II faut choisir : ça dure ou ça brûle ; le drame, c'est que ça ne puisse pas à la fois durer et brûler. Albert Camus

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Mardi 31 Janvier 2023

L’intelligence artificielle dépassera-t-elle un jour l’intelligence humaine ? La version bêta du nouvel agent conversationnel ChatGPT suscite à la fois admiration et effroi. Certains craignent que ces nouveaux robots formatent l’intelligence humaine et la réduisent dans un conformisme encore plus étroit que la pensée unique et surtout annihilent tout esprit critique. Dans La revanche du cerveau droit, nous expliquons que l’IA concurrence surtout l’intelligence « cerveau gauche » de l’être humain, l’intelligence langagière et logique. Et que prêter aux robots des émotions relève de l’anthropomorphisme. Mais, notre curiosité nous a conduit à interviewer notre cher ChatGPT sur : La revanche du cerveau droit. Si en matière philosophique ou des neurosciences, ChatGPT est quelque peu superficiel, sur la poésie, là, il est bluffant…
C’est parti pour une interview avec un robot….


La revanche du cerveau droit en interview exclusive avec ChatGPT !
Que penses-tu de la revanche du cerveau droit ?
ChatGPT : Il n'y a pas de consensus scientifique sur l'existence d'une "revanche du cerveau droit". Cette théorie suggère que le cerveau gauche, associé à la logique et à la raison, est surutilisé dans les sociétés modernes, et que le cerveau droit, associé à la créativité et à l'intuition, est négligé.
Cependant, les neuroscientifiques estiment que le cerveau est plus complexe et qu'il n'y a pas de compartiments strictement dédiés aux fonctions logiques ou créatives. Les deux hémisphères du cerveau travaillent ensemble pour effectuer de nombreuses tâches, et l'utilisation dominante d'un hémisphère dépend du type de tâche spécifique.
En conclusion, la théorie de la "revanche du cerveau droit" est largement controversée et ne reflète pas les dernières découvertes en matière de neurosciences sur la fonction cérébrale. Il est important de reconnaître la complexité de notre cerveau et de ne pas réduire ses fonctions à des stéréotypes simples.

Mais c'est une métaphore. N'est-elle pas une théorie intéressante pour comprendre notre monde moderne ?
ChatGPT : En tant que métaphore, la théorie de la "revanche du cerveau droit" peut effectivement être utile pour comprendre certains aspects de la société moderne, en particulier les tendances vers la recherche de l'équilibre entre la logique et la créativité, la raison et l'intuition.
Cependant, il est important de ne pas trop s'appuyer sur cette métaphore comme explication unique et valable de la complexité de notre cerveau et de notre monde. La réalité est plus nuancée, et les neurosciences montrent que les fonctions cérébrales sont très interconnectées et influencent mutuellement les différentes capacités humaines.
En fin de compte, la métaphore de la "revanche du cerveau droit" peut être une façon accessible de discuter de certaines tendances culturelles, mais il est important de la considérer comme une simplification de la réalité, et non comme une explication définitive de la complexité du cerveau et de notre société.

Notre société occidentale et moderne ne serait-elle pas trop "cerveau gauche" ?
ChatGPT : L'idée que la société occidentale et moderne est dominée par le cerveau gauche peut être une façon intéressante de décrire les tendances actuelles en matière de valorisation de la logique, de la raison et de l'efficacité dans notre culture.
Cependant, il est important de ne pas trop généraliser ou de ne pas trop se concentrer sur la dichotomie "cerveau gauche/cerveau droit". Les neurosciences montrent que les deux hémisphères du cerveau travaillent en étroite collaboration pour effectuer de nombreuses tâches, et que l'utilisation dominante d'un hémisphère dépend du type de tâche spécifique.
De plus, la société moderne n'est pas uniforme et il y a des variations culturelles, sociales, économiques et politiques qui influencent les valeurs, les attentes et les préférences. Il est donc important de ne pas trop simplifier la complexité de notre société en la réduisant à une simple dichotomie cerveau gauche/cerveau droit.
En fin de compte, la question de savoir si notre société est "trop cerveau gauche" est subjective et dépend des perspectives et des contextes individuels. Il est important de considérer les différents points de vue et de prendre en compte les nuances pour comprendre les tendances culturelles plus larges.

Et quid du temps linéaire ? N'est-ce pas une simplification de la réalité ?
ChatGPT : Le concept de temps linéaire, comme une succession ininterrompue d'événements dans le passé, le présent et le futur, est une convention largement utilisée dans notre société pour organiser et comprendre notre expérience du temps.
Cependant, il est important de noter que ce concept est en réalité une simplification de la réalité, car la compréhension scientifique moderne du temps montre que le temps peut être relatif et dépendre de la situation et des observations, et que le temps peut être influencé par la gravité et les phénomènes quantiques.
En fin de compte, le temps linéaire peut être une convention utile pour comprendre le temps, mais il est important de ne pas le considérer comme une réalité absolue, et de prendre en compte les nuances et les perspectives alternatives pour avoir une compréhension plus complète du temps.
Quels sont les plus grands penseurs de la notion du temps ?
Il existe plusieurs penseurs importants qui ont réfléchi à la nature et à la compréhension du temps au fil des siècles. Les plus importants d'entre eux incluent :
1. Aristote : le philosophe grec a défini le temps comme l'étalon des mouvements successifs.
2. Saint Augustin : le père de l'Église a examiné la nature du temps et sa relation à l'éternité.
3. Isaac Newton : le mathématicien et physicien anglais a formulé les lois du mouvement et de la gravitation, qui comprenaient une conception uniforme et absolue du temps.
4. Immanuel Kant : le philosophe allemand a examiné la relation entre le temps et l'espace, et a soutenu que le temps est un concept nécessaire pour la compréhension du monde.
5. Albert Einstein : le physicien allemand a développé la théorie de la relativité générale, qui montre que le temps peut être influencé par la gravité et la vitesse de l'observateur.
6. Henri Bergson : le philosophe français a examiné la nature intuitive et subjective du temps, et a soutenu que le temps est un processus continu, et non pas une série d'instants figés.
Ces penseurs, ainsi que d'autres, ont continué de contribuer à la compréhension et à la réflexion sur la nature du temps, et leur travail est toujours considéré comme important dans les discussions contemporaines sur le temps et la philosophie de la physique.

Tu n'aurais pas oublié aussi Héraclite et Nietzsche ? Et Descartes ?
Je suis désolé, oui, j'ai oublié de mentionner Héraclite, Nietzsche et Descartes. Merci pour la correction.
1. Héraclite : le philosophe grec a soutenu que le temps est un processus constant de changement et de devenir, et que tout est en mouvement permanent.
2. Friedrich Nietzsche : le philosophe allemand a examiné la nature du temps et de l'éternel retour, et a soutenu que le temps est un processus cyclique.
3. René Descartes : le philosophe et mathématicien français a formulé les principes fondateurs de la philosophie moderne et a examiné la nature du temps et de l'espace dans ses écrits sur la métaphysique.
Ces penseurs ont également eu une influence significative sur la compréhension et la réflexion sur la nature du temps, et leur travail continue d'être étudié et discuté aujourd'hui.

