Un point de vue de Robert Castel


Réduire les écarts de revenus pour réduire la cassure de la société
L’instauration d’un revenu minimal et d’un revenu maximal s’impose parce que notre société est menacée par une coupure. En haut de la structure sociale prolifèrent des groupes de nantis dotés de privilèges exorbitants. Ils n’ont plus rien de commun avec le nombre croissant de tous ceux qui n’arrivent plus à «joindre les deux bouts».

Cette coupure remet en question la possibilité de continuer à «faire société», qui suppose que tous ces membres fassent partie d’un même ensemble lié par des relations d’interdépendance. Face à ces menaces de fragmentation dues à l’explosion des inégalités deux séries complémentaires de mesures pourraient être imposées pour combattre cette dynamique destructrice de la cohésion sociale.

1) L’instauration d’un revenu maximal serait le moyen de maintenir ou de rapatrier les ultrariches au sein de l’ensemble social en rapprochant leurs conditions de celles du régime commun. A quel taux faudrait-il fixer le montant de ce revenu ? Des propositions de l’ordre de 20 fois le revenu minima, ou de 20 fois le Smic ont été avancées. On pourrait en discuter, et discuter aussi des moyens d’imposer de telles mesures. Mais elles doivent être défendues dans leur principe, car elles seraient un puissant moyen de réduire les inégalités en permettant de redistribuer une part des hauts revenus pour améliorer la condition du plus grand nombre et des plus démunis.

2) L’instauration d’un droit à un revenu minimal garanti devrait être posée comme une exigence incontournable pour assurer à tous les membres de la société le socle de ressources nécessaire pour satisfaire à leurs besoins. Mais plusieurs formules ont été avancées pour réaliser cette exigence, dont certaines me paraissent dangereuses. On a ainsi évoqué l’attribution d’un revenu d’existence ou de citoyenneté voire d’une allocation universelle qui se contenteraient de distribuer à tous une allocation financière minimale. Un tel revenu ne pourrait être qu’une médiocre allocation de subsistance qui n’assurerait pas l’indépendance économique des bénéficiaires.

Ceux-ci seraient obligés d’accomplir à n’importe quel prix des activités pour arrondir leur allocation. Ce serait un facteur supplémentaire de dégradation du marché du travail encourageant le développement d’activités médiocres et mal payées.

Le renforcement des minima sociaux et du RSA pourrait fournir une réponse plus consistante, à condition qu’il soit reformé. Ainsi le RSA étendu aux jeunes pourrait inclure aussi, outre l’API, la SS et la prime pour l’emploi, couvrant de ce fait la plupart des situations sociales déficitaires. L’allocation de base devrait être augmentée. Surtout, il devrait devenir un dispositif accès à l’emploi durable et non un palliatif qui risque d’entretenir la précarité. Sous ces conditions le RSA pourrait accomplir la double fonction de garantir un revenu assurant la satisfaction des besoins de base de ceux et de celles qui sont à distance de l’emploi durable, et d’accompagner les bénéficiaires sur la voie du retour à cet emploi durable.

Le RSA ainsi musclé pourrait constituer un élément essentiel de ce que l’on pourrait appeler une sécurité sociale minimale garantie. J’entends par là la possibilité de disposer de ces protections de base nécessaires pour être capable de mener une vie décente. Mais ces conditions ne sont pas seulement financières, elles dépendent aussi du fait d’être reconnu comme un sujet de droit.

Robert Castel, Libération, 27 janvier 2012

Rédigé par Jean-Philippe Huelin le Samedi 4 Février 2012 à 10:37 | Commentaires (0)

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