Article publié le 24 mars 2006 par Dominique Plihon, Jean Gadrey et Pascal Boniface ayant fait l'objet d'une fiche du Conseil Scientifique et des Commissions Nationales d'ATTAC qui fut relayé dans le Manifeste altermondialiste.
1/ Etat des lieux
La mondialisation néolibérale a pour effet d’accroître les écarts de salaires entre les salariés et les dirigeants d’entreprise. D’un côté, la mondialisation est organisée pour mettre en concurrence les travailleurs des pays du Sud et du Nord, ce qui a pour conséquence de tirer vers le bas les salaires dans les pays développés, tout en exploitant la main d’œuvre à bon marché des pays en développement. De l’autre côté, la mondialisation s’est traduite par une augmentation explosive des rémunérations des dirigeants des grandes entreprises transnationales, alliés des détenteurs du capital financier mondialisé.
En France, les revenus « salariaux » des patrons superstars du CAC 40 étaient, en moyenne, de 2 à 3 millions d’euros par an ces dernières années, c’est-à-dire de 1.1 à 1.7 million de francs par mois, soit 540 fois le RMI et 240 fois le SMIC. Certains patrons dépassent largement ces montants, tels ceux d’Aventis (8.4 millions d’euros en 2003) et de l’Oréal (6.7 millions d’euros en 2003). Et ces revenus s’entendent hors stock-options, cela va de soi ... À de tels niveaux on hésite à parler encore de « salaires », tant il est clair qu’il s’agit d’une forme détournée d’accaparement des profits.
D’après les estimations de Thomas Piketty dans « Les hauts revenus en France au 20ème siècle », le revenu des 0.01 % les plus riches (3 225 foyers fiscaux) était de 224 RMI ou de 102 SMIC en 1998. Ces écarts ont nettement progressé depuis. Les écarts de revenus sont vraisemblablement aujourd’hui de l’ordre de 1 à 200 avant impôt, et de 1 à 120 après impôt. Sachant que le taux d‘imposition des 0.01 les plus riches, qui était de 60 % en 1980, a plongé, particulièrement sous les gouvernements de gauche de 1982 à 1987, pour atteindre 39% en 1998, d’après Piketty.
En se limitant aux seuls salaires, le salaire net annuel moyen (avant impôts) des 1 % les plus riches en 1998 était de 58 300 francs par mois, soit un peu plus de 10 fois le SMIC net de l’époque.
2/ Propositions
La proposition qui pourrait être faite est de fixer, dans un délai à prévoir, un éventail de revenus (salaires et revenus du patrimoine) avant impôt allant de 1 (pour le SMIC à temps plein) à 5 pour les plus hauts revenus, proposition assortie d’une exigence de maintien (au moins) de la progressivité actuelle de l’impôt sur le revenu.
Dans une perspective européenne, on pourrait élargir cette proposition en la couplant avec l’objectif d’un salaire minimum dans tous les pays d’Europe, calé sur le PIB par habitant.
Le mot d’ordre serait ainsi en France et dans chaque pays d’Europe : vers un écart maximum de 1 à 5 pour les revenus avant impôt (hors revenus des minimas sociaux, qui doivent faire l’objet de mesures spécifiques de réévaluation).
Il y a deux moyens de parvenir à cet objectif :
- le premier est de fixer par la loi un écart maximum entre les niveaux de revenus
- le second est d’utiliser la fiscalité : un taux d’imposition de 90 % sur tous les revenus supérieurs à 5 fois le SMIC à temps plein (actuellement 73.000 euros par an). En France, à peine plus de 1 % des ménages seraient concernés par une telle imposition.
Cette deuxième approche, fondée sur la fiscalité, pourrait être privilégiée pour plusieurs raisons énoncées ci-dessous. Elle devrait être complétée par d’autres mesures : nous proposons également de supprimer les stock options (ainsi que les autres rémunérations du type « golden parachute ») et de les remplacer par des rémunérations indexées, non sur le cours boursier de l’entreprise comme les stock options, mais sur l’application d’objectifs sociaux et environnementaux.