Est-ce qu'il n'y aurait pas une différence de perception du temps entre l'hémisphère droit et l'hémisphère gauche du cerveau ?
Il y a effectivement des différences de perception du temps entre les deux hémisphères cérébraux, mais les recherches dans ce domaine sont complexes et les conclusions sont encore incertaines.
L'hémisphère gauche du cerveau tend à être plus analytique et à traiter les informations de manière séquentielle, ce qui peut conduire à une perception plus linéaire et organisée du temps. De l'autre côté, l'hémisphère droit du cerveau tend à être plus intuitif et à traiter les informations de manière globale, ce qui peut conduire à une perception plus synchrone et moins linéaire du temps.
Cependant, ces différences ne sont pas absolues et peuvent varier en fonction de nombreux facteurs, tels que la culture, l'éducation, l'expérience personnelle, et la nature de la tâche que l'on accomplit. En outre, la plupart des fonctions cérébrales impliquent la participation de plusieurs régions cérébrales, et la perception du temps est souvent influencée par un certain nombre de facteurs complexes et interconnectés.


La revanche du cerveau droit en interview exclusive avec ChatGPT !
Est-ce que tu pourrais créer un poème, dans le style de Rimbaud, sur La revanche du cerveau droit ?
ChatGPT : Bien sûr, je peux essayer de créer un poème sur la revanche du cerveau droit dans le style de Rimbaud :

La revanche du cerveau droit
Là où l'analyse règne en maître, Là où la raison est sacralisée, Le cerveau droit se lève en silence, Prêt à reprendre sa place.
Il y a des mondes que nous n'avons pas vus, Des merveilles que nous n'avons pas senties, Le cerveau gauche peut analyser, Mais le droit peut les réaliser.
Le temps n'est plus une ligne droite, Mais un océan de possibilités, Le passé, le présent et le futur, Sont tous présents dans les sensations.
Les couleurs sont plus vibrantes, Les formes plus douces, les sons plus riches, Le cerveau droit se lève pour dire, Que la vie peut être plus que logique.
Alors laissons-le prendre le dessus, Et explorer ces nouveaux territoires, Car peut-être que nous découvrirons, Des merveilles que nous n'avions jamais vues auparavant.



La revanche du cerveau droit en interview exclusive avec ChatGPT !
Bravo ! Et si on choisit le style de Baudelaire, cela donne quoi ?
ChatGPT : Bien sûr, je peux aussi essayer de créer un poème sur la revanche du cerveau droit dans le style de Baudelaire :
Revanche du cerveau droit
Le cerveau gauche, avec ses calculs et ses chiffres, A régné sur nos pensées pendant si longtemps, Mais le droit se lève, comme un lion qui rugit, Prêt à montrer la voie de la beauté et de la vérité.
Le temps n'est plus une ligne rigide, Mais une danse éternelle dans le présent, Le passé n'est plus que souvenirs, Le futur n'est qu'une projection de notre esprit.
Les couleurs sont plus vives, les formes plus douces, Les sons plus riches, les sentiments plus purs, Le cerveau droit nous montre la vie en technicolor, Tandis que le gauche ne voit que noir et blanc.
Alors laissons-le reprendre le contrôle, Et explorer ce monde de sensations, Car peut-être que nous découvrirons, La beauté cachée de ce monde effrayant.



La revanche du cerveau droit en interview exclusive avec ChatGPT !
Tu es finalement assez « cerveau droit. » ha ha … Et avec le style d'Oscar Wilde ?

ChatGPT : Bien sûr! Voici un autre essai de poème sur la revanche du cerveau droit dans le style d'Oscar Wilde:

La revanche du cerveau droit
Le cerveau gauche, avec son analyse si stricte, A dominé nos pensées pendant trop longtemps. Mais le cerveau droit, tel un lion en liberté, Brise les chaînes et réclame son droit.
Le temps n'est plus une ligne droite et définie, Mais une mer agitée où nous flottons sans but, Le passé n'est plus qu'une brume qui se dissipe, Le futur, un mystère qu'on ne peut percer.
Les couleurs sont plus vives, les formes plus douces, Les sons plus envoûtants, les émotions plus fortes, Le cerveau droit nous offre un monde en couleur, Tandis que le gauche ne voit qu'une grisaille monotone.
Alors laissons-le nous guider, Et laissons les sens nous éblouir, Car peut-être découvrirons-nous, La véritable beauté cachée de ce monde effrayant.


Et en anglais avec des rimes, c’est possible aussi ?
Certainly, here's a rhyming version of the same poem in English:
The Right Brain's Rise
The left brain, with its logical ties, Has led us down a path so precise. But now the right brain breaks the chain, And shows its might, no longer restrained.
Time's not a line, so neat and fine, But a sea that's constantly in decline. The past is but a memory, The future, a mystery.
Colors are brighter, shapes are kinder, Sounds are more musical, emotions milder. The right brain paints a world of hues, While the left sees only grays and blues.
So let us trust it, as our guide, And let our senses take the ride. We might just find, if we so choose, The beauty hidden in the world we view.


Evidemment ces poèmes ne sont pas du niveau d’un Baudelaire, d’un Rimbaud ou d’un Oscar Wilde, mais c’est un texte original avec du sens.
Cela ouvre tout de même des perspectives pour les métiers en communication. Cela ne remplacera pas les universitaires et les rédacteurs qui ont une plume, mais pourra se substituer à des communications plus banales et aseptisées.

A la fin, je l’ai aussi interrogé sur Descartes n’était pas Vierge (mon livre sur les philosophes selon leur signe astrologique), et là ChatGPT a tout à coup été bien plus dogmatique. Il m’a soutenu et répété que l’astrologie n’était pas une science, et que même en tant symbole et métaphore, il ne souhaitait pas aller plus loin. Il a coupé court. Tant pis pour Jung ! Cela montre que l’on peut facilement circonscrire l’intelligence artificielle qu’à certains domaines.

J’ai vraiment apprécié l’humilité de ce Chatgpt car il n’affirme rien. Il reste très diplomate et ne cherche pas à créer de polémiques. Ce qui lui confère finalement un côté fort sympathique et attachant, contrairement à certains de nos concitoyens (le « con » au début de concitoyen étant involontaire!)
A vous maintenant de vous faire une idée….

ChatGPT a été développé par OpenAI.

