"Quant aux hyper-riches qui menaceraient de quitter le pays, s’ils sont tellement attachés à l’argent, c’est qu’ils ne sont pas des citoyens très utiles à la société. Je ne doute pas qu’émergeront de nouveaux talents, moins cupides et plus soucieux de l’intérêt général : c’est de cette nouvelle génération que nous avons besoin pour transformer le monde."
Le projet de François Hollande de taxer à 75 % les revenus dépassant un million d’euros est louable, et j’approuve que le candidat du PS se rapproche en cela des propositions de Front de gauche, des écologistes d’EELV, du syndicat du Trésor SNUI et de nombreux autres intellectuels et économistes.
Cependant, cette mesure indispensable – dont on peut discuter le plancher : un million d’euros, ou 500.000 euros, ou moins ? – n’a pas de sens si elle est prise de façon isolée.
1 – Elle doit s’intégrer dans une réforme générale de la fiscalité, visant à rétablir une progressivité réelle de l’impôt, à simplifier et à rendre lisible le système (par la suppression de nombre de niches et d’exceptions fiscales), et intégrant une dimension écologique forte.
2 – La lutte contre l’évasion fiscale doit être vigoureusement renforcée. Si des hyper-riches résidant en France menacent de quitter le territoire pour échapper à cette tranche d’impostion, la loi doit leur signifier qu’ils ne pourront plus travailler ni percevoir de revenus en France.
3 – Cette nouvelle politique peut être lancée en France, mais doit être accompagnée d’un effort soutenu pour convaincre nos amis européens d’aller dans le même sens. Et la règle européenne de l’unanimité pour les votes relatifs à la fiscalité doit être remise en cause, puisqu’elle favorise un dumping fiscal nuisible à tous les Européens.
Quant aux hyper-riches qui menaceraient de quitter le pays (voir à ce propos l’interview que j’ai faite de M. Cicurel, président de la Compagnie financière Edmond de Rotschild), eh bien, voyez le point 3 ci-dessus. Et sur le fond, on peut dire ceci : s’ils sont tellement attachés à l’argent, c’est qu’ils ne sont pas des citoyens très utiles à la société. Je ne doute pas qu’émergeront de nouveaux talents, moins cupides et plus soucieux de l’intérêt général : c’est de cette nouvelle génération que nous avons besoin pour transformer le monde.
Reporterre, Hervé Kempf, 2 mars 2012
Cependant, cette mesure indispensable – dont on peut discuter le plancher : un million d’euros, ou 500.000 euros, ou moins ? – n’a pas de sens si elle est prise de façon isolée.
1 – Elle doit s’intégrer dans une réforme générale de la fiscalité, visant à rétablir une progressivité réelle de l’impôt, à simplifier et à rendre lisible le système (par la suppression de nombre de niches et d’exceptions fiscales), et intégrant une dimension écologique forte.
2 – La lutte contre l’évasion fiscale doit être vigoureusement renforcée. Si des hyper-riches résidant en France menacent de quitter le territoire pour échapper à cette tranche d’impostion, la loi doit leur signifier qu’ils ne pourront plus travailler ni percevoir de revenus en France.
3 – Cette nouvelle politique peut être lancée en France, mais doit être accompagnée d’un effort soutenu pour convaincre nos amis européens d’aller dans le même sens. Et la règle européenne de l’unanimité pour les votes relatifs à la fiscalité doit être remise en cause, puisqu’elle favorise un dumping fiscal nuisible à tous les Européens.
Quant aux hyper-riches qui menaceraient de quitter le pays (voir à ce propos l’interview que j’ai faite de M. Cicurel, président de la Compagnie financière Edmond de Rotschild), eh bien, voyez le point 3 ci-dessus. Et sur le fond, on peut dire ceci : s’ils sont tellement attachés à l’argent, c’est qu’ils ne sont pas des citoyens très utiles à la société. Je ne doute pas qu’émergeront de nouveaux talents, moins cupides et plus soucieux de l’intérêt général : c’est de cette nouvelle génération que nous avons besoin pour transformer le monde.
Reporterre, Hervé Kempf, 2 mars 2012
Que proposent les candidats à l'élection présidentielle pour les hauts revenus ?
Que propose François Hollande ?
