Il est rare que je reprenne un article entier d'un autre journal sur le Blog. Mais l'article du Figaro d'aujourd'hui consacré à la mort de dix soldats français, dont Anthony Rivière, est le plus complet sur le sujet pour le moment, et surtout, il vient contredire les premières informations rapportées par Le Monde dès hier.
C'est pourquoi je vous le propose ci-dessous in extenso...

«Le Figaro» a pu reconstituer la chronologie minute par minute de l'attaque dans laquelle dix militaires français ont péri le 18 août en Afghanistan.

Grâce à des informations obtenues auprès de plusieurs sources très proches du dossier, Le Figaro est en mesure de reconstituer en détail l'embuscade lancée par les insurgés afghans contre une patrouille de reconnaissance, qui a coûté la vie à dix soldats français le 18 août.

Cette chronologie minute par minute invalide les témoignages recueillis à Kaboul auprès de certains soldats blessés, que Le Monde avait publiés dans son édition datée de jeudi. Selon ces premiers témoignages, le nombre élevé de victimes de l'embuscade menée par les talibans contre la patrouille française s'expliquerait en partie par la lenteur de la réaction du commandement et par des ratés dans la coordination. Toujours selon Le Monde, l'unité partie reconnaître à pied le col de Saroubli serait restée quatre heures sous le feu ennemi sans renfort. Elle aurait, de surcroît, manqué de munitions. Quant aux avions de l'Otan venus en renfort, ils auraient manqué leur cible et touché des soldats français.

L'Otan a catégoriquement démenti jeudi les informations faisant état de tirs fratricides, estimant qu'elles étaient «totalement infondées». Quant à la rapidité de réaction, elle n'est pas en doute non plus. De nombreux éléments de renforts ont été envoyés sur place très vite, 25 minutes, pour les premiers, après le début de l'attaque. Mais il leur fallait le temps d'arriver, et de progresser sur un terrain accidenté et peu sûr.

Si l'arrière de la colonne n'a pas pu porter secours aux éléments avancés partis à pied reconnaître le col, ce n'est pas en raison d'une défaillance des troupes françaises, mais parce que les talibans ont coupé la patrouille en deux. Ils ont d'abord attaqué les 22 militaires qui évoluaient à pied sur la crête. Puis ils les ont encerclés et ont immédiatement frappé la section arrière, pour empêcher qu'elle puisse porter secours à l'avant. Les talibans ont aussi délibérément visé l'adjoint du chef de section et le radio, les premiers à être tombés sous les tirs de leurs snipers. Ce qui explique pourquoi les communications ont été coupées. L'embuscade avait été très bien préparée. Les assaillants bénéficiaient manifestement de renseignements d'une grande précision concernant la patrouille française, son itinéraire et le nombre de forces engagées.

Depuis que la France a pris le commandement de la région centre, le 5 août, plusieurs patrouilles avaient effectué des missions de reconnaissance et de renseignement dans le secteur, qui se trouve dans les vallées d'Uzbin et de Tizin. Les talibans se faisaient plutôt rares dans la région. Les forces italiennes, qui avaient précédemment commandé la région, n'avaient pas rencontré de problèmes. Même si, selon plusieurs témoignages, elles ne s'étaient guère aventurées hors de leur camp. Quoi qu'il en soit, en cette mi-août torride, «la situation est calme», rapportaient les militaires sur place. Il y avait bien eu quelques «menaces d'attaques», non suivies d'effet. Jusqu'au 18 août.

Voici le déroulé des faits, tel que nous avons pu le reconstituer :

Le 18 août au matin, deux sections françaises d'élite, du 8e RPIMa et du régiment de marche du Tchad, font route vers la vallée d'Uzbin avec deux sections de l'armée afghane et des éléments des forces spéciales américaines. Ces dernières concentrent leur attention sur la présence des talibans en Afghanistan. Quant aux forces armées afghanes, elles sont formées depuis plusieurs années par des instructeurs français. La zone patrouillée se trouve au nord-est de Surobi, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale, Kaboul. Soit environ 45 minutes, par la route.