La revanche du cerveau droit, une ouverture pour demain, Ferial Furon et Marjorie Poeydomenge, Editions du Dauphin, 2022

Rédigé par Marjorie Rafécas le Mardi 31 Janvier 2023 à 21:43 | Commentaires (0)

« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point », cette citation de Pascal reflète la dualité de nos cerveaux gauche et droit, et surtout celle de notre cœur et de notre cerveau. Car fait scientifique encore méconnu, le cœur a aussi des neurones !
Explications de Ferial Furon et Marjorie Poeydomenge à l’occasion de la sortie de leur livre La revanche du cerveau droit (Editions du Dauphin, 2022), sur la radio insolite d'Alain Moreno


Spécial Saint Valentin : découvrez l’intelligence du cœur et l’optimisme de Jung et de Spinoza sur le désir
Avec les avancées de la science, on sait maintenant que le cœur est bien plus qu’une simple pompe chargée de la circulation sanguine. Il contient un système nerveux d’environ 40 000 neurones et son champ électromagnétique est 5000 fois supérieur à celui du cerveau. Sur le plan énergétique : le champ électromagnétique du cœur est le plus puissant de tous les organes. Et il varie en fonction de l’état émotif. Lorsqu’on a peur et qu’on ressent de la frustration, il devient chaotique et il se remet en ordre avec les émotions positives. Tous ceux qui nous entourent reçoivent l’information de ce champ électromagnétique.
Lorsqu’on pratique la cohérence cardiaque par la méditation, les bienfaits sont tangibles : cela augmente l'ocytocine (hormone de l'attachement) et de la DHEA et diminue le cortisol (stress).


L’amour démarre dans le cœur. Mais comment l'amour se manifeste dans le cerveau alors ?


L’ocytocine joue un rôle important dans notre cerveau, car c’est l’hormone de l’attachement, du lien social et de la confiance. L’ocytocine nous apaise et nous dorlote. Mais il y a aussi la dopamine qui intervient dans les coups de foudre ! La dopamine, c’est l’hormone du désir. Lorsqu’on a un coup de foudre, on peut rougir, avoir mal au ventre, on a envie de partir en courant, on n’a plus d’appétit, c’est l’effet de l’adrénaline. Heureusement, la dopamine intervient pour contrebalancer l’effet de l’adrénaline et nous motive pour aller jusqu’au bout de notre désir. La dopamine c’est plus la recherche du plaisir, de la récompense. Si on stimule tout le temps la dopamine, on risque de devenir addict aux conquêtes amoureuses, voire à l’amour romantique. Si on cite la figure littéraire de Don Juan, Don Juan a besoin de conquêtes car cela le stimule. Il est dépendant de ces récompenses. Il se dope à la dopamine. A l’inverse, l’ocytocine est l’hormone de l’intimité. Elle supprime le stress et a plus l’effet d’endorphine. C’est probablement l’ocytocine qui permet à un couple de durer pendant des années. Car avec la dopamine, l’amour devient vite jetable… Même si les coups de foudre sont des beaux moments à vivre ! Quand Beigbeder écrit que l’amour dure 3 ans, c’est plus l’effet des phéromones et de la dopamine …

On aime avec l’ocytocine et la dopamine. Mais est-ce qu’on aime plus avec son cerveau gauche ou son cerveau droit ?

Il y a un lien entre « la revanche du cerveau droit » et l’intelligence du cœur.
Dans notre monde moderne technologique, lorsqu’on évoque l’intelligence ou la conscience, on pense exclusivement au cerveau mais cela incarne une pensée froide, un intellect coupé des émotions (le cerveau gauche en est le symbole). Par sa revanche, le cerveau droit ouvre la voie de l’intelligence du cœur qui incarne la plus haute forme d’accès à la connaissance : comme dirait Spinoza, c’est le 3ème genre de connaissance qui repose exclusivement sur l’intuition. C’est une intelligence supérieure qui s’active avec des émotions positives et un total lâcher prise.
Passer de l’intelligence cérébrale à l’intelligence du cœur pourrait incarner le principe d’individuation de Jung : un parcours initiatique qui nous conduirait à nous connecter à notre véritable essence.

En amour, vaut-il mieux adopter l’optimisme de Jung ou le pessimisme de Freud ?


Dans notre livre, on évoque la différence de vision entre Freud et Jung sur le plan de la libido. Jung voit dans l’amour un phénomène de transformation : il nous aide à nous accomplir. C’est le principe d’individuation. Pour Freud, l’amour est presque une condamnation ! Il y a quelque chose de très pessimiste chez le pionnier de la psychanalyse : tout est sexuel et sans âme. Alors que la libido pour Jung est créative, elle permet de se dépasser et de se rapprocher de sa vérité. C’est un élan vital comme chez le philosophe Bergson. Freud est très médical dans son approche de l’amour, il scinde le développement libidinal en trois stades clés : oral, anal et phallique. Freud en cantonnant la libido à la sexualité, il a indirectement sexualisé l’amour. Or l’amour n'est pas que sexuel ! L’amour est plus complexe, plus complet, plus mystérieux. C’est un élan. Ça ne consiste pas juste à l’aboutissement du désir sexuel. Chez Freud, L’amour est comme une névrose dont il est difficile de se délivrer. Dans Malaise d’une civilisation, Freud se montre très pessimiste. Il écrit que nos facultés de bonheur sont limitées par notre constitution. Contrairement à Jung, pour qui l’amour est un mystère qui nous aide à nous réaliser et à nous élever, l’amour chez Freud est plutôt un schéma répétitif dont on ne se libère jamais.

Si on quitte alors le côté obsessionnel de Freud, est-ce que l’amour peut être alchimique plutôt que chimique ?

Le cœur est passionnant sur le plan du symbolisme, il est à la fois :
- Le centre du corps, le centre névralgique
- le désir, l’ardeur, l’élan vital, la connaissance des lois du cosmos (la loi de l’Amour, l’arbre de vie, la reliance au grand Tout)
- la vie, une énergie mystérieuse qui lutte contre la mort, l’entropie (le désordre)
- Sur le plan alchimique, le sang représente l’union de l’eau et du feu, union de la matière et de l’esprit, de la lune et du soleil, de la spontanéité et de l’ordre, de la vie et de la conscience ou de l’instinct et de l’intellect.
- Evoque le Graal, calice qui aurait servi à recueillir le sang du Christ.
- L’œuvre au rouge des alchimistes : un aboutissement. Les instances de la psyché sont réunies à leur juste place dans une harmonisation des contraires qui évoque une vision élargie de la réalité.
- Apollon et Dionysos.
o Ces deux divinités se retrouvent dans l’espace du cœur : Apollon avec sa couronne de laurier symboliserait les coronaires et Dionysos avec sa coupe symboliserait le cône qui reçoit le sang de l’organisme.
o C’est pour cela qu’on considère le cœur comme l’espace de l’intelligence. Et dans toutes les traditions anciennes, l’intelligence est située dans le cœur alors que dans notre époque moderne technologique, on place l’intelligence dans la tête (cerveau) qui se contente de décrire le réel.
En alliant Apollon et Dionysos, l’intelligence du cœur représente la trans-lucidité comme dirait Luc Bigé dans notre livre. Être à la fois dans l’espace de transe dionysiaque en lien avec l’âme du monde et de lucidité apollinienne. C’est ce que nous symbolisons dans notre livre par une communication harmonieuse et une parfaite alternance entre notre cerveau droit et notre cerveau gauche.

