II faut choisir : ça dure ou ça brûle ; le drame, c'est que ça ne puisse pas à la fois durer et brûler. Albert Camus

Remercions L'Express (édition du 20 mars 2013) d'avoir consacré un nouveau dossier sur le triomphe des pervers narcissiques. C'est le type de personnalité que l'on rencontre assez fréquemment (voire même trop souvent) et on n'arrive pas à nommer le mal dont on est victime. Lorsqu'on a la malchance de tomber sur une personnalité névrosée, on a toujours tendance d'abord à remettre en cause sa propre personnalité : suis-je trop émotif, trop paranoïaque, anxieux etc. ? En revanche, le bourreau, lui, ne se remet jamais en question et continue à prospérer dans le harcèlement.


Pourquoi les entreprises et les électeurs continuent à se laisser manipuler par des pervers narcissiques ou autres névrosés ?

Les pervers narcissiques, les "SOB" Seductive operational bully, représenteraient 3,9% des cadres en entreprise d'après le professeur Manfred Kets de Vries. Ces personnalités sont attirées par le pouvoir, donc point étonnant de les retrouver à des postes hiérarchiques. Ils sont dangereux car ils peuvent provoquer une véritable hémorragie des talents. Les ressources humaines ne sont pas armées pour détecter ce type de personnalité.

D'après le psychiatre Dominique Barbier, notre société, en perte de valeurs morales (en témoigne encore la récente affaire Cahuzac), serait devenue "une fabrique de pervers". Ils représenteraient 10% de la population, ce qui n'est guère rassurant !

Jean-Marc Mialet (Psychiatre enseignant à l'université Paris V) va encore plus loin et estime que La France "pays imbu de lui-même" est un terreau pour les pervers narcissiques. Le pervers aime "tirer les ficelles et jouer sur la peur". Les pervers narcissiques ne prospèrent pas que dans les entreprises, mais aussi dans la politique et dans les fonctions les plus hautes de l'Etat. "En France, où la posture importe davantage que les résultats obtenus ou les échecs répétés. C'est toute l'ambiguïté de notre pays, qui a voulu se priver des rois mais continue à en réclamer. Nulle part ailleurs on ne retrouve un tel mythe de l'homme providentiel". D'après ce psychiatre, le corps social français serait imbu de lui-même. Un peu de pragmatisme nous permettrait de nous protéger de ce type d'individus.

Il faut croire qu'en France, à cause de notre amour pour la théorie et l'abstraction, l'on ne fait pas assez attention aux personnalités difficiles et perverses, et on en sous-estime les effets néfastes. Notons que le terme de "pervers narcissique" n'est pas un terme très employé par les psychiatres et psychanalystes. Cette expression a été popularisée par Marie-France Hirigoyen dans son essai sur le harcèlement moral. Mais il existe toute forme de perversion, nous avons également la famille des pervers paranoïaques. Tiens parlons d'ailleurs des paranoïaques. Il ne faudrait pas non plus les oublier ! D'après le livre "Comment gérer les personnalités difficiles" de François Lelord et Christophe André, ces personnalités paranoïaques ont joué un rôle important dans l'histoire. C'était le cas de Staline et Hitler. On retrouve souvent ce type de personnalité chez les dictateurs. Comme le souligne Paul Lerner dans un article sur les "nazis sur le divan" (article paru dans le Time Literary repris et traduit par D. Veaudor dans la revue Books mars 2013), "la psychanalyse dont l'histoire est elle-même si remarquablement liée à celle du fascisme, a beaucoup à nous apprendre sur le magnétisme de dirigeants charismatiques et ce qui motive leurs disciples. Elle se révèle indispensable pour analyser la façon dont des évènements traumatiques s'inscrivent dans des formes d'expression culturelle".

Peut-être est-ce l'enseignement de l'histoire en France qui n'est pas assez pragmatique et du coup, nous donnerait pas assez d'armes pour comprendre l'enchaînement des faits politiques actuels. Les professeurs de collège et lycée n'insistent en effet pas assez sur les causes psychologiques des évènements historiques. Trop d'idéologie nous éloigne de la réalité et des "vrais" causes de l'histoire. Les grandes causes ne sont souvent que le résultat d'une grande somme de petites causes...

Rédigé par Marjorie Rafécas le Samedi 6 Avril 2013 à 15:13 | Commentaires (0)

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Marjorie Rafécas
Marjorie Rafécas
Passionnée de philosophie et des sciences humaines, je publie régulièrement des articles sur mon blog Philing Good, l'anti-burnout des idées (http://www.wmaker.net/philobalade), ainsi que sur La Cause Littéraire (https://www.lacauselitteraire.fr). Je suis également l'auteur de La revanche du cerveau droit co-écrit avec Ferial Furon (Editions du Dauphin, 2022), ainsi que d'un ouvrage très décalé Descartes n'était pas Vierge (2011), qui décrit les philosophes par leur signe astrologique.




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