13 h 30 : Les fantassins du 8e RPIMa partent reconnaître à pied un col qui culmine à 2 000 mètres, sur une route en lacet s'étirant sur 4 à 5 kilomètres. L'ambiance est suffocante, il fait plus de 30 degrés. Les fantassins sont ralentis par la poussière orange qui s'infiltre partout et par la lourdeur de leurs gilets pare-balles.

15 h 30 : La section à pied est attaquée à l'arme légère et au lance-roquettes par des insurgés. Plusieurs militaires sont blessés. Après avoir encerclé l'avant-garde de la section, les talibans, qui sont environ une centaine, attaquent l'arrière de la colonne, avant de l'encercler. Les combats sont intenses. Le régiment de marche du Tchad (RMT) placé en appui, est à son tour encerclé. Le piège s'est refermé.

15 h 52 : La patrouille alerte la base.

15 h 55 : La section de réaction rapide est envoyée en renfort. Elle arrive sur place une heure plus tard.

16 h 30 : Une nouvelle section est envoyée en renfort de la base Tora. Elle est équipée de mortiers de 81 mm.

16 h 50 : Des avions de combat, guidés par les soldats américains au sol, arrivent. Les F 15 s'abstiennent de tirer, par crainte de commettre des dégâts collatéraux, les insurgés et les forces alliées étant trop imbriqués.

17 h 50 : Deux hélicoptères américains tentent d'évacuer les blessés, mais ne peuvent pas se poser. Les tirs sont trop nourris. Toute la zone est à feu et à sang.

17 h 58 : Deux hélicoptères français Caracals décollent vers la zone de combat pour tenter d'apporter un appui aux troupes au sol.

18 h 15 : Les hélicoptères déposent un médecin et dix commandos. Le bataillon français de Kaboul engage trois sections d'infanterie, dont l'une est héliportée à proximité, sur la base Tora.

18 h 25 : Les mortiers de 81 mm arrivés en renfort ouvrent le feu.

Vers 20 heures, les hélicoptères Caracals réussissent à évacuer plusieurs blessés.

Jusqu'à 21 h 30, les insurgés continuent leurs attaques contre la patrouille. Ils sont bien équipés et semblent bénéficier d'énormes réserves de munitions.

À 21 h 30, le feu se calme. Des groupes d'infanterie se dirigent dans la vallée d'Uzbin pour reprendre le contrôle de la zone. Leur travail est compliqué par la tombée de la nuit. Quelques blessés sont évacués.

À partir de 23 heures, des munitions sont acheminées sur les lieux pour aider les forces françaises à répliquer aux insurgés. Les recherches pour retrouver les disparus se poursuivent jusque tard dans la nuit. Mais les hommes peinent. L'obscurité est totale. L'ensemble des corps ne sera retrouvé que le matin.

À 4 heures, le 19 août, un véhicule de transport blindé participant aux évacuations tombe dans un ravin à cause d'un effondrement de terrain. Un soldat français est tué et trois autres sont blessés. L'évacuation des blessés se poursuit toute la nuit.

À 9 heures, les insurgés attaquent à nouveau au mortier les unités françaises. Mais cette fois brièvement et sans faire de blessés.

Pendant toute la durée des combats, les drones de combat Predator de l'Otan ont surveillé les alentours pour prévenir l'arrivée éventuelle de renforts talibans. Deux avions tueurs de chars A 10 Thunderbolt ont ouvert le feu : ils ont tiré 1 340 coups en 30 minutes. Les unités françaises ont aussi bénéficié du soutien rapproché aérien des avions américains, qui ont été guidés par les forces spéciales américaines.

Bilan de l'embuscade : 10 morts français au combat et 21 blessés. Les talibans auraient perdu 39 ou 40 hommes, dont un de leurs chefs. L'armée afghane déplore deux blessés. Un interprète afghan a aussi été tué.

