Thomas Coutrot, économiste, responsable du département conditions de travail et relations professionnelles (DARES) et membre du Conseil scientifique d’Attac, prononce une conférence à l'invitation d'Utopia le 18 novembre 2008 sur le thème "Peut-on envisager concrètement une sortie du capitalisme ?"


Comment sortir du capitalisme ? Vers un socialisme civil
Comment sortir du capitalisme ?
(...)
* socialiser le système bancaire : l’entrée à reculons de l’État dans le capital des banques vise à redresser le système pour le rendre aux actionnaires privés. Il faut au contraire que les pouvoirs publics – au niveau régional, national ou européen selon les cas - assument la propriété des banques et associent à leur gestion les salariés, les organisations syndicales, les associations d’usagers, de défense de l’environnement, etc. Il doit s’agir non pas d’une étatisation mais d’une appropriation sociale, je préfère dire d’une « socialisation ». (Le même principe devra être appliqué à l’ensemble des services publics, et aux grands groupes en faillite). La monnaie et le crédit doivent être désormais considérés comme des biens publics, trop importants pour être laissés entre les mains irresponsables de leurs actionnaires. Les Banques centrales doivent revenir sous contrôle politique et pouvoir prêter aux pouvoirs publics pour financer les investissements publics.
* réorienter les investissements publics et privés, notamment par une politique du crédit : les taux d’intérêt doivent être modulés en fonction de l’utilité sociale et écologique des productions
* redistribuer les richesses : réformer la fiscalité, frapper les hauts revenus et patrimoines, instaurer un revenu garanti de haut niveau, décréter un revenu maximum (Roosevelt avait augmenté le taux marginal d’imposition jusqu’à 94% en 1945)
* définanciariser les entreprises : réduire la liquidité des marchés financiers (réglementation, taxes globales sur les transactions financières), réserver le droit de vote aux actionnaires stables, réduire le financement sur les marchés, voire fermer les Bourses, facteur majeur d’instabilité, qui prélèvent plus de ressources qu’elles n’en apportent aux entreprises
* démocratiser le pouvoir dans l’entreprise : instaurer un droit de veto des comités d’entreprises sur les décisions en matière d’emploi et d’investissement, élargir les CE aux sous-traitants et aux autres parties prenantes, favoriser la reprise des entreprises par leurs salariés
* développer des services publics démocratiques et décentralisés, dans le domaine du logement, des transports, de la dépendance, ..., pour étendre l’accès aux droits sociaux et la sphère de la gratuité
* réduire la précarité de l’emploi par une sécurité sociale professionnelle
* favoriser la consommation responsable : développer un système public d’information sur la qualité sociale et environnementale des productions, avec obligation de transparence de la part des entreprises, sous contrôle des comités d’entreprise élargis
* refonder la construction européenne, pour une harmonisation dans le progrès des conditions sociales et environnementales, pour une fiscalité européenne sur le capital et les émissions de GES, un réel budget de l’Union et un programme européen d’investissements dans les économies d’énergie et les énergies renouvelables, à hauteur de 5% du PIB
* refonder le commerce international, pour un système d’échanges solidaires, une taxe kilométrique mondiale favorisant la relocalisation des productions
* refonder le système monétaire international, négocier un nouveau Bretton Woods dans la lignée des propositions de Keynes et de la Charte de la Havane votée par l’ONU en 1948 (qui créait une monnaie mondiale et interdisait les déséquilibres commerciaux)

Source : http://www.france.attac.org/spip.php?article9274

Tags : attac Coutrot
le Dimanche 16 Août 2009 à 20:20 | Commentaires (0)

Analyse

Pour l’économiste Thomas Piketty, directeur d’études à l’EHESS et professeur à l’Ecole d’économie de Paris, les très hautes rémunérations sont économiquement inefficaces et socialement injustes; elles menacent la démocratie. Pour les faire reculer, il faut les imposer lourdement.


Thomas Piketty : “Il faut taxer fortement les très hauts revenus”
Les revenus des dirigeants des grands groupes et autres traders ont atteint des niveaux très élevés. N’est-on pas en droit de s’interroger sur la légitimité de telles rémunérations?

Les rémunérations observées en haut de la distribution des revenus ont effectivement atteint un niveau extravagant. C’est un gros problème, pour l’économie, pour la démocratie, et je pense malheureusement qu’on n’est pas près d’en venir à bout.

Quelle serait la solution?

J’en suis venu à penser que la seule solution serait de revenir à des taux marginaux d’imposition quasi confiscatoires pour les très, très hauts revenus. Imposer des taux marginaux de 80%, voire 90%, sur les rémunérations annuelles de plusieurs millions d’euros me semble inévitable, incontournable. Cela prendra du temps, mais je pense qu’on finira par en arriver là. Comment en suis-je venu à ce point de vue qui pourrait sembler fruste ou simpliste? En constatant l’incroyable timidité des réactions publiques dans la situation présente: il nous faut injecter des dizaines, voire des centaines de milliards d’argent public dans les banques, alors que ces mêmes banques ont versé et continuent de verser des rémunérations colossales aux dirigeants à l’origine de cette déconfiture…

Taux marginal maximal d’imposition des revenus du travail aux Etats-Unis, en %
Taux marginal maximal d’imposition des revenus du travail aux Etats-Unis, en %
Il est tout de même inouï que ce soit le même Henry Paulson, secrétaire au Trésor de l’administration Bush, qui soit chargé de gérer les dizaines de milliards d’argent des contribuables destinés à renflouer les banques américaines alors qu’il a retiré personnellement 400 millions de dollars durant les dix ans qu’il a passés à Goldman Sachs!

Rappelons ici ce que fut la réaction publique après 1929, suite à l’accession de Franklin D. Roosevelt à la présidence des Etats-Unis. Quand Roosevelt est élu à la Maison Blanche, en 1932, le taux marginal est de 25%; les années 20 ont vu également une explosion des hautes rémunérations. En trois étapes, Roosevelt fait passer le taux marginal à 63% en 1932, 79% en 1936, puis 91% à partir de 1941, un niveau qui sera maintenu jusqu’en 1965, où il est ramené à 77%. Et, quand Ronald Reagan est élu président, en 1980, le taux marginal d’imposition est encore de 70%. C’est ainsi qu’entre 1932 et 1980, le taux marginal d’imposition applicable aux plus hauts revenus a été supérieur à 80%, en moyenne. Pendant un demi-siècle. Et cela ne se passe pas en Union soviétique, mais aux Etats-Unis d’Amérique!

La leçon de cette histoire est que ce niveau d’imposition marginale n’a pas tué le capitalisme, ni mis au pas les droits de l’homme. Une leçon bonne à rappeler dans un moment où l’on nous explique, pour justifier le bouclier fiscal, que c’est un droit de l’homme fondamental de ne pas payer plus de 50% d’impôts quand on perçoit des bonus de plusieurs millions d’euros. Eh bien, on a fait tout autrement durant un demi-siècle sans que le capitalisme et la démocratie s’en soient moins bien portés pour autant. Bien au contraire.

