II faut choisir : ça dure ou ça brûle ; le drame, c'est que ça ne puisse pas à la fois durer et brûler. Albert Camus

« Le rock réveille, la philosophie éveille », pouvons-nous lire sur le dos du livre de Francis Métivier, paru tout récemment cette année, intitulé « Rock’philo ». Quand on aime à la fois le rock et la philo, il paraît alors difficile de passer à côté de ce livre original développant le concept de la pensée acoustique cher à Nietzsche.


Rock’n philo, mieux comprendre le rock grâce à la philo…
Au départ, je m’attendais plutôt à un livre utilisant les refrains du rock pour expliquer les grands concepts philosophiques, or c’est tout à fait l’inverse : c’est l’éclairage philosophique qui fait enfin comprendre des morceaux de rock très populaires que nous avons écoutés passionnément, un peu comme des bovins, sans jamais en saisir vraiment le sens… C’est le cas par exemple de « I’m a loser baby » de Beck, répéter sans cesse que l’on est un loser aurait dû nous interloquer. N’est-ce pas une chanson un peu masochiste ?! Pourtant, le message qui s’en dégage est bien plus fin qu’il n’y paraît. On y décèle le concept du moi haïssable de Blaise Pascal, ce moi minable qui nous pousse alors à nous plonger nerveusement dans le divertissement. Le Grunge véhicule un message de dévalorisation de soi, pour nous aider à mieux le dépasser. « Smells like teen spirit » de Nirvana met aussi en exergue cette cyclothymie du « moi ». Ainsi, grâce à ces chansons, on saisit tout le paradoxe du narcissisme. Si l’on n’arrive pas d’ailleurs à dépasser ce narcissisme propre à l’adolescence, l’autodestruction s’enclenche. C’est ce qui s’est produit avec Kurt Cobain, et plus récemment avec Amy Winehouse. Ainsi, se traiter de loser permettrait-il de tuer métaphoriquement son « moi idéalisé » pour ensuite apprendre à mieux se connaître ? A méditer… Les chansons servent toujours de catharsis pour nous aider à progresser et à sortir de nos schémas de pensée obsessionnels. On peut même s’inspirer du « pixisme », philosophie qui consisterait « à mettre en œuvre une musique et un texte d’une excentricité paradoxale qui n’a d’autre but que de révéler des évidences intellectuellement simples »… Ce qui ressemble au fond à la philosophie de Cioran, qui savait jouer excellemment avec le paradoxe « J’exècre cette vie que j’idolâtre ». Le rock, c’est au fond tout un programme philosophique !

Notons que ce livre permet également d’enrichir sa culture musicale. L’auteur a en effet une aisance toute particulière pour analyser les notes, les sons, la mélodie et traduire la musique en concepts rationnels, ce qui nous permet de mieux saisir l’alchimie du rock.

Un conseil : lire les chapitres en écoutant les titres de rock cités. C’est bien plus prenant, et surtout on comprend alors mieux ce qu’explique l’auteur grâce à la puissance de la musique !

Morale de l’histoire : peut-on être un vrai rocker sans être vraiment philosophe ?! -:) Une question à poser à Mick Jagger…

Le livre :
Rock’n Philo, de Francis Métivier
Editions Bréal, 2011

Rédigé par Marjorie Rafécas le Lundi 12 Septembre 2011 à 12:09 | Commentaires (0)

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Marjorie Rafécas
Marjorie Rafécas
Passionnée de philosophie et des sciences humaines, je publie régulièrement des articles sur mon blog Philing Good, l'anti-burnout des idées (http://www.wmaker.net/philobalade), ainsi que sur La Cause Littéraire (https://www.lacauselitteraire.fr). Je suis également l'auteur de La revanche du cerveau droit co-écrit avec Ferial Furon (Editions du Dauphin, 2022), ainsi que d'un ouvrage très décalé Descartes n'était pas Vierge (2011), qui décrit les philosophes par leur signe astrologique.




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