Le revenu maximum acceptable (RMA) est une nécessité pour retisser le lien social et engager des politiques écologiques et sociales. Une trop grande inégalité n’est pas acceptable : gagner dix ou trente fois plus que les autres est peut-être admissible, gagner trois cent ou mille fois plus n’a simplement pas de sens. Mais la réduction des inégalités – dont le RMA sera un outil puissant - est inséparable d’une politique écologique.
Pour le comprendre, rappelons que l’augmentation des inégalités depuis une trentaine d’années a caractérisé l’évolution récente du capitalisme. Par exemple, deux économistes, Carola Frydman et Raven E. Saks (1), ont montré que le rapport entre le salaire des trois principaux dirigeants des cinq cents plus grandes entreprises états-uniennes et le salaire moyen de leurs employés a fortement varié : cet indicateur de l’évolution des inégalités est resté stable des années 1940 jusqu’aux années 1970. Les patrons de ces entreprises gagnaient environ trente-cinq fois plus que leurs employés. Mais en 1980, une inflexion s’est produite, et depuis le rapport a grimpé jusqu’à atteindre plus de 300 dans les années 2000.
Ainsi, le capitalisme a connu un tournant majeur ; durant ce que l’on a appelé les « Trente Glorieuses », l’enrichissement collectif était assez équitablement distribué entre capital et travail, si bien que les rapports d’inégalité demeuraient stables. A partir des années 1980, un décrochage de plus en plus grand s’est opéré entre les détenteurs du capital et la masse des citoyens.
L’oligarchie accumule donc aujourd’hui revenus et patrimoine à un degré jamais vu depuis un siècle. Elle dépense sa richesse dans une consommation effrénée de yachts, d’avions privés, de résidences immenses, de bijoux, de montres, de voyages exotiques, d’un fatras clinquant de dilapidation somptuaire. Pourquoi ce comportement est-il un moteur puissant de la crise écologique ? Parce qu’il sert de modèle culturel sert à toute la société. Chacun à son niveau, dans la limite de ses revenus, cherche à acquérir les biens et les signes les plus valorisés. Médias, publicité, films, feuilletons, magazines « people », sont les outils de diffusion du modèle culturel dominant.
Comment alors l’oligarchie bloque-t-elle les évolutions nécessaires pour prévenir l’aggravation de la crise écologique ? Directement, bien sûr, par les puissants leviers – politiques, économiques et médiatiques - dont elle dispose et dont elle use afin de maintenir ses privilèges. Indirectement, et c’est aussi important, par ce modèle culturel de surconsommation qu’elle projette sur toute la société et qui en définit la normalité.
Or, prévenir l’aggravation de la crise écologique implique que l’humanité réduise son impact sur la biosphère. Cela signifie diminuer nos prélèvements de minerais, de bois, d’eau, d’or, de pétrole, etc., et réduire nos rejets de gaz à effet de serre, de déchets chimiques, de matières radioactives, d’emballages, etc. Autrement dit, réduire la consommation matérielle globale de nos sociétés.
Qui va réduire sa consommation matérielle ? Les 20 à 30 % de la population mondiale qui consomment près de 70 % des ressources tirées chaque année de la biosphère. C’est donc d’eux que le changement doit d’abord venir, c’est-à-dire pour l’essentiel, des peuples d’Amérique du nord, d’Europe et du Japon, ainsi que des classes riches des pays émergents.
Au sein des sociétés surdéveloppées, ce n’est pas aux pauvres et aux salariés modestes de réduire leur consommation matérielle. Mais pas seulement aux hyper-riches : ils ne sont pas assez nombreux pour que cela change suffisamment l’impact écologique collectif. Ce sont en fait les classes moyennes qui doivent réduire leur consommation matérielle.