Donc, il faut revenir à Roosevelt…

Je pense effectivement que le système rooseveltien avait beaucoup de vertus au vu du cycle que nous avons connu depuis le début des années 80. Il s’est traduit par une baisse massive de la progressivité de l’impôt aux Etats-Unis, puis dans les pays européens, suivie d’une explosion des hautes rémunérations et des inégalités salariales. Et il se conclut aujourd’hui en apothéose par cette crise majeure dont l’origine est clairement liée aux évolutions antérieures. Tout cela devrait nous faire réfléchir et je pense qu’on ne parviendra pas à mettre fin à cette logique sans modifier l’imposition.

Les propositions de plafonnement des rémunérations dans les institutions financières financées par le contribuable me semblent totalement inadéquates. Ce n’est pas parce que dans telle ou telle banque, on interdira tout revenu supérieur à tel ou tel seuil qu’on va résoudre le problème. La solution fiscale est plus libérale et, surtout, plus efficace. Car la fixation de rémunérations maximales peut se contourner très facilement, en se faisant verser des rémunérations complémentaires par d’autres structures, des sociétés écrans, des filiales, des sociétés de conseil, etc. De même, les codes de bonne conduite ne marcheront jamais, aussi longtemps que ceux qui ont le pouvoir de prendre l’argent dans la caisse seront incités à le faire, en toute rationalité économique.

Vous ne craignez pas de casser l’incitation à créer plus de richesse?

L’enjeu n’est pas d’appliquer un taux d’imposition confiscatoire au premier cadre ou créateur d’entreprise dont les revenus sortent un peu de la moyenne. En 1932, le taux supérieur de Roosevelt s’appliquait aux revenus annuels supérieurs à 1 million de dollars de l’époque, soit 10 millions de dollars d’aujourd’hui! A partir de 1941, le taux supérieur de 91% s’est appliqué aux revenus supérieurs à 200 000 dollars de l’époque, soit 2 millions de dollars d’aujourd’hui, puis s’est stabilisé autour de ce niveau. Sans donner de seuil précis, l’idée est d’appliquer ces taux à des revenus véritablement très élevés et fixer ainsi une borne qui réduise drastiquement, à partir d’un certain niveau, l’incitation à se servir dans la caisse. On affirmerait aux yeux de tous qu’au-delà d’une certaine limite, si vous prenez un euro de plus, il y aura 90 centimes qui iront directement dans les caisses de l’Etat. De quoi diminuer automatiquement l’intérêt individuel à obtenir une rémunération extravagante.

La méthode est efficace: durant toute la période où les taux d’imposition ont été élevés, les managers des grands groupes ont conservé des rémunérations très confortables, mais leurs exigences ont été en quelque sorte plafonnées. Si bien qu’au final, pratiquement personne ne se trouvait assujetti aux taux marginaux les plus élevés. Antoine Zacharias, après avoir accumulé 120 millions d’euros de revenus personnels au cours des dix années passées à la tête de Vinci, a-t-il vraiment besoin de demander une prime de performance de 8 millions supplémentaires? Tout cela avec la garantie donnée par l’Etat qu’il en gardera quoi qu’il arrive au moins 50% dans sa poche…

Revenons à votre question. Observons tout d’abord que la justification des très hautes rémunérations par l’efficacité économique vient d’en prendre un sérieux coup, dès lors que ces rémunérations sont un des moteurs à l’origine de la crise présente. L’asymétrie totale des modes de rémunération des managers et des traders du point de vue de la prise de risque a été un puissant pousse au crime. Le système est tel que quand vous vous engagez dans des opérations à haut risque et que ça marche, vous gagnez des millions, voire des dizaines de millions d’euros. Et quand ça ne marche pas, non seulement vous ne perdez rien, mais c’est l’entreprise qui paye, à travers la masse de ses salariés, ou pire, ce sont les contribuables qui sont mis à contribution. Pas besoin d’aller plus loin pour comprendre l’origine des comportements insensés observés dans la finance ces dernières années.

L’argument massue avancé par les défenseurs d’une faible fiscalité sur les très hautes rémunérations est qu’il faut récompenser les gens qui font vraiment fortune grâce à leur travail. Or, ces working rich sont-ils plus efficaces? Aucune étude ne permet d’étayer cette idée. De nombreuses études montrent au contraire qu’au-delà d’un certain niveau, les rémunérations des dirigeants ne sont guère corrélées aux résultats de leur action. Par exemple, quand les profits des entreprises résultent de facteurs exogènes, et notamment à des mouvements des prix dans lesquels les dirigeants n’ont aucune responsabilité (variations des cours de telle ou telle matière première, variations des taux de change), cela vient tout autant justifier les gros bonus…

La justification des hautes rémunérations par la théorie des incitations est donc fort problématique, puisque si celle-ci était fondée, l’élasticité des rémunérations devrait être uniquement (ou au moins principalement) corrélée aux hausses des profits clairement imputables à leur action, et non aux autres!

De même, les études montrent une forte élasticité des rémunérations des dirigeants en fonction du degré de dispersion de l’actionnariat des entreprises: les managers les moins contrôlés parviennent plus facilement à se servir dans la caisse. Au final, toutes les études disponibles mettent sérieusement en cause l’idée que ces hautes rémunérations seraient un facteur de meilleures performances.

Enfin, quitte à me répéter, on ne peut pas faire l’impasse sur la crise actuelle: c’est tout de même la preuve patente que ces rémunérations astronomiques ont suscité des choix qui nous contraignent d’injecter des centaines de milliards d’argent public pour sauver le capitalisme. C’est une démonstration grandeur nature du caractère inefficace des bonus en tout genre et du fait que cette explosion des hautes rémunérations relève tout bêtement d’une captation pure et simple de la richesse par le groupe dirigeant.

Lorsqu’une banque au bord de la faillite (Fortis) organise un séminaire dans un hôtel de luxe de Monte-Carlo pour ses cadres, on se dit que la théorie des incitations à bon dos…

Oui. Il faut d’ailleurs revenir sur cette question des avantages en nature. Un des arguments avancés pour contester les taux marginaux d’imposition très élevés est qu’auparavant, pour contourner ses taux, les dirigeants se payaient sur la bête, en nature. Mais pour que cette théorie soit vraie, il faudrait que les avantages en nature aient été bien plus élevés dans les années 50 et 60 qu’aujourd’hui. Or, il ne semble pas que ce soit le cas. Les ventes de jets privés ainsi que les hôtels et restaurants de luxe fréquentés par les états majors des grandes entreprises ne s’étaient jamais aussi bien portées jusqu’à ces derniers mois. En pratique, rémunérations colossales et avantages en nature extravagants semblent tout à fait complémentaires et non substituables. On prend l’habitude de se servir dans la caisse et on estime normal d’avoir le train de vie quotidien qui va avec.

Que dit la théorie économique pour expliquer de tels niveaux de salaire?