3/ Conséquences attendues
La réduction des inégalités de revenus par la voie fiscale aurait plusieurs avantages :
- Cette proposition est « réaliste » car de tels taux de 90 % ont existé au 20ème siècle dans de nombreux pays, dont la France, et même aux États-Unis où ce taux a été dépassé pendant plus de vingt ans, de 1942 à 1964 (même s’il s’appliquait à des revenus nettement supérieurs)
- Cette mesure est bonne pour les finances publiques et la défense des politiques publiques
- Cette mesure peut s’inscrire dans notre combat européen pour une politique fiscale harmonisée et pour un retour à une fiscalité progressive
- Cette mesure apparaît conforme avec les luttes et mots d’ordres antérieurs d’Attac qui s’appuient sur la fiscalité (taxe Tobin), combattent la concurrence fiscale, privilégient la lutte contre les inégalités et la défense des politiques publiques.
- La deuxième proposition (suppression des stock options, remplacés par d’autres formes de rémunérations indexées sur les résultats sociaux et écologiques des entreprises) réduirait la logique actionnariale des entreprises et de leurs dirigeants, et inciterait ces derniers à appliquer des objectifs conformes à l’intérêt général.
4/ Résistances et moyens de les surmonter
Notre proposition de limiter les écarts de salaires ne manquera de susciter de vives critiques. La forte progressivité de la fiscalité sera accusée d’entraîner la délocalisation des entreprises et l’émigration des dirigeants d’entreprises. Ce type d’épouvantail a déjà été agité à plusieurs reprises, par exemple à l’occasion de la mise en œuvre des 35 heures. Les cassandres se sont trompés : pour l’accueil des investissements étrangers, la France est restée au quatrième ou cinquième rang mondial. En réalité, si les investisseurs étrangers viennent en France, c’est en raison du bon niveau de l’éducation et de la qualité des infrastructures. Les politiques publiques sont donc plébiscitées par les investisseurs étrangers ! Et les études existantes montrent que la fiscalité ne joue qu’un rôle secondaire dans les décisions de délocalisation des entreprises transnationales.
Une campagne d’explication sera nécessaire pour démonter les arguments de nos adversaires. Mais celle-ci devrait être facilitée par l’exaspération des salariés, chômeurs, citoyens face à la montée des inégalités et à la grande impopularité des rémunérations exorbitantes des dirigeants et des détenteurs du capital financier auxquels les profits sont redistribués en priorité, au détriment de l’investissement et de l’emploi.
http://www.france.attac.org/spip.php?article6033
La mondialisation néolibérale a pour effet d’accroître les écarts de salaires entre les salariés et les dirigeants d’entreprise. D’un côté, la mondialisation est organisée pour mettre en concurrence les travailleurs des pays du Sud et du Nord, ce qui a pour conséquence de tirer vers le bas les salaires dans les pays développés, tout en exploitant la main d’œuvre à bon marché des pays en développement. De l’autre côté, la mondialisation s’est traduite par une augmentation explosive des rémunérations des dirigeants des grandes entreprises transnationales, alliés des détenteurs du capital financier mondialisé.
En France, les revenus « salariaux » des patrons superstars du CAC 40 étaient, en moyenne, de 2 à 3 millions d’euros par an ces dernières années, c’est-à-dire de 1.1 à 1.7 million de francs par mois, soit 540 fois le RMI et 240 fois le SMIC. Certains patrons dépassent largement ces montants, tels ceux d’Aventis (8.4 millions d’euros en 2003) et de l’Oréal (6.7 millions d’euros en 2003). Et ces revenus s’entendent hors stock-options, cela va de soi ... À de tels niveaux on hésite à parler encore de « salaires », tant il est clair qu’il s’agit d’une forme détournée d’accaparement des profits.
D’après les estimations de Thomas Piketty dans « Les hauts revenus en France au 20ème siècle », le revenu des 0.01 % les plus riches (3 225 foyers fiscaux) était de 224 RMI ou de 102 SMIC en 1998. Ces écarts ont nettement progressé depuis. Les écarts de revenus sont vraisemblablement aujourd’hui de l’ordre de 1 à 200 avant impôt, et de 1 à 120 après impôt. Sachant que le taux d‘imposition des 0.01 les plus riches, qui était de 60 % en 1980, a plongé, particulièrement sous les gouvernements de gauche de 1982 à 1987, pour atteindre 39% en 1998, d’après Piketty.