Dans ses « 60 engagements pour la France », le candidat socialiste affiche son intention de faire « contribuer les plus fortunés » en créant une tranche supplémentaire à 45 % dans le barème de l’impôt pour les revenus supérieurs à 150 000 € par part. Une mesure assez attendue, défendue depuis des années par les socialistes. Lundi 27 février soir sur TF1, François Hollande a en revanche pris de court jusqu’à ses propres amis en annonçant, s’il était élu, la création d’une autre tranche frappant à 75 % les revenus supérieurs à un million d’euros par an.
Aussitôt, l’UMP est monté au créneau, accusant François Hollande d’improvisation et de « fuite en avant fiscale », selon l’expression d’Alain Juppé. Le candidat socialiste s’est donc employé hier à défendre sa proposition. « Un message de cohésion sociale » et aussi « un acte de patriotisme » demandé à ceux qui peuvent « payer un impôt supplémentaire pour redresser le pays », a-t-il justifié.
Combien de contribuables seraient concernés ?
Un taux marginal de 75 % constituerait incontestablement un bouleversement par rapport à la situation actuelle. Les revenus les plus élevés sont aujourd’hui taxés dans la dernière tranche de l’impôt sur le revenu à 41 %. La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, instaurée en 2011, ajoutera à partir de cette année un prélèvement de 3 % sur les sommes supérieures à 250 000 € par part et 4 % au-delà de 500 000 €. Il faut toutefois bien noter qu’à chaque fois, comme d’ailleurs dans la proposition de François Hollande, c’est le système des tranches qui s’impose. Autrement dit, il ne s’agit pas de prendre 750 000 € à un contribuable déclarant un million, mais bien taxer à 75 % uniquement les sommes dépassant ce million.
Dans le détail, il n’est pas possible de savoir précisément combien de foyers fiscaux sont visés par la mesure, les statistiques des impôts ne détaillant pas les revenus des particuliers. Le PS évoque une fourchette de 7 000 à 10 000 contribuables.
Sans doute moins, assure un spécialiste des questions fiscales rappelant que la commission des finances de l’Assemblée nationale avait jugé que la contribution sur les revenus de plus de 500 000 € concernerait moins de 10 000 foyers. Avec un seuil d’un million d’euros, la mesure de François Hollande « pourrait toucher quelques milliers de foyers, autour de 3 000 » calcule-t-il. On devrait y trouver quelques patrons du CAC 40, assurément, mais aussi une poignée d’artistes, de sportifs, de cadres dirigeants du secteur financiers et de rentiers à très fort patrimoine.
Dans ses « 60 engagements pour la France », le candidat socialiste affiche son intention de faire « contribuer les plus fortunés » en créant une tranche supplémentaire à 45 % dans le barème de l’impôt pour les revenus supérieurs à 150 000 € par part. Une mesure assez attendue, défendue depuis des années par les socialistes. Lundi 27 février soir sur TF1, François Hollande a en revanche pris de court jusqu’à ses propres amis en annonçant, s’il était élu, la création d’une autre tranche frappant à 75 % les revenus supérieurs à un million d’euros par an.
Aussitôt, l’UMP est monté au créneau, accusant François Hollande d’improvisation et de « fuite en avant fiscale », selon l’expression d’Alain Juppé. Le candidat socialiste s’est donc employé hier à défendre sa proposition. « Un message de cohésion sociale » et aussi « un acte de patriotisme » demandé à ceux qui peuvent « payer un impôt supplémentaire pour redresser le pays », a-t-il justifié.
Combien de contribuables seraient concernés ?
Un taux marginal de 75 % constituerait incontestablement un bouleversement par rapport à la situation actuelle. Les revenus les plus élevés sont aujourd’hui taxés dans la dernière tranche de l’impôt sur le revenu à 41 %. La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, instaurée en 2011, ajoutera à partir de cette année un prélèvement de 3 % sur les sommes supérieures à 250 000 € par part et 4 % au-delà de 500 000 €. Il faut toutefois bien noter qu’à chaque fois, comme d’ailleurs dans la proposition de François Hollande, c’est le système des tranches qui s’impose. Autrement dit, il ne s’agit pas de prendre 750 000 € à un contribuable déclarant un million, mais bien taxer à 75 % uniquement les sommes dépassant ce million.
Dans le détail, il n’est pas possible de savoir précisément combien de foyers fiscaux sont visés par la mesure, les statistiques des impôts ne détaillant pas les revenus des particuliers. Le PS évoque une fourchette de 7 000 à 10 000 contribuables.