Elle est peu loquace. De toute évidence, le marché n’a pas empêché cette dérive. Le marché remplit de multiples fonctions économiques avec une grande efficacité. Il permet de définir un point de référence autour duquel gravite la plupart des rémunérations. Au-delà des multiples facteurs conventionnels qui influent sur le niveau et la structure des rémunérations, les salaires perçus par la masse des salariés peuvent être mis en rapport avec leur productivité marginale - qu’il est possible d’évaluer, ne serait-ce qu’approximativement (on sait à peu près de combien varie la production d’une entreprise avec un ouvrier ou un serveur en plus).

En revanche, pour les quelques centaines de cadres dirigeants des grands groupes, dont les fonctions ne peuvent être dupliquées, les lois du marché ne nous permettent pas d’évaluer la contribution de chacun aux résultats de l’entreprise. Elles ne nous disent rien sur le bon niveau de rémunération au-delà d’un certain seuil. Et si on les laisse faire, les dirigeants se nourrissent de cette incertitude fondamentale pour se servir dans la caisse.

Comment cela se passe-t-il?

Ce sont les comités de rémunération, formés eux-mêmes d’autres dirigeants, qui fixent les rémunérations des dirigeants. Ils observent la moyenne des rémunérations dans les autres entreprises et si le dirigeant est plutôt bon - et il n’y a pas de raison qu’il ne le soit pas car cela signifierait que ceux qui l’ont recruté et qui l’évaluent ne le sont pas -, on lui accorde un revenu plutôt au-dessus de la moyenne, ce qui fait mécaniquement monter celle-ci pour le plus grand bénéfice de tous. Il n’y a donc plus de point de référence objectif, ni de force de rappel.

J’ai cru pendant un certain temps que des améliorations viendraient de réformes de la gouvernance des entreprises, avec par exemple des votes séparés des assemblées d’actionnaires sur les rémunérations des dirigeants. Actuellement, la démocratie actionnariale ressemble à un régime parlementaire avec l’article 49-3 actionné en permanence, les actionnaires étant contraints à des votes bloqués pour approuver le bilan de la direction. Mais de telles réformes, certes nécessaires, sont insuffisantes et ne changeront presque rien: les actionnaires sont pris dans le même engrenage contagieux que les comités de rémunération: ils ne peuvent stopper seuls cette spirale infernale.

Ne va-t-on par assister à un retournement de tendance, notamment avec la crise actuelle?

Aux Etats-Unis, l’explosion des hautes rémunérations s’est opérée à partir des années 80, et on assiste actuellement à une stabilisation. Mais cette stabilisation se fait à un niveau astronomique. Et le retournement ne se fera pas tout seul. Si Barack Obama s’est tout de même engagé à relever l’imposition au-delà de 250 000 dollars, nous sommes encore très loin d’un tournant rooseveltien.

En France, nous sommes complètement à contre-courant et à contretemps. Non seulement, nous rattrapons à vive allure les sommets atteints aux Etats-Unis en termes d’explosion des revenus primaires, comme l’ont démontré les recherches de Camille Landais, mais nous affirmons parallèlement, à travers les réformes fiscales introduites par Dominique de Villepin puis Nicolas Sarkozy, que la priorité absolue est de réduire la progressivité de l’impôt.

Tout cela aboutit à une situation totalement insupportable du point de vue de la justice sociale. Comment pouvez-vous oser expliquer aux gens qu’il faut introduire des franchises médicales afin de faire des économies de quelques euros sur les remboursements de Sécurité sociale et, dans le même temps, dire qu’il faut absolument laisser la moitié de leurs revenus aux personnes qui gagnent des dizaines de millions d’euros? C’est évidemment totalement impossible à comprendre, et même si cela ne concerne qu’un nombre relativement réduit de personnes, c’est clairement une menace pour le fonctionnement de la démocratie.

Propos recueillis par Philippe Frémeaux
Alternatives Économiques nº 276 janvier 2009
http://www.jourdan.ens.fr/piketty/fichiers/presse/AlternativesEconomiques09janvier.pdf

le Lundi 20 Juillet 2009 à 21:20 | Commentaires (0)

Analyse

En 2003, le journaliste marocain Mohamed Zainabi montrait la nécessité du salaire maximum dans son pays, le Maroc.


Salaire, misère et non-dits... par Mohamed Zainabi
L’on dit notre pays pauvre, si pauvre qu’on y touche les meilleurs salaires du monde. Mais, on n’ose pas le dire… Car, si le salaire minimum qui n’est même pas garanti pour tous, est connu de tous. Le salaire maximum que se garantissent certains big-boss, relève presque des secrets d’Etat. Et si l’on s’évertuait à déterminer celui qui a l’heur d’être le plus rémunéré des salariés dans le pays (ça devrait être certainement un homme parce que l’inégalité affecte les femmes en bas comme en haut de l’échelle sociale), l’on buterait à coup sûr sur un mur invisible d’acier que la confidentialité rend infranchissable. Déjà, notre tentative de demander leur salaire à certains «mahdoudine» dans l’administration comme dans le privé, a été prise pour une offensante indiscrétion. Et nous n’avons eu que des échappatoires en guise de non-réponses. Et, même de la part des petits salariés, leur gêne est visible quand ils se décident difficilement à révéler le montant de leur rétribution mensuelle. Ils préfèrent plutôt spéculer sur le gros salaire d’un quelconque patron ou chef hiérarchique que de déclarer sans fioritures leur maigre salaire. Souvent, ils en ont une honte mortelle. C’est donc culturel, on ne crie pas sur tous les toits ce que l’on touche comme salaire, la réponse passe-partout toute trouvée quand cette question est abordée se résume le plus souvent en ces inintelligibles mots: «mieux que certains, pire que d’autres, Lhamdou Lillah». Mais, logiquement, si l’on osait une comparaison, la plus élémentaire qui soit, entre les hauts et les bas salaires au Maroc, on ne manquerait pas d’être scandalisé. En tout cas, c’est certain, la réflexion politique et syndicale sur ce thème pourrait amener à toucher partiellement du doigt l’une des causes du sous-développement du Maroc. En effet, dans notre pays, contrairement aux pays développés, le gap entre les «classes salariales» est criard, inadmissible. Et pour cause. Comment pourrait-on admettre que des salaires s’élevant à 10, 20, 30, 40, 50 millions de centimes, quand le SMIG n’atteint pas encore 2000 dirhams? Comment pourrait-on admettre que des primes de signature -par exemple- de quelques heureux responsables dépassent, et de loin, bien des salaires mensuels du reste de collaborateurs? Comment pourrait-on concevoir, dans un pays aspirant à la quiétude sociale, que certains cumulent allègrement des primes généreusement octroyés -quand ils n’accumulent pas indûment des salaires-, quand d’autres «collectionnent» des crédits à vie? Comment pourrait-on continuer à fermer les yeux sur ces inégalités quand on voit certains privilégiés, une minorité, vivre 100, voire 200 fois mieux qu’une majorité écrasée des travailleurs? C’est vrai que Dieu nous a naturellement différencié les uns des autres notamment en matière de ressources matérielles, mais quand même!!!