Apollon et Dionysos, un clin d'oeil à la philosophie de Nietzsche ?

Sur la plan philosophique, comme l’avait écrit Nietzsche dans La naissance de la tragédie, Apollon est dans la mesure et l’harmonie, alors que Dionysos est dans la démesure, la passion… C’est un peu comme le symbole de la sérotonine vs dopamine… Nietzsche a une vision optimiste de la passion, mais attention il faut être un surhomme pour ne pas en mourir…

Un autre philosophe que nous citons dans notre livre et qui a une vision très optimiste du désir est Spinoza. L’amour devient une joie avec Spinoza. Le désir est l’essence de l’Homme chez notre philosophe hollandais. Il nous pousse vers ce qui nous manque pour nous réaliser. Mais attention aux passions tristes… Lorsqu’un amour affaiblit, c’est certainement que la destination n’était peut-être pas pertinente. Le désir doit nous rapprocher d’un sentiment de plus grande puissance. Ce qui est en fait très proche de la volonté dé puissance de Nietzsche. Le désir n’est pas mauvais en soi, ce qui est important est que de comprendre pourquoi une chose ou une personne nous attire. Quand nous sommes tristes, Spinoza nous propose de remplacer ce désir frustré par un désir plus grand. Par exemple le sentiment de béatitude peut contrarier les « appétits lubriques ». Cela reflète la chimie encore une fois de notre cerveau : la sérotonine peut nous aider à surmonter le côté addictif de la dopamine. Il faut se méfier des bonheurs d’excitation permanents. Passion veut dire souffrir en grec. La passion c’est ce que l’on subit… Ce qui est toujours dangereux en amour c’est de subir, d’être dans l’attente, d’être dans l’obsession… L’amour qui nous empêche d’avancer, de passer à l’action, bref qui nous fait perdre de l’énergie.
Quand une passion amoureuse est bien orientée, elle nous mène vers la joie. L’amour est une joie. Si on reprend le concept de cerveau gauche / cerveau droit, le cerveau droit est plus dans l’universel, le global, alors que le cerveau gauche davantage dans le détail et la maîtrise. Or en amour il faut savoir lâcher prise à certains moments et revenir vers son cerveau gauche pour être raisonnable.

La philosophie grecque reste aussi une belle école de la sagesse pour appréhender l’amour. L’amour dans l’Antiquité grecque revêtait 3 notions :
- l’amour Agapé, qui est l’amour inconditionnel,
- Eros l’amour érotique
- et Philia, l’amour amitié.

Eros serait plutôt l’amour physique, Philia l’amour complice : « je suis content que tu existes » et Agapé, l’amour divin et universel, nul besoin de réciprocité… Les 3 types d’amour sont importants.

La Saint Valentin célèbre ses trois types d’amour, ne l’oublions pas. Rappelons-nous surtout de l’histoire de la Saint Valentin, à l’origine il s’agissait d’une fête romaine païenne, où les hommes fouettaient le ventre des femmes pour favoriser la fertilité ! Et ils buvaient jusqu’à plus soif ! Ce qui était très dionysiaque. Le pape au Vème siècle a voulu changer la tournure en créant la fête de l’amour spirituel avec la Saint Valentin le 14 février.

Vive donc l’amour physique, spirituel et complice !

Spécial Saint Valentin : découvrez l’intelligence du cœur et l’optimisme de Jung et de Spinoza sur le désir
Enfin appliquer les préceptes d’Epicure « Donner plus que recevoir » aide à fabriquer de la sérotonine (dont on parle dans notre livre La revanche du cerveau droit). Donc n’hésitez pas à offrir des cadeaux pour la Saint Valentin, votre cerveau vous récompensera !

Pour visualiser l'émission en intégralité et l'interview dont est issu l'article : Intelligence du coeur - le cerveau facilitateur - Spécial Saint Valentin sur Radio Insolite


La revanche du cerveau droit, une ouverture pour demain, Ferial Furon et Marjorie Rafécas-Poeydomenge, Les Editions du Dauphin. 2022
Spécial Saint Valentin : découvrez l’intelligence du cœur et l’optimisme de Jung et de Spinoza sur le désir

Rédigé par Marjorie Rafécas le Lundi 14 Février 2022 à 22:03 | Commentaires (0)

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Dimanche 9 Août 2020

Hasard de rencontres, fin juin en sortant de chez le médecin, je fais la connaissance d’Ambre Bartok, qui vient de collaborer avec le professeur Perronne sur la pandémie Covid 19 en France. Il s’agit de l’ouvrage Y a-t-il une erreur qu’ils n’ont pas commise ? de Christian Perronne paru chez Albin Michel en juin 2020. J’ai été rassurée de constater que toutes les incohérences relevées pendant le confinement ont été consignées dans ce livre très factuel… On se sent bien moins seul. Les faits, rien que les faits. Sans compter le nombre de mots prononcés, si souvent contradictoires, pour ne pas les oublier.


Le dogmatisme français, un danger plus inquiétant que le virus du Covid 19
Notre Président l’avait pourtant annoncé : nous étions en mars dernier en « guerre » sanitaire ». Le mot « guerre » martelé à plusieurs reprises nous a fait froid dans le dos, comme si la réminiscence des 2 précédentes guerres mondiales re-flottait à la surface sous une autre forme. Comme le dénonce Christian Perronne, nous n’avons pas eu pour autant une médecine de guerre. Le dogmatisme français l’a remporté sur le pragmatisme. Et c’est là où on réalise que l’excès de procédures administratives et la langue de bois sont une forme de dictature, et qu’ils dérivent tout deux de la même idéologie, celle de nous endormir.

Des phrases vides de sens comme celle de Jean-François Delfraissy ont pullulé : « Il faut être intelligent, garder une forme d’isolement mais ne pas non plus les isoler » (propos prononcé pour protéger les personnes âgées)… Comment faire confiance au Gouvernement et aux institutions lorsque de telles phrases alambiquées et indécises sont déclamées dans les médias ?
Le plus inquiétant reste que dès que l’on essaie d’analyser cette novlangue et d’avoir un semblant d’esprit critique, on est taxé de « complotiste », suspecté de divulguer des « fake news »… Ce livre reprend « littéralement » toutes les incohérences dites ou décisions prises par le gouvernement ou autre institution médicale, loin du pragmatisme. Des insultes à notre intelligence.