Sans doute moins, assure un spécialiste des questions fiscales rappelant que la commission des finances de l’Assemblée nationale avait jugé que la contribution sur les revenus de plus de 500 000 € concernerait moins de 10 000 foyers. Avec un seuil d’un million d’euros, la mesure de François Hollande « pourrait toucher quelques milliers de foyers, autour de 3 000 » calcule-t-il. On devrait y trouver quelques patrons du CAC 40, assurément, mais aussi une poignée d’artistes, de sportifs, de cadres dirigeants du secteur financiers et de rentiers à très fort patrimoine.
Quels sont les projets des autres candidats ?
François Hollande n’est pas le seul à vouloir durcir l’imposition des contribuables les plus fortunées. Jusqu’à présent, il faisait même figure de modéré par rapport à ses concurrents avec sa proposition de créer une tranche supplémentaire à 45 %. Marine Le Pen, par exemple, défend l’idée de porter la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu à 46 %. François Bayrou va un cran plus loin. Le candidat centriste promet d’augmenter de 41 à 45 % la tranche marginale de l’impôt sur le revenu mais aussi de créer une tranche supplémentaire de 50 % pour les revenus supérieurs à 250 000 € par part.
Eva Joly, fait encore un grand pas de plus. La candidate écologiste veut deux tranches supplémentaires, 60 % à partir de 100 000 € puis 70 % au-delà de 500 000 €. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il pousse la taxation encore plus loin. Le candidat du Front de gauche entend instaurer une tranche marginale au taux de 100 % pour les revenus supérieurs à 20 fois le salaire médian (soit environ 360 000 € par an). Il ne s’agirait alors plus de redistribution mais bien d’instaurer par la fiscalité un salaire maximum.
MATHIEU CASTAGNET, La Croix, 28 février 2012
François Hollande n’est pas le seul à vouloir durcir l’imposition des contribuables les plus fortunées. Jusqu’à présent, il faisait même figure de modéré par rapport à ses concurrents avec sa proposition de créer une tranche supplémentaire à 45 %. Marine Le Pen, par exemple, défend l’idée de porter la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu à 46 %. François Bayrou va un cran plus loin. Le candidat centriste promet d’augmenter de 41 à 45 % la tranche marginale de l’impôt sur le revenu mais aussi de créer une tranche supplémentaire de 50 % pour les revenus supérieurs à 250 000 € par part.
Eva Joly, fait encore un grand pas de plus. La candidate écologiste veut deux tranches supplémentaires, 60 % à partir de 100 000 € puis 70 % au-delà de 500 000 €. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il pousse la taxation encore plus loin. Le candidat du Front de gauche entend instaurer une tranche marginale au taux de 100 % pour les revenus supérieurs à 20 fois le salaire médian (soit environ 360 000 € par an). Il ne s’agirait alors plus de redistribution mais bien d’instaurer par la fiscalité un salaire maximum.
MATHIEU CASTAGNET, La Croix, 28 février 2012
A la surprise générale, le candidat socialiste a proposé de taxer les revenus dépassant un million d'euros par an à 75%.
Pour une surprise... François Hollande a annoncé lundi 27 février sur TF1 qu'il créerait, s'il était élu, une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu, à 75%, pour les foyers fiscaux qui déclarent plus de 1 million d'euros par an. Jusque là, le député de Corrèze s'en était tenu à la création d'une tranche à 45% pour les revenus supérieures à 150.000 euros par part.
Dans les allées du Salon de l'agriculture mardi, le candidat socialiste a expliqué le sens de cette proposition: "c'est du patriotisme d'accepter de payer un impôt supplémentaire pour redresser le pays".
Un "symbole"
Redresser le pays? Cette proposition, dans laquelle le ministre de l'Economie et des Finances François Baroin voir surtout un "symbole", devrait toucher "3.000 à 3.500 personnes", selon François Hollande mercredi sur RTL. Soit "200 à 300 millions d'euros". Autant dire qu'elle ne suffira pas à réduire le déficit public du pays. Mais, a justifié Pierre Moscovici mardi, "il n'est pas bon que l'écart maximal des salaires soit trop élevé dans un pays". "Ce n'est pas une mesure de rapport" car "elle produira plus de mécénat ou de dons que de résultats fiscaux", a également réagi le député PS du Rhône et économiste Pierre-Alain Muet, mais "un signe qu'il faut être raisonnable dans les rémunérations et leurs écarts".