Dans les pays où justice sociale il y a, les bas et les gros salaires oscillent sur une échelle pouvant aller de 10 à 15 fois de différence. Si bien que dans pareilles sociétés, l’enrichissement est par essence le fruit d’une longue et lente progression, voire l’aboutissement d’un long parcours de combattant. Mais, c’est sûr, il n’est jamais subitement et si facilement atteint, comme cela se passe souvent chez nous. Voilà pourquoi, une politique salariale -quand il y en aura une sous nos cieux-, devra nécessairement aboutir à une redéfinition du SMIG, du SMAG, mais aussi et surtout du SMAX (salaire maximum). Le SMIG et le SMAG devront permettre une vie digne aux petits salariés, le SMAX devra être raisonnablement limité, mérité et surtout pas exagéré. Pour que justice sociale soit!

AUTEUR : Mohamed Zainabi DATE : 17 août 2003
http://www.webzinemaker.com/admi/m6/page.php3?num_web=1472&rubr=3&id=119259

Tags : maroc
le Lundi 13 Juillet 2009 à 11:49 | Commentaires (0)

Analyse

Dans un billet daté du mois de mars, Thomas Bronnec interrogeait Fabienne Llense qui montre l'intérêt économique du salaire maximum.


Les actionnaires votent pour le salaire maximum
Société Générale, Valeo, Chevreux, GDF-Suez, Natixis… Chaque jour, cette semaine, a apporté son lot de révélations autour de la rémunération des dirigeants, choquant une opinion publique engluée dans une crise à la violence sans précédent. Laurence Parisot, la présidente du Medef, a de plus en plus de mal à défendre l’efficacité de l’autorégulation. A tel point que le gouvernement, sous la pression a décidé de publier, dès la semaine prochaine, un décret pour encadrer les stocks-options et les bonus dans les entreprises aidées par l’Etat. Sans aller jusqu’à un salaire maximum, comme cela a été institué aux Etats-Unis.

Le débat autour de la rémunération stratosphérique des dirigeants a été abordé exclusivement par la face éthique – et c’est sans doute très bien ainsi. Mais il existe une autre façon de l’aborder, en prenant en compte l’efficacité économique. Une doctorante de la Sorbonne, Fabienne Llense, s’apprête à publier en mai, dans la Revue économique, un article qui montre pourquoi la mise en place d’un plafonnement de la rémunération des PDG peut avoir aussi un sens économique.

Elle étudie uniquement la France car, m’explique-t-elle au téléphone ce matin, "il n’existe pas encore de marché mondial des patrons pour l'instant : le PDG d’une entreprise française peut être débauché par une autre entreprise française si on lui offre un meilleur salaire, mais les entreprises américaines ou japonaises ne s’intéressent pas à eux".

Calculs savants à l’appui, elle étudie les effets d’une telle mesure en prenant en compte ses effets sur la seule valeur actionnariale de l’entreprise. Autrement dit, elle répond à la question : "Un salaire maximum risque-t-il de diminuer a valeur de l’entreprise ?" ou plus exactement : "A quel niveau faudrait-il fixer le salaire maximum pour que les actionnaires qui gagnent de l’argent grâce à un tel plafonnement soient plus nombreux que ceux qui en perdent?".

Réponse : 6 millions d’euros, comme le montre le tableau ci-dessous, adapté de son article.

Les actionnaires votent pour le salaire maximum
"C’est assez élevé, indique Fabienne Llense, mais moins que ce que j’avais imaginé, et à peine plus que la moyenne des rémunérations des PDG du CAC 40 (4,7 millions d’euros en 2007). Surtout, ce plafond pourrait être descendu en fonction d’autres critères, comme l’attachement du PDG à son entreprise, s’il par exemple il y a fait toute sa carrière. Comme il ne souhaite pas la quitter, il serait prêt à accepter un plafond plus bas".

Le Medef ne sera sans doute pas de cet avis, lui qui défend l’idée selon laquelle le salaire des patrons dépend plutôt du marché international - si on ne paye pas assez nos dirigeants, ils fileront là où on leur offrira davantage de dollars. Reste ensuite aux actionnaires à entériner ce niveau de salaire, sans discuter… Ce que montre cet article, c’est que, justement, les actionnaires ont intérêt à discuter et à contester, parce que les conseils d’administration leur demandent parfois de se tirer une balle dans le pied, en votant leurs résolution lors des assemblées générales.

La saison des AG va s’ouvrir, justement. Et elle pourrait bien agitée. La pression pour instaurer un salaire maximum ne viendra peut-être pas de là où on l’attendait.

le 28 mars 2009 12h19 | par Thomas Bronnec
http://blogs.lexpress.fr/les-couloirs-de-bercy/2009/03/les-actionnaires-votent-pour-l.php

Tags : bronnec llense
le Mercredi 8 Juillet 2009 à 10:30 | Commentaires (0)

Analyse

Sur son blog, Thomas Bronnec revient sur le rapport présenté par Philippe Houillon...


Rémunération des patrons: le rapport Houillon va-t-il assez loin ?
Cela fait plusieurs mois qu’une mission de l’Assemblée nationale planche sur la rémunération des patrons, à l'intiative du député UMP Philippe Houillon. De Laurence Parisot à Christine Lagarde, en passant par Xavier Fontanet, PDG d’Essilor et Colette Neuville, présidente de l’association des actionnaires minoritaires, elle a reçu une quarantaine de personnes. Elle vient de terminer ses travaux et a accouché d’un rapport de 93 pages, que j’ai pu consulter en avant-première, ce week-end, avant de publier, en exclusivité, un article sur le site de L’Express,hier soir assez tard. Il contient beaucoup de phrases choc pour dénoncer les abus de ces derniers mois. Petit florilège.

"Le constat est malheureusement sans appel : tant la régulation par la loi que l’autorégulation par des normes informelles n’ont véritablement empêché les dérives précédemment mises en exergue dans le présent rapport".

"Avec le recul de plus de deux ans de pratique, l’expérience montre que ces grands principes [ceux du code éthique Afep/Medef) n’ont que partiellement freiné les dérives constatées et dénoncées en matière de rémunérations des principaux responsables de sociétés cotées".

"Compte tenu de l’ampleur de la crise actuelle et de ses conséquences parfois dramatiques pour des centaines de milliers de salariés, le maintien du statu quo est devenu impossible".

Ou encore, à propos des traders : "Il serait pour le moins regrettable que les opérateurs financiers considèrent qu’ils jouissent d’une certaine impunité salariale, grâce notamment à l’assurance de la garantie étatique en cas de difficultés trop graves. Une telle absence de responsabilisation ne doit plus avoir cours dans l’économie d’aujourd’hui ; les contribuables n’entendent pas, à bon droit, subventionner les prises de risque des banques et de leurs opérateurs".