En se limitant aux seuls salaires, le salaire net annuel moyen (avant impôts) des 1 % les plus riches en 1998 était de 58 300 francs par mois, soit un peu plus de 10 fois le SMIC net de l’époque.
2/ Propositions
La proposition qui pourrait être faite est de fixer, dans un délai à prévoir, un éventail de revenus (salaires et revenus du patrimoine) avant impôt allant de 1 (pour le SMIC à temps plein) à 5 pour les plus hauts revenus, proposition assortie d’une exigence de maintien (au moins) de la progressivité actuelle de l’impôt sur le revenu.
Dans une perspective européenne, on pourrait élargir cette proposition en la couplant avec l’objectif d’un salaire minimum dans tous les pays d’Europe, calé sur le PIB par habitant.
Le mot d’ordre serait ainsi en France et dans chaque pays d’Europe : vers un écart maximum de 1 à 5 pour les revenus avant impôt (hors revenus des minimas sociaux, qui doivent faire l’objet de mesures spécifiques de réévaluation).
Il y a deux moyens de parvenir à cet objectif :
- le premier est de fixer par la loi un écart maximum entre les niveaux de revenus
- le second est d’utiliser la fiscalité : un taux d’imposition de 90 % sur tous les revenus supérieurs à 5 fois le SMIC à temps plein (actuellement 73.000 euros par an). En France, à peine plus de 1 % des ménages seraient concernés par une telle imposition.
Cette deuxième approche, fondée sur la fiscalité, pourrait être privilégiée pour plusieurs raisons énoncées ci-dessous. Elle devrait être complétée par d’autres mesures : nous proposons également de supprimer les stock options (ainsi que les autres rémunérations du type « golden parachute ») et de les remplacer par des rémunérations indexées, non sur le cours boursier de l’entreprise comme les stock options, mais sur l’application d’objectifs sociaux et environnementaux.
3/ Conséquences attendues
La réduction des inégalités de revenus par la voie fiscale aurait plusieurs avantages :
- Cette proposition est « réaliste » car de tels taux de 90 % ont existé au 20ème siècle dans de nombreux pays, dont la France, et même aux États-Unis où ce taux a été dépassé pendant plus de vingt ans, de 1942 à 1964 (même s’il s’appliquait à des revenus nettement supérieurs)
- Cette mesure est bonne pour les finances publiques et la défense des politiques publiques
- Cette mesure peut s’inscrire dans notre combat européen pour une politique fiscale harmonisée et pour un retour à une fiscalité progressive
- Cette mesure apparaît conforme avec les luttes et mots d’ordres antérieurs d’Attac qui s’appuient sur la fiscalité (taxe Tobin), combattent la concurrence fiscale, privilégient la lutte contre les inégalités et la défense des politiques publiques.
- La deuxième proposition (suppression des stock options, remplacés par d’autres formes de rémunérations indexées sur les résultats sociaux et écologiques des entreprises) réduirait la logique actionnariale des entreprises et de leurs dirigeants, et inciterait ces derniers à appliquer des objectifs conformes à l’intérêt général.
4/ Résistances et moyens de les surmonter
Notre proposition de limiter les écarts de salaires ne manquera de susciter de vives critiques. La forte progressivité de la fiscalité sera accusée d’entraîner la délocalisation des entreprises et l’émigration des dirigeants d’entreprises. Ce type d’épouvantail a déjà été agité à plusieurs reprises, par exemple à l’occasion de la mise en œuvre des 35 heures. Les cassandres se sont trompés : pour l’accueil des investissements étrangers, la France est restée au quatrième ou cinquième rang mondial. En réalité, si les investisseurs étrangers viennent en France, c’est en raison du bon niveau de l’éducation et de la qualité des infrastructures. Les politiques publiques sont donc plébiscitées par les investisseurs étrangers ! Et les études existantes montrent que la fiscalité ne joue qu’un rôle secondaire dans les décisions de délocalisation des entreprises transnationales.
Une campagne d’explication sera nécessaire pour démonter les arguments de nos adversaires. Mais celle-ci devrait être facilitée par l’exaspération des salariés, chômeurs, citoyens face à la montée des inégalités et à la grande impopularité des rémunérations exorbitantes des dirigeants et des détenteurs du capital financier auxquels les profits sont redistribués en priorité, au détriment de l’investissement et de l’emploi.
http://www.france.attac.org/spip.php?article6033
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