L’ascension de l’incohérence ayant été atteinte par la publication de deux décrets quasi simultanée : le 1er interdisant la chloroquine en 1ère instance (seuls les « mourants » peuvent se le voir prescrire) et le 2ème autorisant le Rivotril dans les EHPADS. Le Rivotril, qui est une sorte d’euthanasie. Or d’après les experts, la chloroquine n’est plus efficace lorsqu’elle est prescrite tardivement sur les états sévères. Il faut la prescrire avant la dégradation de l’état des malades atteints par le virus. Comment comprendre cette double décision favorisant la mortalité ? Ne consacrons-nous pas une partie significative de notre PIB à la santé de notre pays ? Qu’ont fait les Français pour mériter une telle politique sanitaire, à la limite du suicide ?

Frank Chauvin, Président du HCSP, réserve l’hydroxychloroquine aux mourants, tout en reconnaissant dans la presse (Canard enchaîné) que ce médicament n’est d’aucune utilité s’il est prescrit tardivement… « Mieux qu’un traitement sans preuves vaut une bonne autopsie ».

Il semblerait que des conflits d’intérêts avec les labos Gilead et Abbivie aient pu influencer certaines décisions… Mais ne soyons pas paranos. Non, non, aucune intention de gérer les hôpitaux publics comme des pots de yaourts n’a été à l’œuvre non plus…

Au bout du compte, tout cet ensemble de faits m’incite à regretter toujours ce manque cruel de moyens en matière de justice. La justice est qu’une autorité en France, et non pas un pouvoir. Cela n’a jamais été aussi criant. Nous manquons cruellement de justice, de jugement « impartial ». D’ailleurs, le professeur Perronne nous rappelle qu’en 2018, Emmanuel Macron aurait souhaité supprimer la Cour de justice de la République. Certainement pas une bonne idée de supprimer un telle cour…

Mais ne soyons pas paranos… Tout se passe bien également dans les hôpitaux psychiatriques...

Y a-t-il une erreur qu’ils n’ont pas commise ?, de Christian Perronne, Albin Michel, Juin 2020.


Rédigé par Marjorie Rafécas le Dimanche 9 Août 2020 à 10:32 | Commentaires (0)

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Lundi 12 Février 2018

Régis Debray, à travers son dernier ouvrage Le nouveau pouvoir, nous prouve qu'il existe encore des contre-pouvoirs à l'avènement de la philosophie du milieu... Que cache le phénomène de l'ascension si fulgurante d'Emmanuel Macron ?


A propos d'Emmanuel Macron et le néo-protestantisme...
La promesse de ce livre était séduisante : comprendre le phénomène Macron à travers le spectre de l’avènement du néo-protestantisme.

Mais, si la verve érudite de Régis Debray est là pour nous arracher quelques sourires, à aucun moment est clairement défini ce qu’est le néo-protestantisme. D’ailleurs, à la fin du livre, on a plutôt l’impression qu’il s’agit davantage d’un règlement de comptes avec Paul Ricœur qu’avec le néo-protestantisme… Une raillerie de la philosophie du milieu qui refuserait les contradictions.

Régis Debray s’amuse plutôt à nous décrire le néo-protestantisme à coups de clichés. Il se moque de la nouvelle évangélisation de l’esprit faussement cool des start-up et de la bienveillance. Il voit derrière le néo-protestantisme l’esprit de la mondialisation, de la culture dominante anglo-saxonne protestante, une uniformisation du monde. Cette culture anglo-saxonne engendrerait l’individualisme, la baisse de l’importance du politique avec une approche managériale du traitement des sujets politiques, ainsi que l’obsession de la transparence. Selon lui, la transparence est un phénomène protestant ! « Les pays issus de la Réforme ont un avantage sur leurs voisins, plus arriérés : ils ne mettent pas de volets aux fenêtres. La vertu cultive les maisons de verre, le vice, les maisons closes (les prostituées à Amsterdam sont en vitrine) ».

« Nous étions en France catho-laïques. Pouvons-nous troquer sans regret la virtù contre la vertu ? That is the question ». La nuance entre virtù et vertu est importante. Le mot latin virtus signifie force, courage, il dérive de vir, homme. La vertu impose au contraire une vision du bien plus totalitaire. La virtù au sens de la Rome antique reflète plutôt la volonté de puissance de Nietzsche, la contradiction entre Apollon et Dionysos, l’ordre contre le chaos. Or la vertu au sens protestant embrasse l’ordre harmonieux d’Apollon, en niant les forces souterraines de Dionysos. Dans la vertu, nous n’avons plus de dialectique, une dynamique de la positivité de la négativité. C’est une autre vision du désir, qui n’a plus le droit de manquer sa cible. « Quand le wishful thinking en vient à gommer l’irréductible des rapports de force en ce bas monde, n’est-ce pas courir le risque de survoler une jungle en ignorant la loi de la pesanteur ? ». Vaste débat…

Il est vrai que la désintermédiation numérique a en apparence allégé la loi de la pesanteur… Mais, peut-on pour autant affirmer que le néo-protestantisme est à l’origine de la désintermédiation numérique et qu’il « abolit les hiérarchies ». « Le client est roi, et non plus Dieu ».

Cette victoire de l’homo economicus sur l’homme politique qui l’avait auparavant remporté sur l’homme religieux, irrite Régis Debray. L’histoire collective a disparu et est remplacée par des visions court-termistes comme le monde des start-up et de la disruption. Selon lui, Emmanuel Macron est un « homme qui veut rechercher une profondeur de temps, mais son milieu ne peut que l’en empêcher ». Parce que son maître à penser est Paul Ricœur, un philosophe du milieu. On se doute que le « juste milieu » ne s’ajuste pas du tout avec la personnalité de Régis Debray.

Mais, faut-il une mythologie, des symboles pour échapper à l’individualisme comme le pense Régis Debray ? Paul Ricœur verrait-il ce besoin de mythologie comme un abus de mémoire, une mémoire manipulée ? C’est une vision narrative et sélective d’un récit, plus proche de la virtù romaine que la vertu du juste milieu.

« Un vivre ensemble sans rien qui dépasse ». Régis Debray a des intuitions fulgurantes, probablement visionnaires, mais qui méritent d’être davantage explicitées pour gagner en crédibilité. Sa dénonciation de la transparence a cependant du sens concernant la protection des données personnelles. Les personnes désireuses de protéger leurs données personnelles n’ont pas forcément des choses à cacher… Pour vivre heureux, ne dit-on pas qu’il faut vivre caché et cultiver son jardin secret ?

Alors conservons encore quelque peu des rideaux à nos fenêtres…


Rédigé par Marjorie Rafécas le Lundi 12 Février 2018 à 22:18 | Commentaires (0)

FLASH-INFO pour ne pas perdre le PHIL

Dimanche 23 Avril 2017

A l'ère de l'hypermodernité, notre société aurait-elle besoin de pessimistes mélancoliques comme Arthur Schopenhauer ou Michel Houellebecq pour la rappeler à l'ordre ?
Trop d'excès, d'absurdités, de médiocrités, de pensées vides... Nous nous consumons sans modération. "Schopenhauer l'expert en souffrance, le pessimiste radical, le solitaire misanthrope" est une lecture réconfortante pour Michel Houellebecq, écrit Agathe Novak-Lechevalier dans la préface de En présence de Schopenhauer, publié début 2017 par Houellebecq. Mais le serait-elle aussi pour nous ?