Certaines propositions contenues dans le rapport vont relativement loin. Je pense notamment à la suppression des retraites chapeaux, ces pensions dorées financées par l’entreprise, et qui seraient remplacées par un système de retraite par capitalisation à la charge du dirigeant. Surtout, et cela traduit bien le changement de climat par rapport à un précédent rapport, rédigé en 2003, la loi est jugée plus efficace que l’autorégulation, puisque la mission est claire : il faut légiférer pour mettre fin aux abus.

Mais légiférer pour dire quoi ? Il n’y aura évidemment pas de salaire maximum, même si celui-ci peut être économiquement efficace, comme je l’avais montré dans un précédent post. Les députés ne veulent pas non plus transférer aux actionnaires le pouvoir de fixer les rémunérations, comme c’est par exemple le cas en Belgique, en Suède ou au Danemark. Et hormis sur les stock-options, qui seraient moins facilement déductibles de l’impôt sur les sociétés pour inciter les entreprises à moins les proposer, la mission Houillon s’interdit aussi de jouer véritablement avec l’arme fiscale, qui pourrait éventuellement imposer un impôt très élevé sur les très hauts revenus comme aux Pays-Bas. Elle refuse en effet de remettre en cause le bouclier fiscal.

La loi, selon Philippe Houillon, doit se contenter de mentionner que "les rémunérations des dirigeants doivent correspondre à l'intérêt général de l'entreprise". L’objectif : permettra aux actionnaires d’attaquer l’entreprise en justice s’ils estiment que les dirigeants de leur entreprise ont reçu des rémunérations trop élevées. Dans l’idée de Philippe Houillon, il s’agit d’éviter les scandales type Société Générale ou Valeo, où le patron continue à se goinfrer même quand son entreprise affiche de mauvaises performances.

Les propositions de la mission, si elles étaient validées par le gouvernement puis adoptées, éviteraient peut être ce type d’abus… Et encore, rien n'est moins sûr. Mais elles ne répondront pas à cette question, plus philosophique : est-il normal, même quand son entreprise affiche les meilleures performances du monde, qu’un PDG puisse gagner 200 à 300 fois plus qu’un citoyen lambda ?

le 7 juillet 2009 15h05 | par Thomas Bronnec

le Mercredi 8 Juillet 2009 à 10:17 | Commentaires (3)

Analyse

Dans son deuxième numéro de l'année 2009, la revue française de gestion revient dans son éditorial sur la montée en puissance d'une volonté de limiter les hauts revenus patronaux.


Les patrons sur la sellette, par Jean-Marie Doublet
Qu’est-ce qui fait courir les dirigeants d’entreprises ? La réponse à cette question ne devrait pas surprendre; la maximisation de leurs profits. En cela, ils seraient d’abord guidés par leurs intérêts, comme les autres acteurs du système économique actuel. Ils ne seraient pas différents des actionnaires qui cherchent à optimiser leurs investissements à court et à long terme et des salariés qui sont conscients qu’il faut se battre individuellement ou collectivement pour obtenir une amélioration de leur sort. Rien de surprenant dans une économie capitaliste du XXIe siècle, caractérisée par la globalisation et la rareté.

Cela n’effrayait réellement personne. Cela était accepté depuis au moins une vingtaine d’années. Or voilà que la crise aidant, patatras, tout est remis en cause. Les pouvoirs politiques, les médias et l’opinion publique en France, en Europe, comme aux États-Unis estiment unanimement que les revenus des dirigeants sont très souvent exorbitants. Ils doivent les limiter d’eux-mêmes ce qui est leur demander beaucoup d’abnégation, sinon, la loi, instrument de la volonté collective et de l’intérêt général, s’en chargera. Voilà un débat et une exposition qui ne sont pas faits pour leur plaire, habitués qu’ils sont à des arrangements confidentiels entre pairs pour la fixation de leurs émoluments.

À Londres comme à Wall Sreet on pousse des cris d’orfraies. Quand la Chambre des représentants décide que les primes des dirigeants d’entreprises aidées par l’administration seront taxées à 90 %, on évoque la chasse aux sorcières, le maccarthysme, voire le KGB [1]. En France, où l’on parle de taxes à 60 % on se fait plus discret. Les organisations patronales, dont le courage n’est pas une habitude, aiment avant tout le silence. Intéressées au premier chef, elles font le gros dos. Mais le gouvernement, et les partis politiques, estimant le thème populaire en cette période socialement agitée, remontent régulièrement au créneau demandant au Medef d’agir, alors que celui-ci craint discussions internes, rebellions et scissions.

On voit donc dans le patron un bouc émissaire de la crise. En fait ce qui est en cause aujourd’hui c’est sa fonction. Il y a deux rôles différents, qui ne peuvent pas être joués simultanément et qui sont tous deux recouverts par le mot de « patron »: l’entrepreneur et le gestionnaire anonyme. L’image de l’entrepreneur chère à Schumpeter et à The Economist [2] disparaît aujourd’hui derrière celle du bureaucrate qui fixe lui-même son salaire. La différence est considérable, elle concerne le risque. L’entrepreneur investit, s’endette souvent personnellement et prend un risque; le bureaucrate aidé par ses réseaux s’efforce quant à lui d’éliminer tous les risques financiers qui le concernent.

Dans un livre publié en 2004, intitulé Les mensonges de l’économie [3], J.K. Galbraith se livre à une charge contre les dirigeants et souligne que « la rémunération généreuse des directeurs existe dans tout l’univers de la société anonyme moderne. L’enrichissement légal compté en millions de dollars est maintenant un trait commun de la gestion d’entreprise. Ce n’est pas surprenant : les directeurs fixent bel et bien leur propre salaire ». Et Galbraith d’ajouter : « L’autorénumération des directeurs doit faire l’objet d’une vigilance générale. Tant dans l’intérêt du public que du monde des affaires lui-même. La liberté d’action pour réaliser des profits est normale. Elle ne doit pas servir de couverture à une appropriation indue – légale ou non – de revenus ou d’actifs ».

Va-t-on décider pour les patrons un salaire maximum, voire un revenu maximum comme on établit un SMIC ? Les arguments ne manquent pas. Il y a l’aspect moral que nous avons exposé basé sur la solidarité face aux intérêts particuliers. Il y a l’aspect économique, l’argent non distribué aux dirigeants pouvant être éventuellement investi. Il y a enfin un aspect managérial qui a fait l’objet de travaux à l’étranger, voire de décisions. Le président Obama souhaite un plafond de 500000 dollars pour les dirigeants de banques aidées par l’État. En Allemagne, il est question d’un salaire maximum de 1 million d’euros pour toutes les entreprises. Un des principaux mérites d’une telle mesure serait de permettre des choix de carrière beaucoup plus étendus pour les futurs dirigeants. Les petites entreprises dans tel ou tel domaine pourraient bénéficier d’un encadrement de haut niveau [4].

