Paul Franco Técher, un habitué des prétoires, mais qui a réussi jusqu'ici à conserver son casier judiciaire vierge, comparaissait une nouvelle fois hier en appel.

C'est lui qui contestait une condamnation en 1ère instance, à une amende pour avoir fait bénéficier une ancienne maîtresse d'un contrat aidé pendant deux ans.

Le maire de Cilaos ne supportait pas l'idée qu'on puisse le condamner pour une telle infraction. Selon lui, il n'avait fait que son métier de maire. Mieux : s'il avait refusé un tel contrat à la dame en question, il estime que cette dernière aurait été en droit de se retourner contre lui devant un tribunal, pour discrimination.

Et ce d'autant que son prédécesseur, à l'initiative de la plainte, avait lui même embauché sa concubine, qui avait été titularisée au bout d'un an!

Il avait donc fait appel. Mal lui en a pris! Il est tombé hier sur un procureur général, Raymond Doumas, très vindicatif. Selon lui, "en droit, le délit est parfaitement caractérisé", et il a requis une amende de 5 000 euros et deux ans d’inéligibilité.

Tel n'est pas, vous vous en doutez, l'avis de Jean-Jacques Morel, l'avocat de Paul Técher, qui relève que de nombreux élus ont embauché des proches sur des emplois durables : "Tout le monde sait que le président de Région a embauché sa fille à la tête de la Maison des civilisations avec un salaire de haut magistrat. Tout le monde sait que l’actuel maire de Saint-Denis a embauché son fils à son cabinet. Des instructions ont-elles été ouvertes pour autant ? C’est plus facile de faire condamner Paul Técher que Paul Vergès ?"

L'avocat aurait pu rajouter l'exemple de ce célèbre maire, battu aux dernières élections, dont la maîtresse qui était simple secrétaire à l'arrivée de son mentor à la tête de la commune, a fini comme attachée 6 ans plus tard en bénéficiant de promotions chaque année en Commission administrative paritaire...

Sans parler de Nassimah Dindar qui avait embauché son fils au Conseil général.

L'honnêteté me pousse cependant à distinguer plusieurs cas, qui ne sont pas sanctionnables de la même façon par la Justice.

Prenons le cas le plus simple : l'élu qui embauche ou qui fait profiter de promotions injustifiées un membre de sa famille ou une amie proche. C'est le cas de Paul Técher ou du maire dont je vous parlais un peu plus haut. En ce qui concerne les membres de la famille, c'est relativement facile à démontrer, mais comment prouver qu'une femme est la maîtresse d'un élu? La loi française protège la vie privée des personnages publics et interdit à la presse d'en parler. Il faut savoir qu'un journaliste, accusé de diffamation, se verra même refuser, dans ce cas très précis, la possibilité d'apporter la preuve de ce qu'il avance. Il sera condamné, même si c'est la vérité. C'est la raison pour laquelle vous avez remarqué que je déploie des trésors d'ingéniosité pour en parler, tout en n'en parlant pas, mais en espérant que vous comprendrez quand même... Seule solution : que la jeune femme (ou le jeune homme, dans certains cas...), passée dans le camp d'en face, reconnaisse d'elle même qu'elle a bien été la maîtresse du maire. C'est ce qui s'est passé dans le cas de Paul Técher, qui a d'ailleurs reconnu les faits. Il faut à ce sujet noter au passage que le maire de Cilaos est célibataire, et qu'il est donc libre de faire ce qu'il veut de sa vie privée...

Autre cas relativement simple : les maires ou les présidents de collectivités ont la possibilité d'embaucher un nombre limité de personnes, avec des salaires très élevés, au sein de leurs Cabinets. Nul besoin de diplômes : le principal critère est la confiance. On peut donc embaucher qui on veut et certains ne s'en sont pas privés. On se souvient de Nassimah Dindar qui avait embauché son fils Abdul-Hack. On peut également citer Gilbert Annette qui vient d'embaucher son fils. Rien à priori d'illégal là dedans. Je vous laisse cependant juges de la moralité...

Dans le même registre, on peut citer les parlementaires qui embauchent leurs conjoints ou leurs enfants comme attachés parlementaires, avec salaires conséquents et voyages gratuits en Métropole à la clé. Dans ce registre, on peut citer Bertho Audifax qui avait embauché son épouse, et Huguette Bello dont l'époux continue à la conseiller et à lui rédiger ses discours. (Erratum : Je viens d'être contacté par Roland Malet pour me dire qu'il a toujours travaillé pour sa femme en mettant un point d'honneur justement à ne pas faire comme les autres et qu'il a toujours refusé ne serait-ce qu'un centime pour ce qu'il faisait. Dont acte. La confusion est venue du fait que je savais qu'il travaillait beaucoup pour aider Huguette Bello, et il me semblait évident qu'il était rémunéré en conséquence. Avec toutes mes excuses donc à Roland Malet puisqu'il semble qu'il ait été touché par ce que j'ai écrit...)

Autre cas beaucoup moins simple : les enfants naturels. Il est de notoriété publique que les Cabinets de certaines collectivités regorgent de rejetons non reconnus, et qui portent donc les noms de leurs mères ou de leurs conjoints actuels. On en trouve également bien placés lors d'élections de listes, comme les Régionales. Les noms circulent dans les rédactions, mais impossible d'en parler, toujours au nom de la protection de la vie privée, des élus mais aussi des enfants en question. Il n'en reste pas moins que c'est tout aussi scandaleux, au plan de la morale, que s'il s'agissait d'enfants reconnus...

Et puis, restent les élus un peu plus malins qui placent leurs maitresses, ou les femmes sur lesquelles ils ont des visées, à l'intérieur même de leurs conseils municipaux. Comment refuser les avances d'un maire séduisant qui a fait de vous une adjointe vous permettant de toucher 1.500 euros minimum tous les mois, et de devenir ainsi une personnalité de votre commune? L'instruction de l'affaire Surgine Fontaine a montré que Cyrille Hamilcaro entretenait ainsi des relations privilégiées avec au moins une élue de son conseil. Et je pense à nombre d'autres maires qui sont dans une situation identique...

Vous voyez que les choses sont souvent bien moins simples en Droit qu'elles ne le paraissent dans la réalité.

Tags : cilaos politique Mardi 22 Juillet 2008 Commentaires (0)


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