉ HORS DU COMMUN
Le bord de mer à l’instinct sauvage et les mobiliers prennent des attaches Atlantique, bout de canapé Lorient, table basse Biarritz, pouf La Rochelle. La collection mêle subtilement le minéral et le végétal, l’esprit voyage. Des fanions de marine chinés par Béatrice échappent aux caprices du vent dans une retraite sous cadre. Un exercice auquel elle se livrait déjà avec une collection d’herbiers anciens, rejointe depuis peu par une collection d’alguiers anciens qui récompense des années de patience. Une collection rare, rééditée à l’identique et mis à l’abri d’un cadre de bois brut patiné. « Avec le temps, les algues ont pratiquement fini par se fondre dans le papier, au point que nous sommes demandés s’il ne s’agissait pas d’encres ou d’aquarelles. C’est peu connu et très surprenant. Contrairement aux herbiers dont les couleurs se fanent lorsque la plante sèche, les alguiers conservent leurs couleurs. Mais comme pour les herbiers c’est passionnant de suivre le parcours, les voyages de celui qui les a constitués. Certains sont d’une précision presque encyclopédique, d’autres traduisent une passion bucolique » précise Béatrice. Et dans le carré formé par les canapés, le guéridon qui accueille des rames anciennes provenant des Iles Timor et la table basse en bois flotté, le portrait de marine se prolonge dans les couleurs et les patines données au parquet droit gagné par des teintes de gris, de bleu océan ou de rouge corail. La conversation se poursuit mais il y a bien longtemps déjà que nous avons largué les amarres.
| 5. Au pied du lit de Tarzan deux très grands Herbiers, bordés d’un encadrement de style Renaissance Italien. |6. Au premier plan, une lampe Café, en bois de caféier.

Joe et Béatrice sont animés d’une même passion, et il suffit de les écouter parler pour découvrir leur complémentarité. C’est à l’unisson de leur inspiration, à leur savoir-faire et à celui des artisans dont ils savent s’entourer que se construit l’univers de SDA, un univers insolite fait de mélanges, de références historiques, géographiques et culturelles. Une identité entière, des pièces rendues uniques par la nature des matériaux, des séries limitées par la force de la quantité et rares par la force du goût et des savoir-faire qui lui sont employés. C’est le bonheur à l’état brut.

Plus d’information sur www.sda-decoration.com

25 Février 2009



DANS LA MËME RUBRIQUE
< >

Jeudi 11 Mars 2010 - 15:53 STÉPHANIE BALINI, AU CONTACT DES ATELIERS

L'Air du Temps | Le Buzz-Déco | Rencontres | Carnet d'Adresses | Quoi de Neuf | Livres | DOSSIER | ADRESSES UTILES | Qui sommes-nous ?