Ainsi que dans les affaires de délits d’initiés et de parachutes dorés, il apparaît qu’« il y a quelque chose de pourri » dans les hauts revenus distribués par les entreprises : absence de risque, inexistence d’un marché réel du travail pour certaines catégories de dirigeants, clientélisme, cooptation et autorénumération, tout cela s’apparente à des pratiques monopolistiques qui tombent sous le coup de la loi et du règlement.

NOTES

[1]Financial Times, 21, mars 2009.
[2]The Economist, 13 mars 2009.
[3]Les mensonges de l’économie, J.-F. Galbraith, Grasset, 2004.
[4]« Salaire maximum », Philippe Askenazy, Le Monde Économie, 17 mars 2009.

Source : http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2009-2.htm

le Mercredi 24 Juin 2009 à 13:30 | Commentaires (0)

Analyse

Voici le résumé d'un article paru dans la Revue économique de mai 2009. Son auteur est Fabienne Llense, doctorante en sciences économiques à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et dont le sujet de thèse est : “Contributions à l’analyse des rémunérations des PDG en France”.


Rémunérations des PDG français. Les actionnaires peuvent-ils souhaiter un plafonnement ?
En France, au milieu des années 1990, la mondialisation croissante et la dernière vague de privatisations ont favorisé la formation d’un marché du travail spécifique, celui des dirigeants de grandes entreprises. Les caractéristiques de ce marché sont estimées pour la France (2003-2005) dans le cadre d’un modèle concurrentiel. Ces estimations permettent de mener un exercice de simulation afin de comparer les prédictions du modèle théorique avec les niveaux des salaires des p-dg observés. L’élasticité de la rémunération des p-dg à la taille de leur entreprise est égale à 0,5 et justifie des écarts considérables de rémunération. Pour modérer ces compensations, un plafonnement des salaires est souvent réclamé en Europe, par l’opinion et les partis de gauche mais également par des représentants d’actionnaires. Le coût de cette politique est évalué dans ce modèle concurrentiel, et le lobbying des actionnaires, en particulier des petites entreprises, est expliqué.

Vous pouvez acquérir la totalité de l'article sur le lien suivant : http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=RECO_603_0759#

le Mercredi 17 Juin 2009 à 11:06 | Commentaires (0)

Analyse

Les listes qui portaient dans leur programme l'établissement d'un salaire maximum font des scores méritoires. La présence de ces militants au Parlement européen peut-il faire avancer notre idée ? Bien sûr nous l'espérons mais nous savons bien qu'il reste à convaincre en France de larges pans de la gauche. Le combat continue...


Jean-Philippe Huelin
Jean-Philippe Huelin
Avec plus de 16% et 14 élus au Parlement européen, les listes Europe écologie réalisent un score inespéré il y a quelques semaines. Elles ne se sont pas enfermées dans un programme uniquement écologique ; elles ont su mettre en avant des propositions sociales tel le "bouclier social européen" à l'intérieur duquel le salaire maximum a toute sa place. Saluons les membres de ces listes qui ont toujours défendu, avec nos amis du collectif "Sauvons les riches", dans leurs interventions publiques, l'idée d'un salaire maximum !

Le Front de gauche obtient un résultat attendu, à 6% des voix, qui lui permet d’envoyer à Strasbourg 5 élus. Ce sont les troupes du Parti de Gauche qui ont le plus développé la thématique du salaire maximum certainement sous l’impulsion de l‘économiste, proche de Jean-Luc Mélenchon, Jacques Généreux.

N’oublions pas de distinguer les listes Europe Décroissance qui dans un anonymat regrettable, et un score à la mesure de cet anonymat (décroissance ou pas, l’argent reste le nerf de la guerre politique !), ont porté elle-aussi cette idée.

Notre site est bien entendu ouvert à ses nouveaux élus pour nous tenir au courant et nous informer de leurs démarches pour faire avancer le salaire maximum. Bon courage !

Jean-Philippe Huelin


Tags : europe huelin
le Mercredi 10 Juin 2009 à 11:49 | Commentaires (0)

Analyse

Le site www.salairemaximum.net est lancé pour promouvoir un large débat public visant à l’établissement d’un salaire maximum.


Jean-Philippe HUELIN
Jean-Philippe HUELIN
Notre crise n’a rien de moderne et son ancienneté remonte à l’Antiquité grecque. C’est une crise de l’hubris, c’est-à-dire de la démesure. Elle est née d’une volonté rapace de captation de richesses qui rappelle à ceux qui ont fait leurs humanités l’ambition folle de certains Grecs à vouloir se hisser à la hauteur des dieux. L’accumulation outrancière de richesses est en effet au cœur d’un système rongé par le vice de la démesure.

Rien de nouveau sous le soleil donc ? La « moralisation du capitalisme » répond le chœur des coryphées du système. Prenons-les au mot et faisons de cette tarte à la crème notre nectar et notre ambroisie : et si la moralisation venait d’abord par une limitation à s’enrichir à l’excès ? Est-il « moral » de permettre à certains de gagner l’équivalent du travail de mille autres. Dans quel système un homme peut-il en valoir mille ?

C’est pourquoi, l’établissement d’un salaire maximum qui rétribue le plus justement le travail de chacun, en tenant compte de son mérite, de ses responsabilités et du temps qu’il y passe s’impose comme une piste de sortie de crise. Certes, cette mesure ne peut pas tout régler ; elle a néanmoins le mérite de poser le problème là où cela fait mal, au cœur du système. La détermination commune d’un niveau de salaire maximum pourrait finalement être la meilleure façon de poser simplement un problème complexe dans le débat public.

Faire tomber l’éthique dans la politique ! Une pincée d’Aristote pour diluer tous les Onassis du monde capitaliste ! Un doux rêve diront certains mais qui a pour lui la force du symbole et une popularité certainement aussi forte que son petit frère le « salaire minimum ». Le principe ainsi posé, on doit en discuter les modalités et le site « Pour un salaire maximum » (www.salairemaximum.net) y invite chacun. Il rassemble les contributions, encore trop peu nombreuses, sur le sujet et entend surtout faire vivre et imposer cette question dans le débat public.

L'appel lancé par l'hebdomadaire Marianne sur son site Internet permet déjà de rassembler un certain nombre d'hommes politiques, d'économistes et de journalistes qui soutiennent l'instauration d'un salaire maximum. Dans la discrète campagne des européennes, la liste Europe-Ecologie et le Parti de Gauche mettent en avant cette proposition. Aujourd’hui, il importe d’inviter tous les courants et tous les composantes de la Gauche (et d'ailleurs) à se saisir de cette question afin d’en faire une mesure-phare d'un programme alternatif dans la perspective des élections de 2012.

Jean-Philippe HUELIN, directeur de la publication du site www.salairemaximum.net

Tags : huelin
le Jeudi 7 Mai 2009 à 18:00 | Commentaires (0)

Analyse

"On n’a jamais autant parlé de «revenu minimum garanti» ni de «revenu maximal autorisé». Même Obama se dit partisan d’un salaire maximum annuel de 200 000 dollars."