Dans ces deux commentaires se lit la véritable ambition de François Hollande: limiter l'écart des salaires, en créant une nouvelle tranche au-delà de laquelle gagner davantage n'a plus beaucoup de sens - une tranche "confiscatoire" selon le vocabulaire de la majorité (Alain Juppé a utilisé le mot). Comme si un embryon de salaire maximum se dessinait... Embryon seulement, puisque, si le socialiste arrive à la tête de l'Etat, chaque euro supplémentaire au-delà de 1 million d'euros annuels rapportera quand même 25 centimes à son bénéficiaire. Il n'est pas allé aussi loin que Jean-Luc Mélenchon, qui propose d'imposer à 100% les revenus dépassant 360.000 euros par an. Autrement dit, de fixer vraiment un salaire maximum.
Une mesure "rooseveltienne"
Par cette mesure, le candidat socialiste transpose en réalité dans le secteur privé ce qu'il a déjà dit vouloir faire pour les entreprises publiques, en y limitant l'écart de salaire de 1 à 20. François Hollande a choisi l'arme fiscale pour décourager les Jean-Paul Agon, Bernard Arnault et autres Carlos Ghosn, mais aussi les footballeurs, les chanteurs et acteurs vedettes... "Un signal fort", s'est réjouie ce mardi Ségolène Royal. "Une mesure rooseveltienne", a renchéri le patron des députés socialistes Jean-Marc Ayrault.
La proposition entre dans la droite ligne des travaux de l'économiste de gauche Thomas Piketty, qui cite régulièrement la politique de Franklin Roosevelt en référence. Après la crise de 1929, l'ex-président américain a instauré des taux de plus de 80% (restés en vigueur près d'un demi-siècle) sur les très hauts revenus et très grosses successions pour les écréter. En France, le taux maximal d'imposition sur le revenu date de 1981 à 1986, sous la présidence de François Mitterrand: 65%...
"Le déconnomètre fonctionne à plein tube"
Les arguments n'ont pas convaincu les opposants à François Hollande, qui pointent le risque d'exil fiscal. "Tout ça donne une impression d'improvisation, de précipitation, pour tout dire d'amateurisme qui est assez consternante", a ainsi déclaré Nicolas Sarkozy au cours d'un déplacement à Montpellier sur le thème de l'éducation. "Où est l'Europe où est la convergence, quel est le sens d'une proposition comme ça?"
"M. Hollande devrait réfléchir", a lancé Gérard Longuet, le ministre de la Défense, sur France Info. Si elle concerne une "infime minorité" de personnes, cette mesure "peut décourager beaucoup", selon le ministre de la Défense. Quant à François Bayrou, président du Modem, il n'a pas fait dans la dentelle. "Je crois que c'est (le scénariste Michel) Audiard, qui avait une phrase un peu rude: le déconnonomètre fonctionne à plein tube."
Jérôme Lefilliâtre (avec Gaëlle Macke), Challenges, 28 février 2012
Dans les allées du Salon de l'agriculture mardi, le candidat socialiste a expliqué le sens de cette proposition: "c'est du patriotisme d'accepter de payer un impôt supplémentaire pour redresser le pays".
Un "symbole"
Redresser le pays? Cette proposition, dans laquelle le ministre de l'Economie et des Finances François Baroin voir surtout un "symbole", devrait toucher "3.000 à 3.500 personnes", selon François Hollande mercredi sur RTL. Soit "200 à 300 millions d'euros". Autant dire qu'elle ne suffira pas à réduire le déficit public du pays. Mais, a justifié Pierre Moscovici mardi, "il n'est pas bon que l'écart maximal des salaires soit trop élevé dans un pays". "Ce n'est pas une mesure de rapport" car "elle produira plus de mécénat ou de dons que de résultats fiscaux", a également réagi le député PS du Rhône et économiste Pierre-Alain Muet, mais "un signe qu'il faut être raisonnable dans les rémunérations et leurs écarts".
