Après trois années de baisse, Proxinvest observe sur les chiffres de l’exercice 2010 établis et publiés en 2011 une hausse spectaculaire de la rémunération totale des dirigeants, options et actions comprises.


Publication des rapports de Proxinvest et ECGS sur la rémunération des dirigeants
Les quarante dirigeants du CAC 40 ont bénéficié pour 2010, d’une hausse moyenne de 34% de leur rémunération pour un montant moyen de 4,11 millions d’euros. Cette reprise, qui ne fait toutefois pas rejoindre le niveau de 5 M€ observé jusqu’en 2006, touche un grand nombre de grandes sociétés puisque les présidents exécutifs des 80 autres sociétés de l’indice SBF 120 auront vu leur rémunération totale atteindre elle 2,08M€, en augmentation de 31% en 2010.

Par contraste les valeurs moyennes composant l’ancien indice SBF 250, ont connu pour 2010 une baisse de 17% de la rémunération totale moyenne de leur premier dirigeant qui se situe désormais à 511 000€, soit à huit fois moins que la rémunération de l’indice phare.

Onze dirigeants français dépassent pour 2010 le plafond de Proxinvest de 240 SMIC annuel soit actuellement 4,6 M€ par an : Jean-Paul Agon (L’Oréal – 10,7M€), Bernard Arnault (LVMH – 9,7M€), Carlos Ghosn (Renault – 9,7M€), Bernard Charlès (Dassault Systèmes – 9,5M€), Maurice Levy (Publicis – 6,2M€), Christopher Viehbacher (Sanofi-Aventis – 6,1M€), Franck Riboud (Danone – 5,9M€ erratum), ), Arnaud Lagardère (Lagardère SCA – 4,9M€), Henri de Castries (AXA – 4,9M€) et Lars Olofsson (Carrefour – 4,8M€).

Ces chiffres sous-évaluent toutefois la rémunération totale puisqu’ils n’incluent pas le complément de retraite sur-complémentaire dont ils bénéficient presque tous sans informer sur leur coût pour l’entreprise.

Proxinvest observe à ce niveau une série d’autres anomalies comme la hausse des rémunérations fixes et le recours à divers artifices comme notamment l’augmentation des bonus des dirigeants de banque désormais pour partie différés ou l’utilisation d’instruments synthétiques de nature à éviter les contrôles de l’assemblée générale des actionnaires. Trop de bonus annuels apparaissent pour partie garantis et trop de plans conditionnels d’options et d’actions gratuites présentent des conditions de performance sur une durée trop courte de deux ans seulement.

Au regard de ces manquements au « raisonnable » et à l’ « équilibre » prônés par l’AFEP-MEDEF, il semble permis de parler d’échec de l’auto-régulation.

La rémunération fixe porte mal son nom puisqu’elle augmente en moyenne de 6% pour les 120 premiers dirigeants français. Elle représente 27% de leur rémunération totale. Daniel Julien de Teleperformance bénéficie de la rémunération fixe la plus élevée à 2,2M € juste devant Jean-Paul Agon de l’Oréal à 2,1M€.

La rémunération variable attribuée au titre de 2010 est de 35% supérieur au bonus 2009 et représente 30% de la rémunération totale. Si l’on peut comprendre que la hausse des bénéfices sur l’exercice 2010 explique cette forte augmentation, on déplore que les sociétés françaises, contrairement à leurs homologues européennes, ne renseignent pas sur le calcul du bonus en fonction de la réalisation des objectifs annoncés.

Les éléments « divers », correspondant à des avantages en nature, à des jetons de présence d’administrateur ou à des éléments exceptionnels, pèsent 12% de la rémunération totale d’un dirigeant du SBF 120.

Les rémunérations actionnariales, que ce soient sous forme d’options ou sous forme d’actions de performance, ont été valorisées à la date d’attribution et s’élèvent à 843 354€ (+34%) pour les patrons du SBF 120, soit à 30% de leur rémunération totale. Destinées à rémunérer la performance à long terme, ces attributions pèsent peu face aux formes de rémunération en espèces plus tangibles. Elles reposent aussi souvent sur des conditions de performance peu lisibles ou mesurées sur des durées jugées trop courtes (moins de trois ans).