Paul Ariès
Paul Ariès
Voici une interview de Paul Ariès, politologue et écrivain, directeur de la publication Le Sarkophage. Elle est parue samedi 2 mai dans le journal Libération, à l'occasion du Contre-Grenelle de l'environnement, organisé à Lyon.

Comment un partisan de la décroissance traverse-t-il la période actuelle, frappée par une crise financière, économique et sociale ?

D’un côté, cette crise repousse toujours plus loin le sentiment d’urgence écologique… L’heure est à défendre le pouvoir d’achat et les emplois. On repousse à demain l’idée qu’il faille non pas seulement mieux partager les richesses, mais aussi changer la recette du gâteau car ce gâteau est totalement indigeste socialement et écologiquement. La meilleure preuve en est la relance de l’industrie automobile. On sait que la voiture est condamnée écologiquement mais on continue à la favoriser. Cette crise risque aussi de renforcer le sentiment d’impuissance : chacun sait bien que le ciel risque de nous tomber sur la tête mais on ne sait pas quoi faire. D’un autre côté, la crise actuelle montre que nous avons vécu sur des mensonges depuis des décennies. Non, il n’est pas possible d’avoir une croissance infinie dans un monde fini. Non, on ne peut pas toujours accélérer sans que cette vitesse ne finisse par être insupportable. Non, l’avenir n’est pas au village planétaire mais à une Europe où chaque pays aurait ses propres moyens de vivre. Les gens ne croient plus en des lendemains radieux pour leurs enfants et leurs petits-enfants.

Les jeunes ont aussi ce sentiment d’être les laissés-pour-compte de cette société d’abondance. Ils parlent avec colère de leur appartenance à la génération des bac + 5 à 1 000 euros. Les idées de la décroissance sont donc beaucoup plus facilement compréhensibles. Il va falloir apprendre à vivre beaucoup mieux avec beaucoup moins. Il faut organiser le ralentissement de la société et sa relocalisation. Il faut retrouver individuellement et collectivement le sens des limites.

La crise apparaît-elle comme une bonne nouvelle pour les objecteurs de croissance ?

La crise n’est pas une bonne nouvelle, ni une revanche, pour la décroissance. Je n’ai cessé de combattre l’idée d’une pédagogie des catastrophes chère à l’économiste Serge Latouche. Les crises accouchent en effet plus souvent d’Hitler et de Staline que de Gandhi. Les crises nous font oublier ce que nous savons, comme le prouve la relance du nucléaire. La crise est génératrice de misères matérielles mais aussi morales. Hannah Arendt disait qu’il n’y a rien de pire qu’une société fondée sur le travail sans travail. J’ajouterai qu’il n’y a rien de pire qu’une société de croissance sans croissance. La crise est donc porteuse à la fois du pire et du meilleur.

A quoi ressemblerait ce meilleur ?

La crise peut être l’occasion de démentir tous ceux qui rêvent d’une société d’abondance. Elle peut être l’occasion pour la gauche de rattraper son retard théorique. La gauche mondiale est en effet dans une impasse politique car elle campe encore dans l’idée qu’il faudrait faire croître le gâteau (PIB) avant de pouvoir le partager plus équitablement. Les objecteurs pensent, au contraire, que puisqu’il n’est plus possible de faire croître le gâteau, la question du partage des ressources, sans cesse repoussée, devient plus que jamais incontournable.

C’est-à-dire ?

La première des décroissances que nous voulons est celle des inégalités sociales car c’est la condition première pour que les autres décroissances puissent être acceptables. Pas seulement par souci de justice sociale mais pour casser la logique actuelle d’imitation des modes de vie des classes aisées par les classes moyennes, car ce mode de vie petit-bourgeois n’est tout simplement pas généralisable. Puisqu’on ne pourra pas tous demain vivre comme des riches, il faut donc redevenir des «partageux». Puisque la planète ne pourra pas supporter trois milliards d’automobilistes, il faut sortir de la civilisation de la voiture et développer des transports en commun urbains quasi gratuits.

La crise actuelle est une crise systémique. Il n’est donc pas possible de penser trouver une issue en réglant quelques dysfonctionnements. J’avais montré dans Décroissance ou barbarie [éd. Golias] que la crise qui s’annonçait était autant une crise financière, économique, sociale, politique, institutionnelle que symbolique. Nous devons donc être capables de répondre à tous ces niveaux. Ce qui fait lien c’est la perte du sens des limites. Notre société capitaliste et productiviste a totalement sombré dans la démesure.

Un individu incapable de se donner des limites va nécessairement les chercher dans le réel : conduites à risque, toxicomanies, suicides, etc. Pour une société, c’est la même chose : incapable de se donner des limites, elle va aussi les chercher dans le réel : explosion des inégalités, épuisement des ressources, réchauffement planétaire, etc. La grande question est donc notre capacité à renouer avec le sens des limites, ce qui suppose d’en finir avec l’économisme et l’idéologie du progrès. Il faut au contraire faire primer la culture et le politique. La culture qui nous immunise contre les fantasmes les plus archaïques (toute-puissance, idée d’un monde sans limite), et la politique comme définition de la loi, première limite que nous rencontrons dans la société.

Cette crise est l’occasion idéale pour, peut-être, ouvrir la voie à toutes ces réflexions…

Le bilan de la crise au regard de nos thèses est en fait contradictoire. Sur le versant positif, on peut citer une prise en compte de nos questionnements par différentes sensibilités politiques, sociales, écologiques et par de grandes institutions comme la FAO [Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, ndlr] qui demande, par exemple, un moratoire sur les OGM ou par l’ONU qui rappelle que le problème n’est pas de produire plus d’aliments mais d’éviter d’en gaspiller le tiers.

Une nouvelle gauche écologiste se cherche, mais elle n’est pas encore à la hauteur des enjeux. Elle ne sait pas encore comment concilier les contraintes environnementales avec son souci de justice sociale et le besoin de reconnaissance (de dignité) face à une société du mépris. Elle propose donc sa propre version rose, rouge ou verte de la croissance face à la croissance bleue de Sarkozy. Einstein disait que lorsqu’on a la tête sous forme de marteau on voit tous les problèmes sous forme de clous. Il faut donc changer notre façon de penser, décoloniser notre imaginaire de consommateur. Le «toujours plus» n’est pas la solution ni dans le cadre du capitalisme, ni dans celui du socialisme. On n’a jamais autant parlé de «revenu minimum garanti» ni de «revenu maximal autorisé». Même Obama se dit partisan d’un salaire maximum annuel de 200 000 dollars.

D'Obama à Borloo, tout le monde pique des idées aux objecteurs de croissance. Ça sent l'effet de mode, non?