Dans ces deux commentaires se lit la véritable ambition de François Hollande: limiter l'écart des salaires, en créant une nouvelle tranche au-delà de laquelle gagner davantage n'a plus beaucoup de sens - une tranche "confiscatoire" selon le vocabulaire de la majorité (Alain Juppé a utilisé le mot). Comme si un embryon de salaire maximum se dessinait... Embryon seulement, puisque, si le socialiste arrive à la tête de l'Etat, chaque euro supplémentaire au-delà de 1 million d'euros annuels rapportera quand même 25 centimes à son bénéficiaire. Il n'est pas allé aussi loin que Jean-Luc Mélenchon, qui propose d'imposer à 100% les revenus dépassant 360.000 euros par an. Autrement dit, de fixer vraiment un salaire maximum.
Une mesure "rooseveltienne"
Par cette mesure, le candidat socialiste transpose en réalité dans le secteur privé ce qu'il a déjà dit vouloir faire pour les entreprises publiques, en y limitant l'écart de salaire de 1 à 20. François Hollande a choisi l'arme fiscale pour décourager les Jean-Paul Agon, Bernard Arnault et autres Carlos Ghosn, mais aussi les footballeurs, les chanteurs et acteurs vedettes... "Un signal fort", s'est réjouie ce mardi Ségolène Royal. "Une mesure rooseveltienne", a renchéri le patron des députés socialistes Jean-Marc Ayrault.
La proposition entre dans la droite ligne des travaux de l'économiste de gauche Thomas Piketty, qui cite régulièrement la politique de Franklin Roosevelt en référence. Après la crise de 1929, l'ex-président américain a instauré des taux de plus de 80% (restés en vigueur près d'un demi-siècle) sur les très hauts revenus et très grosses successions pour les écréter. En France, le taux maximal d'imposition sur le revenu date de 1981 à 1986, sous la présidence de François Mitterrand: 65%...
"Le déconnomètre fonctionne à plein tube"
Les arguments n'ont pas convaincu les opposants à François Hollande, qui pointent le risque d'exil fiscal. "Tout ça donne une impression d'improvisation, de précipitation, pour tout dire d'amateurisme qui est assez consternante", a ainsi déclaré Nicolas Sarkozy au cours d'un déplacement à Montpellier sur le thème de l'éducation. "Où est l'Europe où est la convergence, quel est le sens d'une proposition comme ça?"
"M. Hollande devrait réfléchir", a lancé Gérard Longuet, le ministre de la Défense, sur France Info. Si elle concerne une "infime minorité" de personnes, cette mesure "peut décourager beaucoup", selon le ministre de la Défense. Quant à François Bayrou, président du Modem, il n'a pas fait dans la dentelle. "Je crois que c'est (le scénariste Michel) Audiard, qui avait une phrase un peu rude: le déconnonomètre fonctionne à plein tube."
Jérôme Lefilliâtre (avec Gaëlle Macke), Challenges, 28 février 2012
Un article de Ian Ayres et Aaron S. Edlin paru dans le New-York Times du 18 décembre 2011
THE progressive reformer and eminent jurist Louis D. Brandeis once said, “We may have democracy, or we may have wealth concentrated in the hands of a few, but we cannot have both.” Brandeis lived at a time when enormous disparities between the rich and the poor led to violent labor unrest and ultimately to a reform movement.
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Over the last three decades, income inequality has again soared to the sort of levels that alarmed Brandeis. In 1980, the wealthiest 1 percent of Americans made 9.1 percent of our nation’s pre-tax income; by 2006 that share had risen to 18.8 percent — slightly higher than when Brandeis joined the Supreme Court in 1916.
Congress might have countered this increased concentration but, instead, tax changes have exacerbated the trend: in after-tax dollars, our wealthiest 1 percent over this same period went from receiving 7.7 percent to 16.3 percent of our nation’s income.
What we call the Brandeis Ratio — the ratio of the average income of the nation’s richest 1 percent to the median household income — has skyrocketed since Ronald Reagan took office. In 1980 the average 1-percenter made 12.5 times the median income, but in 2006 (the latest year for which data is available) the average income of our richest 1 percent was a whopping 36 times greater than that of the median household.
Brandeis understood that at some point the concentration of economic power could undermine the democratic requisite of dispersed political power. This concern looms large in today’s America, where billionaires are allowed to spend unlimited amounts of money on their own campaigns or expressly advocating the election of others.
We believe that we have reached the Brandeis tipping point. It would be bad for our democracy if 1-percenters started making 40 or 50 times as much as the median American.
Enough is enough. Congress should reform our tax law to put the brakes on further inequality. Specifically, we propose an automatic extra tax on the income of the top 1 percent of earners — a tax that would limit the after-tax incomes of this club to 36 times the median household income.