La rémunération moyenne de 4,11M€ d’un président exécutif du CAC 40 se décompose quant à elle de la manière suivante : 995 K€ en rémunération fixe (24% du total), 1 374 K€ en variable annuel (33%), 647 K€ en options (16%), 574 K€ en actions (14%) et 524 K€ en autres éléments (13%).

Proxinvest et ses partenaires européens de l’ECGS (Expert Corporate Governance Service) ont étudié un échantillon de 367 grands groupes européens. La rémunération moyenne de ces présidents exécutifs européens s’élève selon ECGS à 3,9M€. La rémunération totale moyenne des présidents exécutifs français rentrant dans le périmètre de cette étude ECGS n’atteint que 50% de la rémunération des collègues britanniques, 70% de leurs collègues italiens, 80% de leurs voisins espagnols, suisses ou allemands, mais ils gagnent 16% plus que leurs voisins néerlandais, belges ou irlandais et 150 % de plus que leurs homologues scandinaves.

La transparence des grandes sociétés françaises et la lisibilité des performances est inférieure à celle observée dans les pays où les dirigeants sont responsables de leur politique de rémunération devant l’assemblée générale des actionnaires, c’est-à-dire où celle-ci est soumise à consultation ou à ratification préalable par les actionnaires.

Les actionnaires des sociétés françaises auront pour leur part maintenu en 2011 leur regard critique sur la rémunération sur les seuls sujets qui leur étaient soumis, à savoir les indemnités de départ, les régimes de retraite et les enveloppes d’options et d’actions gratuites. Ils ont ainsi rejeté sept plans collectifs d’options et d’actions gratuites.

Responsabiliser pour redynamiser

Fondé sur un modèle financier déséquilibré par le modèle de banque universelle, notre marché des actions doit être redynamisé par une plus grande responsabilisation des dirigeants. Le patronat, qui entend définir seul les règles françaises de bonne gouvernance, s’oppose encore à la légitimation de la rémunération devant l’assemblée des actionnaires: c’est sans doute ce qui mène à ce haut niveau de contestation observé en France au regard de rémunérations comparativement moins élevés. Autrefois en avance sur les questions de gouvernance, notre pays devrait combler son retard sur le vote préalable annuel des actionnaires sur la rémunération des dirigeants, vote aussi appelé « Say on Pay ». Ce vote annuel, consultatif ou impératif, s’est successivement généralisé par une évolution législative comme ce fut notamment le cas au Royaume-Uni (2002), en Australie (2004), aux Pays-Bas (2004), en Suède (2006), en Norvège (2007), aux Etats-Unis (2010 Loi Dodd Frank) ou chez nos voisins belges (2011) et allemands (2011). Il conviendra de s’inspirer du modèle néerlandais de vote préalable par l’assemblée générale de la politique de rémunération avant toute mise en œuvre, un modèle qui a conduit à un bon niveau de dialogue entre émetteurs et investisseurs, des rémunérations modérées directement liées à la performance à long terme. Une autre possibilité serait que les émetteurs français introduisent volontairement ce vote tel en Suisse ou au Canada ou l’insèrent au sein du code de bonne gouvernance (AFEP-MEDEF) comme en Espagne (2008) ou en Italie (2012).

Rétablir la confiance entre actionnaires et dirigeants est plus que jamais indispensable sur cette question et Proxinvest propose donc trois priorités pour y contribuer : • Un vote annuel sur la rémunération • Une information dans le tableau des rémunérations sur le coût individuel des retraites sur-complémentaires • Des critères de performance vérifiables de plus long terme

L’observation confirme une individualisation finalement récente de la critique des actionnaires qui jugent désormais « ad hominem ». L’exemplarité, selon Albert Schweitzer et Winston Churchill, est la seule méthode de management possible et la rémunération n’échappera pas à cette règle : notre pays doit combler son retard dans l’exercice de la responsabilité.

Proxinvest

Rédigé par Jean-Philippe Huelin le Samedi 3 Mars 2012 à 15:59 | Commentaires (0)

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