Tout le monde se veut aujourd’hui écolo depuis, notamment, la mascarade du Grenelle de l’environnement. Conséquence : on parle de plus en plus de croissance verte, de capitalisme vert, bref on a tout oublié. Le pire est lorsque la décroissance passe dans certains médias pour être un discours d’adaptation à la crise. Comme si nous faisions la pub des hard discount et des prix bas, voire de la récupération dans les poubelles pour les plus pauvres. La décroissance n’est pas une stratégie d’adaptation individuelle ou collective à la misère du monde. Elle ne propose pas des recettes pour vivre avec moins et l’espoir de pouvoir reconsommer demain comme avant.

Nous ne sommes pas des consommateurs radins ou malins, nous sommes des militants politiques qui veulent changer le monde. Nous ne donnons pas des recettes pour apprendre à mieux se serrer la ceinture en conservant le sourire. Nous ne sommes pas dans l’union sacrée pour sauver le système. Nous cultivons le dissensus car nous pensons que ce système est foncièrement mauvais, immoral et dangereux.

Les objecteurs de croissance semblent avoir du mal à se constituer politiquement. Comment l’expliquez-vous ?

Nous avions proposé au Front de gauche (Parti de gauche et PCF) et au Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) de faire régionalement exception en accordant une tête de liste pour les européennes à un objecteur de croissance afin de montrer que la gauche en a fini avec son productivisme. Le grand danger serait que des forces politiques instrumentalisent certains de nos thèmes pour tenter de se verdir. Mon espoir était que les partis des gauches prennent au sérieux les questions que pose la décroissance ainsi que les débuts de réponses que nous apportons depuis des années. L’échec des négociations avec le NPA d’une part, et le Front de gauche, d’autre part, prouve que ces gauches ne sont pas encore à la hauteur des enjeux historiques.

Elles ne sont pas encore prêtes à rompre totalement avec leur passif productiviste ou ne croient pas que les gens y seraient prêts. Nous avions suggéré au Parti de gauche de se dire Parti de gauche écologiste… Nous aurions aimé que le NPA se nomme Nouveau Parti anticapitaliste et antiproductiviste (NP2A). On nous a répondu que l’écologie allait suffisamment de soi pour ne pas avoir besoin d’être dite. On a même ajouté qu’il faudrait alors se dire antiraciste, antisexiste comme si la gauche avait été sexiste et raciste de la même façon qu’elle fut et reste productiviste et consumériste. Les milieux de la décroissance sont aussi responsables de cet échec par leur immaturité politique, par leur sectarisme idéologique ou leur refus de tout engagement politique.

Pourquoi faire parti ?

Se compter est d’abord une contrainte politique en démocratie. Si la vérité est en partage, donc aux suffrages, nous devons affronter le suffrage universel. Nous le devons d’autant plus que nous avons confiance dans la force de nos idées, dans la capacité à convaincre et à gagner une majorité de citoyens à notre combat. S’organiser est aussi la seule façon, aujourd’hui, d’être reconnu comme partenaire. Pour l’instant, la seule utilité des objecteurs de croissance est d’obliger l’ensemble des forces politiques à se positionner face à cette mutation civilisationnelle. Il y aura ensuite des décroissances de gauche et d’autres de droite et même d’extrême droite.

J’appartiens de cœur et de raison à la gauche et elle reste ma famille de pensée. Je pense cependant que ce passage par l’objection de croissance lui est indispensable. Sinon, la gauche est condamnée à disparaître non seulement en raison de la montée en puissance des nouveaux démocrates, mais aussi en raison de son incapacité à en finir avec son passif et son passé productivistes. La gauche doit devenir écologiste au moment même où le terme est vidé de son sens. La seule façon aujourd’hui d’être partisans de l’écologie politique, c’est d’être pour l’objection de croissance.

Comment s’articule la décroissance ?

Selon trois formes de résistance. D’abord, la simplicité volontaire qui consiste à vivre en conformité avec ses valeurs. Cela semble aller de soi mais toute une tradition politique remettait aux lendemains du Grand Soir ce changement nécessaire des modes de vie et comme ce grand soir ressemblait souvent à des petits matins blêmes, on n’a finalement pas changé grand-chose. Tout ce qui va dans ce sens est donc positif, comme ne pas avoir de voiture, travailler à temps partiel, etc.

Mais si nous ne faisions que cela, la simplicité volontaire serait doublement dangereuse. Elle pousserait les objecteurs à se vivre comme les nouveaux parfaits, les nouveaux Cathares, à jouer à «plus-décroissant-que-moi-tu-meurs». La décroissance passerait alors d’un discours politique à une logique religieuse.

Le second piège serait d’entériner la division de la société et sa tendance à la dualisation. Notre but n’est pas de vivre entre nous une utopie concrète, il est de changer fondamentalement la société. Ensuite, les expérimentations collectives sont également indispensables. Nous devons bricoler des alternatives dans les franges, dans les marges et au cœur de la société.

Nous devons cependant être conscients que le capitalisme a une extraordinaire capacité de récupération. Il a détourné l’idée de microcrédit pour étendre la marchandisation. Il a dénaturé l’agriculture biologique pour en faire la bio-industrie. Pour finir, un troisième niveau de résistance, politique cette fois, est nécessaire.

Lequel ?

Nous devons inventer un paradigme politique capable d’articuler la prise en compte des contraintes environnementales avec le souci d’égalité sociale et le besoin de reconnaissance face à une société qui fonctionne toujours plus au mépris. L’idée d’une gratuité du bon usage face au renchérissement, ou à l’interdiction du mésusage, me semble constituer le socle de toute refondation d’une véritable alternative politique.

Non seulement parce qu’elle permet de répondre aux enjeux anticapitalistes et antiproductivistes, mais aussi parce qu’elle est à même de susciter le désir puisque nous portons la gratuité chevillée au corps. L’eau potable va devenir toujours plus rare au XXIe siècle, raison de plus pour en rendre son usage normal gratuit et pour interdire son mésusage, comme le gaspillage et pas seulement dans les golfs…

Quelle est la définition objective de l’usage et du mésusage ?

C’est aux citoyens de décider à tous les niveaux ce qu’est une consommation normale ou abusive. La décroissance est donc une façon de donner du grain à moudre à la démocratie participative, sinon elle ne sera qu’une illusion incapable de mobiliser le peuple et de lui rendre le pouvoir.
Pour cela, il faudrait réussir à prendre le pouvoir…

Si nous échouons politiquement, c’est aussi de notre faute. Nous sommes dans une période de recomposition totale, la gauche est toujours dans une impasse : le non majoritaire de la Constitution européenne ne sera pas, ou peu, représenté aux prochaines européennes.

On peut reprocher tout ce que l’on veut à la société consumériste, mais on n’arrivera à sa cheville en matière de désir. Cette société sait capter le désir : nous sommes tombés dedans il y a soixante-dix ans et nous en voulons encore. Pour la décroissance, reste à rendre le projet désirable.

http://environnement.blogs.liberation.fr/noualhat/2009/05/il-faut-rendre-la-d%C3%A9croissance-d%C3%A9sirable.html#more

le Lundi 4 Mai 2009 à 18:39 | Commentaires (0)

Analyse

1 2 3 4 5








RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile


Recherche

Archives