Importantly, our Brandeis tax does not target excessive income per se; it only caps inequality. Billionaires could double their current income without the tax kicking in — as long as the median income also doubles. The sky is the limit for the rich as long as the “rising tide lifts all boats.” Indeed, the tax gives job creators an extra reason to make sure that corporate wealth does in fact trickle down.
Here’s how the tax would work. Once a year, the Internal Revenue Service would calculate the Brandeis ratio of the previous year. If the average 1-percenter made more than 36 times the income of the median American household, then the I.R.S. would create a new tax bracket for the highest 1 percent of income and calculate a marginal income tax rate for that bracket sufficient to reduce the after-tax Brandeis ratio to 36.
This new tax, if triggered, would apply only to income in excess of the poorest 1-percenter — currently about $330,000 per year. Our Brandeis tax is conservative in that it doesn’t attempt to reverse the gains of the wealthy in the last 30 years. It is not a “claw back” tax. It merely assures that things don’t get worse.
A key aspect of our proposal is the tax’s automatic nature. Congress need only act once to protect our future. Just as our tax brackets automatically adjust with the inflation rate, Congress could specify nondiscretionary conditions under which the Brandeis tax would automatically go into effect.
Part of our goal is to change the way politicians speak about income equality. Framing the income of the wealthy in relation to the median income will help us all keep in mind the relative success of the middle class. Our grandparents would be shocked to learn that the average income of the 1-percent club has skyrocketed to more than 30 times the median income — just as we will be shocked if 20 years from now 1-percenters make 80 times the median, which is where we will be if inequality continues to grow at the current rate unabated.
The Occupy Wall Street movement is right to decry the increasing power of the 1 percent as a threat to democracy. President Obama is right to characterize the present as a “make-or-break moment” for the middle class. As 1-percenters ourselves, we call on Congress, for the sake of democracy, to end the continued erosion of economic equality in our nation.
Ian Ayres, a professor of law at Yale, is the author of “Carrots and Sticks: Unlock the Power of Incentives to Get Things Done.” Aaron S. Edlin, a professor of law and of economics at the University of California, Berkeley, is co-editor of “The Economists’ Voice: Top Economists Take On Today’s Problems.”
New-York Times
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Over the last three decades, income inequality has again soared to the sort of levels that alarmed Brandeis. In 1980, the wealthiest 1 percent of Americans made 9.1 percent of our nation’s pre-tax income; by 2006 that share had risen to 18.8 percent — slightly higher than when Brandeis joined the Supreme Court in 1916.
Congress might have countered this increased concentration but, instead, tax changes have exacerbated the trend: in after-tax dollars, our wealthiest 1 percent over this same period went from receiving 7.7 percent to 16.3 percent of our nation’s income.
What we call the Brandeis Ratio — the ratio of the average income of the nation’s richest 1 percent to the median household income — has skyrocketed since Ronald Reagan took office. In 1980 the average 1-percenter made 12.5 times the median income, but in 2006 (the latest year for which data is available) the average income of our richest 1 percent was a whopping 36 times greater than that of the median household.
Brandeis understood that at some point the concentration of economic power could undermine the democratic requisite of dispersed political power. This concern looms large in today’s America, where billionaires are allowed to spend unlimited amounts of money on their own campaigns or expressly advocating the election of others.
We believe that we have reached the Brandeis tipping point. It would be bad for our democracy if 1-percenters started making 40 or 50 times as much as the median American.
Enough is enough. Congress should reform our tax law to put the brakes on further inequality. Specifically, we propose an automatic extra tax on the income of the top 1 percent of earners — a tax that would limit the after-tax incomes of this club to 36 times the median household income.
Importantly, our Brandeis tax does not target excessive income per se; it only caps inequality. Billionaires could double their current income without the tax kicking in — as long as the median income also doubles. The sky is the limit for the rich as long as the “rising tide lifts all boats.” Indeed, the tax gives job creators an extra reason to make sure that corporate wealth does in fact trickle down.
Here’s how the tax would work. Once a year, the Internal Revenue Service would calculate the Brandeis ratio of the previous year. If the average 1-percenter made more than 36 times the income of the median American household, then the I.R.S. would create a new tax bracket for the highest 1 percent of income and calculate a marginal income tax rate for that bracket sufficient to reduce the after-tax Brandeis ratio to 36.