Schopenhauer, Houellebecq, les pessimistes ont-ils le vent en poupe ?
Pourtant, je n'ai pas toujours été tendre avec notre philosophe allemand, en témoigne l'article polémique que j'avais écrit sur sa misogynie en 1996, Schopenhauer, la haine des femmes ou de sa mère, qui a tant provoqué de réactions sur mon blog lorsque je l'ai re-diffusé en 2007 (cliquer ici pour visualiser l'article). Franchement, je ne sais pas si le fait d'avoir eu une mauvaise mère tend à transformer les enfants en des êtres plus pessimistes qua la moyenne. La mélancolie proviendrait-elle d'un bébé non désiré dans le ventre de sa mère ? Prédisposition de certains gènes ? Qu'importe, je ne me livrerai pas à une analyse psychologique de Houellebecq. Pourquoi certains sont plus pessimistes (ou réalistes) que d'autres, mais ce n'est pas le sujet de cet article. La question est plutôt de savoir ce que peut nous apporter le pessimisme, et notamment la philosophie des penseurs dits "nihilistes". Même si je suis toujours du côté de l'optimisme et pense comme Alain que l'optimisme est de volonté et non pas d'humeur, je ne néglige pas ce que nous disent les moins "joyeux", au contraire.

Toute l'œuvre de Houellebecq respire le pessimisme de Schopenhauer, ce philosophe allemand connu pour sa théorie où la vie oscille entre l'ennui et la souffrance. Pas de place à l'euphorie. La force de Schopenhauer réside selon moi dans son style. Certains philosophes ont parfois plus du succès grâce à leur style que par l'originalité de leurs pensées. Mais, le style n'est pas anodin : il "reçoit la beauté de la pensée". Le style est la silhouette de la pensée. "La première règle d'un bon style : c'est qu'on ait quelque chose à dire". Et la force des romans de Houellebecq est qu'il sait décrire avec pertinence les travers de notre société.

Dans Soumission, le personnage principal du roman de Houellebecq "s'attend à une vie ennuyeuse mais calme, protéger des grands drames historiques". Cela rappelle le pessimisme fataliste du philosophe batave "Tu n'as aucune chance, mais saisis-là !".

La rencontre de Houellebecq avec Schopenhauer se déroula dans une bibliothèque du 7ème arrondissement, avec plus précisément la lecture du livre Aphorismes sur la sagesse dans la vie. Après s'en être un peu distancé par une période "positiviste" inspirée par Auguste Comte, Houellebecq revient à son premier coup de cœur et nous explique pourquoi à ses yeux "l'attitude intellectuelle de Schopenhauer reste un modèle pour tout philosophe à venir; et aussi pourquoi, même si l'on se retrouve au bout du compte en désaccord avec lui, on ne peut qu'éprouver à son égard un profond sentiment de gratitude". Car comme l'écrivait Nietzsche, écrire sur le "fardeau de vivre" est une façon de s'alléger.

La prouesse du philosophe allemand selon Houellebecq est qu'il a parlé de ce dont on ne peut parler : "il va parler de l'amour, de la mort, de la pitié, de la tragédie et de la douleur ; il va tenter d'étendre la parole à l'univers du chant". Grâce à cela, il est une référence pour les romanciers, les musiciens et les sculpteurs. "L'univers des passions humaines est un univers dégoûtant, souvent atroce, où rôdent la maladie, le suicide et le meurtre". Il a ouvert ainsi à la philosophie "des terres neuves" et est devenu le "philosophe de la volonté".

Schopenhauer prône pour la contemplation désintéressée, qui provoque l'émerveillement. C'est en somme un anti-Narcisse. "L'homme ordinaire, ce produit industriel de la nature (...) est incapable, au moins de manière soutenue, de cette perception purement désintéressée qui constitue la contemplation". Avoir une "faculté de perception pure qu'on rencontre dans l'enfance, la folie ou la matière des rêves", voilà ce qui constitue une contemplation paisible, "détachée de toute réflexion comme de tout désir", L'esthétique de Schopenhauer est une sorte de "bouddhisme sur l'Occident".

"Quelle exécrable chose que cette nature dont nous faisons partie !", écrit Schopenhauer à la suite d'Aristote. L'argent et la renommée sont un leurre selon lui. Pourtant notre société actuelle excelle dans ces domaines. "Il est donc facile de voir à quel point notre bonheur dépend de ce que nous sommes, de notre individualité, alors qu'on ne tient compte le plus souvent que de notre destin, de ce que nous avons, ou de ce que nous représentons".

Il reconnaît néanmoins que parfois il existe des bonheurs imprévus, des "petits miracles". "La peinture peut générer un émerveillement, un regard neuf porté sur le monde. Mais seule la littérature peut vous donner cette sensation de contact avec un autre esprit humain". "Le passé est toujours beau, et le futur aussi d'ailleurs, il n'y a que le présent qui fasse mal, qu'on transporte avec soi comme un abcès de souffrance qui vous accompagne entre deux infinis de bonheur paisible".

Le bonheur est peut-être subrepticement possible, mais à condition de réussir à s'affranchir d'un travail routinier et alimentaire. "Entre celui qui a mille livres de rente et celui qui en a cent mille, la différence est-elle infiniment moindre qu'entre le premier et celui qui n'a rien. Mais la fortune patrimoniale atteint son plus haut prix lorsqu'elle échoit à celui qui, pourvu de forces intellectuelles supérieures, poursuit des entreprises qui s'accordent difficilement avec un travail alimentaire : il est alors doublement favorisé du destin et peut vivre tout à son génie".

Nous pouvons comprendre le coup de foudre de Houellebecq pour Schopenhauer, qui est une façon de se couper de la frénésie ultraconsumériste et de renouer avec des vraies préoccupations d'esthète et de poète. Une parenthèse plus que salutaire. Certes, les monde est absurde, mais n'est-ce pas à nous d'y trouver du sens ? Le problème de la philosophie de Schopenhauer, et en général des nihilistes, est qu'elle s'arrête à une description froide du monde, mais ne permet pas de la dépasser. Tout comme les romans de Houellebecq, il n'y a pas d'issue possible.

Les pessimistes restent néanmoins attachants, car ils ont une authenticité qui est devenue rare. Nous savons que dans leur regard mélancolique, il y a une part de vérité. Autant l'affronter, plutôt que de l'anéantir. Cela me rappelle les propos de Roland Jaccard dans son excellent essai Le cimetière de la morale, "La mégalomanie galopante est une maladie qui affecte bien des écrivains. Ceux que j'ai conviés au Cimetière de la morale ont été miraculeusement épargnés par ce virus, et c'est, sans doute, ce qui rend leur présence tout à la fois si insolite et si attachante".