La question de l’inégalité est ici cruciale : les classes moyennes n’accepteront pas de diminuer leur consommation matérielle si ce n’est pas une politique équitablement partagée. Recréer le sentiment de solidarité essentiel pour parvenir à cette réorientation radicale de notre culture suppose que soit entrepris un resserrement drastique des inégalités – ce qui, par ailleurs, transformerait le modèle culturel existant. Et de ce point de vue, le RMA est un outil particulièrement efficace.
Hervé Kempf - 27 décembre 2011
Note :
(1) Carola Frydman & Raven E. Saks, Executive Compensation : A New View from a Long-Run Perspective, 1936-2005, Finance and Economics Discussion Series 2007-35, Washington, Board of Governors of the Federal Reserve System, 2007.
Ainsi, le capitalisme a connu un tournant majeur ; durant ce que l’on a appelé les « Trente Glorieuses », l’enrichissement collectif était assez équitablement distribué entre capital et travail, si bien que les rapports d’inégalité demeuraient stables. A partir des années 1980, un décrochage de plus en plus grand s’est opéré entre les détenteurs du capital et la masse des citoyens.
L’oligarchie accumule donc aujourd’hui revenus et patrimoine à un degré jamais vu depuis un siècle. Elle dépense sa richesse dans une consommation effrénée de yachts, d’avions privés, de résidences immenses, de bijoux, de montres, de voyages exotiques, d’un fatras clinquant de dilapidation somptuaire. Pourquoi ce comportement est-il un moteur puissant de la crise écologique ? Parce qu’il sert de modèle culturel sert à toute la société. Chacun à son niveau, dans la limite de ses revenus, cherche à acquérir les biens et les signes les plus valorisés. Médias, publicité, films, feuilletons, magazines « people », sont les outils de diffusion du modèle culturel dominant.
Comment alors l’oligarchie bloque-t-elle les évolutions nécessaires pour prévenir l’aggravation de la crise écologique ? Directement, bien sûr, par les puissants leviers – politiques, économiques et médiatiques - dont elle dispose et dont elle use afin de maintenir ses privilèges. Indirectement, et c’est aussi important, par ce modèle culturel de surconsommation qu’elle projette sur toute la société et qui en définit la normalité.
Or, prévenir l’aggravation de la crise écologique implique que l’humanité réduise son impact sur la biosphère. Cela signifie diminuer nos prélèvements de minerais, de bois, d’eau, d’or, de pétrole, etc., et réduire nos rejets de gaz à effet de serre, de déchets chimiques, de matières radioactives, d’emballages, etc. Autrement dit, réduire la consommation matérielle globale de nos sociétés.
Qui va réduire sa consommation matérielle ? Les 20 à 30 % de la population mondiale qui consomment près de 70 % des ressources tirées chaque année de la biosphère. C’est donc d’eux que le changement doit d’abord venir, c’est-à-dire pour l’essentiel, des peuples d’Amérique du nord, d’Europe et du Japon, ainsi que des classes riches des pays émergents.
Au sein des sociétés surdéveloppées, ce n’est pas aux pauvres et aux salariés modestes de réduire leur consommation matérielle. Mais pas seulement aux hyper-riches : ils ne sont pas assez nombreux pour que cela change suffisamment l’impact écologique collectif. Ce sont en fait les classes moyennes qui doivent réduire leur consommation matérielle.
La question de l’inégalité est ici cruciale : les classes moyennes n’accepteront pas de diminuer leur consommation matérielle si ce n’est pas une politique équitablement partagée. Recréer le sentiment de solidarité essentiel pour parvenir à cette réorientation radicale de notre culture suppose que soit entrepris un resserrement drastique des inégalités – ce qui, par ailleurs, transformerait le modèle culturel existant. Et de ce point de vue, le RMA est un outil particulièrement efficace.
Hervé Kempf - 27 décembre 2011
Note :
(1) Carola Frydman & Raven E. Saks, Executive Compensation : A New View from a Long-Run Perspective, 1936-2005, Finance and Economics Discussion Series 2007-35, Washington, Board of Governors of the Federal Reserve System, 2007.
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