This new tax, if triggered, would apply only to income in excess of the poorest 1-percenter — currently about $330,000 per year. Our Brandeis tax is conservative in that it doesn’t attempt to reverse the gains of the wealthy in the last 30 years. It is not a “claw back” tax. It merely assures that things don’t get worse.
A key aspect of our proposal is the tax’s automatic nature. Congress need only act once to protect our future. Just as our tax brackets automatically adjust with the inflation rate, Congress could specify nondiscretionary conditions under which the Brandeis tax would automatically go into effect.
Part of our goal is to change the way politicians speak about income equality. Framing the income of the wealthy in relation to the median income will help us all keep in mind the relative success of the middle class. Our grandparents would be shocked to learn that the average income of the 1-percent club has skyrocketed to more than 30 times the median income — just as we will be shocked if 20 years from now 1-percenters make 80 times the median, which is where we will be if inequality continues to grow at the current rate unabated.
The Occupy Wall Street movement is right to decry the increasing power of the 1 percent as a threat to democracy. President Obama is right to characterize the present as a “make-or-break moment” for the middle class. As 1-percenters ourselves, we call on Congress, for the sake of democracy, to end the continued erosion of economic equality in our nation.
Ian Ayres, a professor of law at Yale, is the author of “Carrots and Sticks: Unlock the Power of Incentives to Get Things Done.” Aaron S. Edlin, a professor of law and of economics at the University of California, Berkeley, is co-editor of “The Economists’ Voice: Top Economists Take On Today’s Problems.”
New-York Times
Après trois années de baisse, Proxinvest observe sur les chiffres de l’exercice 2010 établis et publiés en 2011 une hausse spectaculaire de la rémunération totale des dirigeants, options et actions comprises.
Les quarante dirigeants du CAC 40 ont bénéficié pour 2010, d’une hausse moyenne de 34% de leur rémunération pour un montant moyen de 4,11 millions d’euros. Cette reprise, qui ne fait toutefois pas rejoindre le niveau de 5 M€ observé jusqu’en 2006, touche un grand nombre de grandes sociétés puisque les présidents exécutifs des 80 autres sociétés de l’indice SBF 120 auront vu leur rémunération totale atteindre elle 2,08M€, en augmentation de 31% en 2010.
Par contraste les valeurs moyennes composant l’ancien indice SBF 250, ont connu pour 2010 une baisse de 17% de la rémunération totale moyenne de leur premier dirigeant qui se situe désormais à 511 000€, soit à huit fois moins que la rémunération de l’indice phare.
Onze dirigeants français dépassent pour 2010 le plafond de Proxinvest de 240 SMIC annuel soit actuellement 4,6 M€ par an : Jean-Paul Agon (L’Oréal – 10,7M€), Bernard Arnault (LVMH – 9,7M€), Carlos Ghosn (Renault – 9,7M€), Bernard Charlès (Dassault Systèmes – 9,5M€), Maurice Levy (Publicis – 6,2M€), Christopher Viehbacher (Sanofi-Aventis – 6,1M€), Franck Riboud (Danone – 5,9M€ erratum), ), Arnaud Lagardère (Lagardère SCA – 4,9M€), Henri de Castries (AXA – 4,9M€) et Lars Olofsson (Carrefour – 4,8M€).
Ces chiffres sous-évaluent toutefois la rémunération totale puisqu’ils n’incluent pas le complément de retraite sur-complémentaire dont ils bénéficient presque tous sans informer sur leur coût pour l’entreprise.
Proxinvest observe à ce niveau une série d’autres anomalies comme la hausse des rémunérations fixes et le recours à divers artifices comme notamment l’augmentation des bonus des dirigeants de banque désormais pour partie différés ou l’utilisation d’instruments synthétiques de nature à éviter les contrôles de l’assemblée générale des actionnaires. Trop de bonus annuels apparaissent pour partie garantis et trop de plans conditionnels d’options et d’actions gratuites présentent des conditions de performance sur une durée trop courte de deux ans seulement.
Au regard de ces manquements au « raisonnable » et à l’ « équilibre » prônés par l’AFEP-MEDEF, il semble permis de parler d’échec de l’auto-régulation.