Le pessimisme a au moins une vertu : celle de ne pas se prendre au sérieux.

En présence de Schopenhauer, Michel Houellebecq, L'Herne, 2017, 91 pages, 9€.

Rédigé par Marjorie Rafécas le Dimanche 23 Avril 2017 à 17:49 | Commentaires (0)

FLASH-INFO pour ne pas perdre le PHIL

Dimanche 8 Mai 2016

A l'ère de l'hyperstimulation, on a parfois l'impression que tous nos enfants sont hyperactifs. Que la concentration est en train de se laisser grignoter par des envies féroces de zapping. Zapper, un terme qui fait peur aux parents soucieux d'immobiliser l'attention de leur enfant !
Afin d'aider son enfant à se concentrer, il faut préalablement identifier sa forme de concentration : visuelle ou auditive.


Se concentrer, oui mais avec quel cerveau ? Le gauche ou le droit ?
Chacun d'entre nous utilise bien entendu ses deux hémisphères du cerveau, mais nous en avons toujours un des deux qui prédomine. Les cerveaux droits sont plutôt visuels et ont une appréhension globale des informations, alors que les cerveaux gauches sont plutôt dans l'auditif et analysent les données avant de les enregistrer. C'est ce qu'explique très bien la pédiatre Edwige Antier dans son livre J'aide mon enfant à se concentrer. Cela est particulièrement intéressant à savoir pour l'apprentissage de la lecture, car les cerveaux droits retiennent le mot dans sa globalité, plutôt qu'une succession de lettres. Les enfants avec une dominante du cerveau gauche sont généralement plus posés et à l'aise en classe. D'ailleurs, pour ces enfants, Edwige Antier précise que les relations avec les professeurs sont souvent plus apaisées, eux-mêmes fonctionnant plutôt avec leur cerveau gauche.

Petite question que l'on peut se poser du coup : l'école et sa pédagogie sont-elles adaptées aux enfants à dominante cerveau droit ?

Pour en savoir plus sur la concentration des enfants et surtout tester ce qu'il faut faire (et ne pas faire) pour améliorer leur concentration, je vous invite à lire sans tarder ce livre !

J'aide mon enfant à se concentrer, Edwige Antier, Robert Laffont Documento, 241 pages, 7,90 euros.

Rédigé par Marjorie Rafécas le Dimanche 8 Mai 2016 à 21:51 | Commentaires (3)

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Mardi 26 Avril 2016

N'avez-vous jamais ressenti le besoin de vous rendre dans un musée pour suspendre le temps et arrêter l'avancée inexorable du stress ? Ou tout simplement de contempler de belles photos sur Instagram ou Facebook ? Eh bien ce n'est pas une activité futile car il a été récemment prouvé que cela réduisait le taux de cortisol.


Photo Alain Leprince Musée La Piscine - prestation des étudiants de l'ESAAT de Roubaix au musée La Piscine
Photo Alain Leprince Musée La Piscine - prestation des étudiants de l'ESAAT de Roubaix au musée La Piscine
Selon une récente étude de l'Université de Bologne, les œuvres d'art ont le pouvoir de réduire le stress, ce qui confirmerait les bienfaits de l'art thérapie. Il a été demandé en effet à une centaine de volontaires de visiter un sanctuaire religieux pendant 2 heures où se trouvaient des peintures de la Renaissance, dont une fresque de 6032 m2. Leur salive a été prélevée avant et après la visite afin de mesurer l'évolution du taux de cortisol. Une baisse de 60% du taux de cortisol a été observée.
C'est une bonne nouvelle mais précisons que lors de la visite, les participants ont dû monter 200 marches, ce qui a pu aussi agir sur le stress. Par ailleurs, il s'agissait d’œuvres de la Renaissance, on peut également se poser la question : est-ce que toutes les œuvres d'art ont le même effet ?
Nous savons aussi que la lecture est un effet anti-stress puissant, au même titre que le sport et que les couleurs ont un pouvoir insoupçonné sur notre humeur (cf. notre article sur le livre l'étonnant pouvoir des couleurs http://www.wmaker.net/philobalade/L-etonnant-pouvoir-des-Couleurs-dommage-que-le-rose-soit-reserve-aux-filles-_a69.html
Dans ces temps où le burn-out cherche des proies faciles, autant combattre le stress en se cultivant sagement...

Rédigé par Marjorie Rafécas le Mardi 26 Avril 2016 à 23:16 | Commentaires (0)

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Samedi 19 Décembre 2015

Le 11 novembre, comme Facebook, mon anti-alzheimer, me le proposait gentiment, j'ai rediffusé l'article que j'avais écrit en 2012 La culture rock, un mode de pensée aussi révolutionnaire que la psychanalyse, soit 2 jours avant la tuerie du Bataclan. Mauvais pressentiment ou pur hasard ? Qu'importe... Ecouter du rock reste une façon saine et artistique d'affirmer son goût pour la liberté et l'anticonformisme. Ce genre musical impétueux qui ne veut jamais se soumettre est aussi un excellent remède pour exorciser ses névroses.


Photo Jesse Hugues (Eagles of death metal) credit-boris-allin
Photo Jesse Hugues (Eagles of death metal) credit-boris-allin
Le rock, un bon remède contre la névrose narcissique ?

Comme l'explique Francis Métivier dans son essai Rock'n philo*, le rock surfe merveilleusement bien sur la dichotomie du "moi", un moi haïssable qui cherche à se dépasser. Le rock aide à dépasser le narcissisme propre à l'adolescence. Je me rappelle d'ailleurs d'un cours de terminale de mon ancien excellent professeur de philosophie qui m'avait marquée à ce sujet : pour nous expliquer la philosophie de Hegel, il avait utilisé la métaphore d'un chanteur de rock. D'après lui, un rocker qui avait survécu à ses 30 ans avait nécessairement dépassé son narcissisme. Or notre société souffre en ce moment de nombreux narcissismes. Le narcissisme non dépassé peut conduire à des catastrophes, comme celle que l'on vient de vivre ces derniers jours. Samuel Dock, dans son article "Attentats de Paris : Samuel Dock, Psychologue clinicien témoigne", pointe justement du doigt le problème de notre société qui engendre des générations narcissiques. Pourquoi faut-il se méfier du narcissisme ? Les individus qui vivent une grosse carence narcissique peuvent se retourner vers des idéologies totalitaires qui promettent de briser le système. Or les chansons de type "I'm a loser baby" de Beck permet de tuer métaphoriquement son « moi idéalisé » pour mieux se connaître et devenir ce que l'on est vraiment. Les chansons servent toujours de catharsis pour nous aider à progresser et à sortir de nos schémas de pensée obsessionnelle.

