Voici le commentaire d'un journaliste du Monde après la conférence de presse de novembre 1980 où Georges Marchais proposait de porter le taux marginal à 100% pour les tranches de revenus supérieurs à 40 000 F par mois.
Que les propositions de M. Georges Marchais, candidat du P.C. aux élections présidentielles, soient adaptées à la situation, réalistes, applicables, on peut très sérieusement en douter. Mais que beaucoup de ces propositions, à défaut de susciter l’adhésion de l’esprit, entrainent celle du cœur, cela est certain.
Quand M. Marchais propose de porter le SMIC à 3 300 francs tout de suite et à 4 000 francs avant la fin du futur septennat, qui pourrait sur le strict plan de la justice, de l’équité ou tout simplement de l’humanité, trouver à y redire ? Les bas salaires sont beaucoup trop bas en France : cela est une tare de notre société qu’on ne retrouve pas beaucoup ou beaucoup moins dans d’autres pays industrialisés, notamment aux États-Unis et en RFA.
Parmi les questions qui furent posées à M. Marchais à la fin de sa conférence de presse, l’une portait sur une proposition intitulée – l’austérité pour les profiteurs – et rédigée de la façon suivante : porter l’impôt à 100% – c’est-à-dire tout prendre » – pour les tranches de revenu supérieures à 40 000 francs par mois. Cette proposition, par son « intention absolue » et probablement aussi par une certaine naïveté de la rédaction (le fait d’insister sur la volonté de tout prendre pourtant clairement exprimée par le taux à 100%) avait suscité quelques rires et une question d’un journaliste qui fit mine de s’en étonner et d’en demander confirmation. « Je vous l’avais bien dit, répliqua M. Marchais, rira bien qui rira le dernier. » Et le premier secrétaire retrouva soudain le visage grave, le ton indigné, un peu véhément, moralisateur qu’il adopte souvent. Ce fut le seul moment de sa conférence où il prêcha comme seul il sait le faire. M. Marchais est un moralisateur, pas un économiste. Peut-être a-t-il raison d’être ceci et pas cela. A chacun son rôle.
Ce qui est certain, c’est que nombre des propositions avancées par le secrétaire général du P.C. forcent le trait. Pourquoi, par exemple, porter à 100% l’impôt sur le revenu pour les tranches de revenus supérieures à 40 000 F par mois ? A l’évidence, une telle mesure inciterait – tous les exemples étrangers pourtant moins extrêmes l’ont montré – les beaux cerveaux bénéficiant de très hauts revenus soit à aller travailler ailleurs, soit à dissimuler leurs émoluments. Personne n’accepterait de travailler « marginalement » – c’est-à-dire au-delà d’une certaine limite – pour gagner des revenus supplémentaires qui seraient intégralement confisqués par l’Etat. La même remarque vaut pour la taxation des plus-values à caractère spéculatif « jusqu’à 100% ».
Mais M. Marchais n’en a cure. Sachant qu’il n’a aucune chance d’être élu président de la République, son but est de se poser clairement en défenseur du faible et de l’opprimé, ce qui l’entraine d’ailleurs tout naturellement à voir beaucoup plus de pauvres qu’il n’en existe – matériellement parlant – en France. Mais là il est dans son rôle. Aux autres candidats d’accepter les compromis historiques entre le possible et le souhaitable.
Lors des dernières élections législatives, M. Michel Rocard avait eu le courage de signaler qu’une augmentation trop forte du SMIC provoquerait la fermeture de nombreuses entreprises. Le constater n’était pas approuver le très bas niveau du salaire minimum. Mais le réalisme voulait que cela soit dit. Par des telles réflexions, Michel Rocard est devenu pour une partie de la gauche bien-pensante un homme de droite. Assurément, M. Marchais ne court pas ce risque.
ALAIN VERNHOLES.
Le Monde, 22 novembre 1980, p. 10.
Quand M. Marchais propose de porter le SMIC à 3 300 francs tout de suite et à 4 000 francs avant la fin du futur septennat, qui pourrait sur le strict plan de la justice, de l’équité ou tout simplement de l’humanité, trouver à y redire ? Les bas salaires sont beaucoup trop bas en France : cela est une tare de notre société qu’on ne retrouve pas beaucoup ou beaucoup moins dans d’autres pays industrialisés, notamment aux États-Unis et en RFA.
Parmi les questions qui furent posées à M. Marchais à la fin de sa conférence de presse, l’une portait sur une proposition intitulée – l’austérité pour les profiteurs – et rédigée de la façon suivante : porter l’impôt à 100% – c’est-à-dire tout prendre » – pour les tranches de revenu supérieures à 40 000 francs par mois. Cette proposition, par son « intention absolue » et probablement aussi par une certaine naïveté de la rédaction (le fait d’insister sur la volonté de tout prendre pourtant clairement exprimée par le taux à 100%) avait suscité quelques rires et une question d’un journaliste qui fit mine de s’en étonner et d’en demander confirmation. « Je vous l’avais bien dit, répliqua M. Marchais, rira bien qui rira le dernier. » Et le premier secrétaire retrouva soudain le visage grave, le ton indigné, un peu véhément, moralisateur qu’il adopte souvent. Ce fut le seul moment de sa conférence où il prêcha comme seul il sait le faire. M. Marchais est un moralisateur, pas un économiste. Peut-être a-t-il raison d’être ceci et pas cela. A chacun son rôle.
Ce qui est certain, c’est que nombre des propositions avancées par le secrétaire général du P.C. forcent le trait. Pourquoi, par exemple, porter à 100% l’impôt sur le revenu pour les tranches de revenus supérieures à 40 000 F par mois ? A l’évidence, une telle mesure inciterait – tous les exemples étrangers pourtant moins extrêmes l’ont montré – les beaux cerveaux bénéficiant de très hauts revenus soit à aller travailler ailleurs, soit à dissimuler leurs émoluments. Personne n’accepterait de travailler « marginalement » – c’est-à-dire au-delà d’une certaine limite – pour gagner des revenus supplémentaires qui seraient intégralement confisqués par l’Etat. La même remarque vaut pour la taxation des plus-values à caractère spéculatif « jusqu’à 100% ».
Mais M. Marchais n’en a cure. Sachant qu’il n’a aucune chance d’être élu président de la République, son but est de se poser clairement en défenseur du faible et de l’opprimé, ce qui l’entraine d’ailleurs tout naturellement à voir beaucoup plus de pauvres qu’il n’en existe – matériellement parlant – en France. Mais là il est dans son rôle. Aux autres candidats d’accepter les compromis historiques entre le possible et le souhaitable.
Lors des dernières élections législatives, M. Michel Rocard avait eu le courage de signaler qu’une augmentation trop forte du SMIC provoquerait la fermeture de nombreuses entreprises. Le constater n’était pas approuver le très bas niveau du salaire minimum. Mais le réalisme voulait que cela soit dit. Par des telles réflexions, Michel Rocard est devenu pour une partie de la gauche bien-pensante un homme de droite. Assurément, M. Marchais ne court pas ce risque.
ALAIN VERNHOLES.
Le Monde, 22 novembre 1980, p. 10.
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