Tags : afghanistan figaro riviere Vendredi 22 Août 2008 Commentaires (24)


Commentaires

1.Posté par papapio le 22/08/2008 21:32

J'avoue ne pas bien saisir les tenants et aboutissants de 'notre' présence là-bas.
Je sais seulement qu'il y a forcément des intérêts en jeux, sans quoi...
Rien ne ressemble plus à la guerre que la mauvaise foi des hommes et des femmes qui ne veulent pas entendre: Raison, Egalité des chances, partage, plaisir de vivre ensemble et d'aimer. Accepter l'idée que l'autre n'est pas une proie, pas une entrave ni à sa 'reproduction', ni à son épanouissement. Qu'il existe d'autre manières de s'illustrer que de démolir, à défaut d'être capable de grandir. Les privilèges gardés, l'avilissement, les otages, les tortures morales et ou physiques... L'histoire est un éternel recommencement qui ne touche vraiment que ceux qui l'ont vécu, subi.
Que reste t-il dans nos esprit tordus, désorientés et orgueilleux, du sacrifice de ceux qui croient en leurs semblables? A Tort?
Souvent, les concessions et consinsus avec: brutes, ripoux, corrompus et autres arrivistes dédaigneux, ne sont réalisés QUE quand tout le monde y a beaucoup PERDU, même et surtout ceux qui croyaient s'en tirer à bon compte dans l'anonymat.
La vie d'un seul coup, prend toute son importance devant le précipisse.
J'ai ausi un doute sur le fait que de jeunes gens, que nous avons étés, avec un minimum de recul aujourd'hui, sachent, comprennent réellement, qu'ils ont cru avoir choisi... En tous cas, le courage est là, pas à la portée de tous, c'est sur...

2.Posté par nicolas de launay de la perrière le 23/08/2008 00:09

Comme quoi... Soit on y va et on met le paquet... soit on y va pour faire de la 'figuration légitime'... En clair, tout cela ne serait il pas qu'un question de moyen ...?

un peu de provocation :
Imaginons un instant la situation inverse ... les 'intégristes' islamistes ont pris le contrôle de quasiment toutes les démocraties par n'importe quel moyen, et les habitants de ces démocraties, par fierté et par opposition à un mode de vie qui ne les concernent pas, se défendent.. Feriez vous autrement que la manière dont procèdent Al Qaida et les talibans...?

3.Posté par André974 le 23/08/2008 05:53

Il est dit dans le Figaro '...Les assaillants bénéficiaient manifestement de renseignements d'une grande précision concernant la patrouille française, son itinéraire et le nombre de forces engagées. ...'
Troublant non? Qui les avait renseignés? Un de leur agents ou quelqu'un d'autre? N'aurait on on pas voulu manipuler l'opinion?
Pourquoi cet hommage de la nation alors que d'autres soldats sont tombés sans qu'un hommage si solennelle leur soit rendu?
On verra si dans les prochains jours des décisions sont prises pour renforcer le contingent français
Avec les hommes politiques, quelque soit le pays, il faut s'attendre à tout

4.Posté par andremctp le 23/08/2008 11:29

Pour avoir fait mon service militaire dans un autre temps, je me méfie toujours des infos fournies par l'Armée, dite la Grande Muette. Par principe et pour des raisons systématiques de Secret Défense, les infos immédiates sont distillées de façon à ne pas mettre en cause la responsabilité du Commandement et de l'Armée. Et comme on ne pourra consulter les archives militaires que dans 100 ans, aux archives situées au Blanc (Indre), autant vous dire que bien peu d'entre nous sauront la vérité. Alors qui dit la vérité? Le Monde ou le Figaro? A mon avis personne, si ce n'est le nombre de victimes tuées et blessées. N'est il pas étrange qu'une famille de l'un des tués exige la vérité y compris sur le fait de savoir pourquoi avoir envoyé un gamin de 20 ans à peine, pour sa première mission, après tout juste 6 mois d'entraînement intensif? La réponse à cette question réside en partie par l'interview donnée par le commandant en second de la caserne de Castres je crois, d'une façon que j'ai trouvé un peu cynique, comme s'il voulait justifier les tués sans avoir à donner d'explications sur les causes. ' Dès leur arrivée, à la caserne, je dis à mes soldats qu'ils ont un devoir.... et qu'ils peuvent mourir en treillis pour la France' Alors pourquoi pas pour une première mission....

