II faut choisir : ça dure ou ça brûle ; le drame, c'est que ça ne puisse pas à la fois durer et brûler. Albert Camus

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Dimanche 15 Avril 2012

«- Tu es et tu resteras toujours une petite bourgeoise moraliste. Comme Camus.
Cécile fulminait. Elle a rétorqué d’un ton calme :
- Toi tu es et tu resteras toujours un petit con prétentieux. Comme Sartre. »

Cet extrait du livre "Le club des incorrigibles optimistes" de Jean-Michel Guenassia illustre bien dans quel état d’esprit belliqueux on débattait à l’époque de Sartre et de Camus. Il fallait à tout prix choisir son camp.


Couverture du livre, Sartre and Camus, a historical confrontation, à lire aussi.
Couverture du livre, Sartre and Camus, a historical confrontation, à lire aussi.
Camus ou Sartre ? Cela revenait de façon très caricaturale à devoir choisir entre un communisme révolutionnaire ou la modération d’une morale bourgeoise. L’amitié entre Sartre et Camus s’est brisée du fait de leur différence d’opinion politique et sur leur conception de l’histoire. Le communisme les a divisés et l’indépendance de l’Algérie les a définitivement éloignés. Le décès brutal de Camus en 1960 ne permit pas réellement de poursuivre le débat. Sartre finira mollement vainqueur de leur querelle, du fait que le titre officiel de « philosophe » pour Camus a toujours été contesté par les universitaires français. Mais, en 2012, Michel Onfray a le mérite de reposer le débat. Car finalement, on n’a jamais réellement rendu justice aux idées de Camus, même si ses romans sont les plus lus au monde. Pourtant, sa lucidité était bien plus probante que celle de notre existentialiste qui ne voulait pas reconnaître la réalité des Goulags.

Lors de son discours du 10 décembre 1957, Camus surprend aujourd’hui par son côté extra-visionnaire : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse ». Un propos d’une extrême actualité au regard de la situation du monde en 2012. Michel Onfray a raison, le style de Camus est vrai et sonne juste. « Camus reproduit cette ascèse dans sa langue, son écriture, son style : efficace, simple, clair, direct, ignorant l’inutile, allant au nécessaire. Une prose utile pour dire les choses justes et vraies. »

Pourquoi avoir privé Albert Camus de l’estampille « philosophe » pendant tant d’années ? Il semblerait que lorsque l’on écrit trop clairement, cela reste douteux pour certains professeurs de philosophie… Même si Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, paraît-il… Même punition pour Voltaire d’ailleurs !

Avouons que ce manque de reconnaissance est réellement mystérieux. Comment l’auteur de « La nausée » a-t-il pu être pris plus au sérieux que l’homme révolté ? Cela ferait-il plus crédible de se sentir mal dans sa peau ?!
Peut-être que Michel Onfray a raison quand il oppose les philosophies convenues « apolliniennes » à celles dionysiennes. Camus avait mal choisi son camp.

Ce qui est néanmoins étonnant est qu’en 2012, nous nous passionnons encore pour des combats du XXème siècle qui n’ont jamais été réglés. Nous nous cognons toujours aux mêmes débats idéologiques et ne réussissons pas à les transgresser. Le clivage Camus/Sartre est le reflet de l’histoire politique française. Est-ce par nostalgie que nous re-débattons toujours des mêmes idées ? Ou par manque d’idées nouvelles ? En tout cas, les idées de Camus n’ont jamais paru aussi jeunes ! Reconnaissons que Michel Onfray a eu raison de ressortir de l’inconscient collectif cette vieille querelle au goût du jour, et surtout de rendre honneur à Albert Camus, sobre et sincère.
D’ailleurs, avons-nous réellement tranché entre Rousseau et Voltaire ? Pas vraiment. Mais cette faculté de ne jamais trancher, n’est-ce pas aussi le charme français et le reflet de son esprit paradoxal ?

Michel Onfray, L’ordre libertaire, la vie philosophique d’Albert Camus.

Rédigé par Marjorie Rafécas le Dimanche 15 Avril 2012 à 15:15 | Commentaires (0)

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Marjorie Rafécas
Marjorie Rafécas
Passionnée de philosophie et des sciences humaines, je publie régulièrement des articles sur mon blog Philing Good, l'anti-burnout des idées (http://www.wmaker.net/philobalade), ainsi que sur La Cause Littéraire (https://www.lacauselitteraire.fr). Je suis également l'auteur de La revanche du cerveau droit co-écrit avec Ferial Furon (Editions du Dauphin, 2022), ainsi que d'un ouvrage très décalé Descartes n'était pas Vierge (2011), qui décrit les philosophes par leur signe astrologique.




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