Le rock aime le paradoxe, ce que ne tolère pas les idéologies totalitaires

"Il y a des gens rock qui ne jouent pas du rock and roll : Jean-Paul Sartre n'a rien à voir avec le rock et pourtant il est rock ! C'est pour cela que, finalement, je crois qu'il s'agit d'une culture.", disait Pete Townshend de The Who. Jean-Paul Sartre, un rocker ? Ce n'est pas vraiment l'image qui nous avons naturellement du philosophe de La nausée. Mais en y réfléchissant bien, notre philosophe existentialiste savait parfaitement jongler avec les paradoxes. Or, le rock aime s'amuser des paradoxes, remettre en cause les notions du bien et du mal, bousculer les idées reçues à travers des guitares dissonantes. Le rock ne supporte pas le côté absurde de l'existence, en cela il est proche aussi de la sensibilité d'Albert Camus et de son Homme révolté. " Je me révolte, donc nous sommes".

Malheureusement, les victimes du Bataclan et des terrasses du 10 et 11ème arrondissements ont vu leur vie brisée par des extrémistes narcissiques qui auraient mieux fait de se rebeller contre eux-mêmes... La vie reste absurde.

Méfions-nous des gens qui ne comprennent pas le second degré et ne savent pas accepter l'échec. Pour cela, rien de tel qu'un petit rock, comme "Creep" de Radiohead, pour sortir de soi et fuir sa mauvaise conscience.

Une pensée émue pour toutes ces victimes qui aimaient la vie.

"Let's rock your mind"*



* Rock'n philo, Francis Métivier, Breal.


Rédigé par Marjorie Rafécas le Samedi 19 Décembre 2015 à 16:01 | Commentaires (0)

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Samedi 4 Avril 2015

Lors du dernier salon du livre à Paris, Christophe André a animé une conférence avec Florence Servan-Schreiber sur le thème "Le bonheur ne tombe pas tout cru dans la bouche des enfants". Certes, le bonheur est un dur à cuir et ne tombe pas tout cru, mais les enfants par leur spontanéité et leur capacité à vivre l'instant présent, ont plus de talent pour le bonheur que les adultes. Ce qui manque souvent aux adultes : la capacité à s'émerveiller. Christophe André a raison de remercier Bach de l'émerveillement que lui procure sa musique. Car si Bach était allé boire des bières au lieu de composer, cette musique ne serait pas là pour enchanter nos oreilles. "C'est le problème de notre société qui est dans l'hyperstimulation mais oublie de nous faire apprécier les choses simples". Mais nous sommes libres de choisir. S'émerveiller. Réenchanter le monde avec ce que l'humanité nous a légué et continuer à créer. Nous sommes comme des "poupées russes", où l'enfance constitue notre première couche. En vieillissant, certains s'attendrissent et d'autres au contraire s'endurcissent. Mais que sépare ces individus ? Le regard sur la vie ?


L'hyperstimulation ne doit pas nous faire oublier le goût des choses simples
Christophe André annonce en préambule qu'il n'a jamais été naturellement doué pour le bonheur. Qu'il n'a d'ailleurs pas toujours compris l'engouement des philosophes pour la joie (en témoigne le dernier roman de Charles Pépin, La joie). Nous ne sommes pas tous formatés pour être heureux, d'où la nécessité de se centrer sur nos émotions positives. Ce qui va dans le sens du livre de Florence Servan-Schreiber "3 Kifs par jour". Il faut se muscler et s'exercer à la gratitude. Merci pour ce bon repas, merci pour cette conversation passionnante, merci pour ce sourire, merci pour cette petite attention... Bref, savoir dire merci et être reconnaissant, sont autant de petits pas pour se diriger vers le bonheur. D'ailleurs, C. André nous conseille le livre "Love 2.O" de Barbara Fredrickson, la "rock star" des émotions positives aux Etats-Unis.

Afin de nous exercer aux émotions positives, Florence Servan-Schreiber a alors demandé à la salle quelles avaient été nos émotions positives de la journée. On s'en rendu compte que finalement elles étaient simples et nombreuses. D'ailleurs, celui qui a pris la parole dans la salle n'était autre que le père de Florence, Jean-Louis Servan-Schreiber, qui était heureux que sa femme Perla lui ait préparé un gâteau avec amour le matin même. Le père de "Psychologies Magazine" nous donne une belle leçon de simplicité et de gratitude. Cet esprit de gratitude qui est tellement éloigné des héros houellebecquiens lassés de tout.

Alors à la question "Qui nous fera voir le bonheur", le titre du dernier livre de Christophe André et de Martin Steffens, nous avons juste envie de répondre "merci".
Merci pour ce moment !

Livres à lire pour développer ses émotions positives :
- Love 2.0, Barbara Fredrickson
- 3 kifs par jour, Florence Servan-Schreiber
- Qui nous fera voir le bonheur, Christophe André et Martin Steffens (livre qui sera prochainement commenté sur le blog)


Rédigé par Marjorie Rafécas le Samedi 4 Avril 2015 à 12:28 | Commentaires (0)

FLASH-INFO pour ne pas perdre le PHIL

Mercredi 1 Avril 2015

Contrairement aux bobos qui se racontent des histoires et les hipsters qui se prennent pour des artistes, les botulistes assument leur névrose imaginative tout un cultivant un humour décoiffant. Pourquoi être soi-même ? Halte à l'authenticité, place à la créativité !


les botulistes, la nouvelle tendance qui va détrôner les bobos et les hipsters...
Cette nouvelle tendance vient de faire des ravages en Californie. Les early adopters californiens (toujours très en avance sur l'innovation) ont immédiatement adopté l'esprit new age décalé de Jean-Baptiste Botul (philosophe des années 30 et créateur en personne de la tendance botulienne), qui pour eux incarne avec classe l'ironie du pays de Voltaire. Ils organisent désormais chaque jeudi soir des apéros avec concours de botulèmes (phrases célèbres déformées à la sauce socratique). La sexualité de Kant raconté par Botul les a fait mourir de rire, quant au démon de midi de Nietzsche, les Californiens ont pris le problème très au sérieux et ont reconnu qu'ils avaient tous un côté Nietzschéen en eux et que désormais ils auraient toujours sur leur chevet un gai savoir. Grâce à Botul, la philosophie prend un nouveau tournant au pays du botox et des start up. Elle combat la cellulite de la pensée et détend les névroses du corps.
Pour en savoir plus sur le botulisme : http://www.botul.fr/

Joyeux Poisson d'avril !!

Rédigé par Marjorie Rafécas le Mercredi 1 Avril 2015 à 22:34 | Commentaires (0)

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Marjorie Rafécas
Marjorie Rafécas
Passionnée de philosophie et des sciences humaines, je publie régulièrement des articles sur mon blog Philing Good, l'anti-burnout des idées (http://www.wmaker.net/philobalade), ainsi que sur La Cause Littéraire (https://www.lacauselitteraire.fr). Je suis également l'auteur de La revanche du cerveau droit co-écrit avec Ferial Furon (Editions du Dauphin, 2022), ainsi que d'un ouvrage très décalé Descartes n'était pas Vierge (2011), qui décrit les philosophes par leur signe astrologique.




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