5.Posté par franck974 le 23/08/2008 15:49

il n'y a rien de troublant à comprendre qu'il est plus que probable que l'ANA, l'Armée afghane soit vérolée un maximum avec des soldats plus ou moins intégristes et anti occidentaux (certains pachtounes notamment). donc, surveillons nos arrières...mais occupons tout de même le terrain à la place des talibans, si nous avons les moyens de le faire...:(

6.Posté par boyer le 23/08/2008 17:11

Avant même l'invasion Russe en 1979, les USA soutenaient et armaient déjà les islamistes au Pakistan pour faire ch... l'inde.

lire sur wikipedia, l'histoire du pakistan: 'Le régime militaire Zia (1977-1988), Processus d'islamisation'

http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Pakistan#Le_r.C3.A9gime_militaire_Zia_.281977-1988.29

7.Posté par André974 le 23/08/2008 17:54

'..mais occupons tout de même le terrain à la place des talibans, si nous avons les moyens de le faire...:'
bien et ceci étant fait à supposer que ce soit possible,qu'est ce qui va se passer quand l'Afghanistan sera libéré de ces arriérés, cela va t- il changer la face du monde?
bien sur que non, ça pétera plus loin puisque le problème vient tout aussi bien des occidentaux extrémistes que des musulmans extrémistes, tôt ou tard ce sera l'embrasement. Alors que faire, et bien nous, les européens, agir pour nous mêmes et non pas en suivant aveuglément comme des toutous les anglo-saxons qui ne voient que leurs propres intérêts

8.Posté par Trouillomètre au maximum le 25/08/2008 23:52

Bilan de l'embuscade : 10 morts français au combat et 21 blessés. Les talibans auraient perdu 39 ou 40 hommes, dont un de leurs chefs. L'armée afghane déplore deux blessés. Un interprète afghan a aussi été tué.

4 fois plus de morts du coté des assaillants qui bénéficiaient de taupes et qui ont pris par surprise leurs 'victimes' bien moins nombreuses ...
Quels grands guerriers ces talibans ...
On remarquera aussi que les Afghans 'amis' n'ont subi que très peu de pertes (certainement des balles perdues ...).

9.Posté par boyer le 26/08/2008 07:46

Les États Unis ont financé 10 milliards de dollars à l'armée du Pakistan (qui a déjà l'arme nucléaire) pour lutter contre les talibans. Le Washington Post (*) a fait en avril 2008 un article sur le rapport du Governement Accountability Office qui disait que le bilan était nul. L'armée s'est servi d'une grosse partie de l'argent pour acheter des armes et soutenir son conflit avec l'Inde au Cachemire. Comme les talibans combattent au Cachemire aux cotés de l'armée pakistanaise....

* sur google chercher: 'U.S. Lacks Plan to Operate in Pakistani Tribal Areas, GAO Says'

10.Posté par laurent le 26/08/2008 09:27

Bonjour
Moi je pense que nous devons rester en aAfghanistan au dela de la polémique sur les Américains.
Si on ne reste pas, la nature ayant horreur du vide, c'est les talibans, puis al quaida, qui remplaceront nos soldats, et cela ne me semble pas utile, ni pour l'Occident, ni même pour les populations locales. Donc je suis d'accord avec franck974. Cependant, comme le dit le 1er commentaire, c'est vrai que nous sommes loin de ce pays et que les objectifs n'apparaissent pas toujours bien clairs.

11.Posté par Coquesigru le 26/08/2008 11:54

Laurent, je ne suis pas en désaccord avec vous. Une présence militaire peut permettre de limiter les dégâts.

En effet, laisser un terrain 'libre' et instable, de tout contrôle, entre les mains d'entreprises terroristes, je dis bien entreprises, car ceux qui tirent les ficelles (les chefs d'entreprise terroriste) ne sont pas en premières lignes et poursuivent d'autres objectifs qu'une lutte idéo-religieuse.

Les mouvement intégristes sont un creuset pour trouver des illuminés qui veulent bien aller se faire tuer, la mort des autres pour ceux là ne pèse pas bien lourd.

C'est payer un lourd tribu pour sauver des vies humaines, mais les uns ont le courage politique d'affronter l'opinion et d'autres ont l'immense courage de donner leur vie pour respecter leurs engagements.

C'est bien triste, tout cela.

12.Posté par boyer le 26/08/2008 11:55
LE MONDE | 25.08.08
Le général Stollsteiner (qui commande les troupes françaises de la région de Kaboul) : "Nous avons péché par excès de confiance"

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