La rémunération fixe porte mal son nom puisqu’elle augmente en moyenne de 6% pour les 120 premiers dirigeants français. Elle représente 27% de leur rémunération totale. Daniel Julien de Teleperformance bénéficie de la rémunération fixe la plus élevée à 2,2M € juste devant Jean-Paul Agon de l’Oréal à 2,1M€.
La rémunération variable attribuée au titre de 2010 est de 35% supérieur au bonus 2009 et représente 30% de la rémunération totale. Si l’on peut comprendre que la hausse des bénéfices sur l’exercice 2010 explique cette forte augmentation, on déplore que les sociétés françaises, contrairement à leurs homologues européennes, ne renseignent pas sur le calcul du bonus en fonction de la réalisation des objectifs annoncés.
Les éléments « divers », correspondant à des avantages en nature, à des jetons de présence d’administrateur ou à des éléments exceptionnels, pèsent 12% de la rémunération totale d’un dirigeant du SBF 120.
Les rémunérations actionnariales, que ce soient sous forme d’options ou sous forme d’actions de performance, ont été valorisées à la date d’attribution et s’élèvent à 843 354€ (+34%) pour les patrons du SBF 120, soit à 30% de leur rémunération totale. Destinées à rémunérer la performance à long terme, ces attributions pèsent peu face aux formes de rémunération en espèces plus tangibles. Elles reposent aussi souvent sur des conditions de performance peu lisibles ou mesurées sur des durées jugées trop courtes (moins de trois ans).
La rémunération moyenne de 4,11M€ d’un président exécutif du CAC 40 se décompose quant à elle de la manière suivante : 995 K€ en rémunération fixe (24% du total), 1 374 K€ en variable annuel (33%), 647 K€ en options (16%), 574 K€ en actions (14%) et 524 K€ en autres éléments (13%).
Proxinvest et ses partenaires européens de l’ECGS (Expert Corporate Governance Service) ont étudié un échantillon de 367 grands groupes européens. La rémunération moyenne de ces présidents exécutifs européens s’élève selon ECGS à 3,9M€. La rémunération totale moyenne des présidents exécutifs français rentrant dans le périmètre de cette étude ECGS n’atteint que 50% de la rémunération des collègues britanniques, 70% de leurs collègues italiens, 80% de leurs voisins espagnols, suisses ou allemands, mais ils gagnent 16% plus que leurs voisins néerlandais, belges ou irlandais et 150 % de plus que leurs homologues scandinaves.
La transparence des grandes sociétés françaises et la lisibilité des performances est inférieure à celle observée dans les pays où les dirigeants sont responsables de leur politique de rémunération devant l’assemblée générale des actionnaires, c’est-à-dire où celle-ci est soumise à consultation ou à ratification préalable par les actionnaires.
Les actionnaires des sociétés françaises auront pour leur part maintenu en 2011 leur regard critique sur la rémunération sur les seuls sujets qui leur étaient soumis, à savoir les indemnités de départ, les régimes de retraite et les enveloppes d’options et d’actions gratuites. Ils ont ainsi rejeté sept plans collectifs d’options et d’actions gratuites.
Responsabiliser pour redynamiser
Fondé sur un modèle financier déséquilibré par le modèle de banque universelle, notre marché des actions doit être redynamisé par une plus grande responsabilisation des dirigeants. Le patronat, qui entend définir seul les règles françaises de bonne gouvernance, s’oppose encore à la légitimation de la rémunération devant l’assemblée des actionnaires: c’est sans doute ce qui mène à ce haut niveau de contestation observé en France au regard de rémunérations comparativement moins élevés. Autrefois en avance sur les questions de gouvernance, notre pays devrait combler son retard sur le vote préalable annuel des actionnaires sur la rémunération des dirigeants, vote aussi appelé « Say on Pay ». Ce vote annuel, consultatif ou impératif, s’est successivement généralisé par une évolution législative comme ce fut notamment le cas au Royaume-Uni (2002), en Australie (2004), aux Pays-Bas (2004), en Suède (2006), en Norvège (2007), aux Etats-Unis (2010 Loi Dodd Frank) ou chez nos voisins belges (2011) et allemands (2011). Il conviendra de s’inspirer du modèle néerlandais de vote préalable par l’assemblée générale de la politique de rémunération avant toute mise en œuvre, un modèle qui a conduit à un bon niveau de dialogue entre émetteurs et investisseurs, des rémunérations modérées directement liées à la performance à long terme. Une autre possibilité serait que les émetteurs français introduisent volontairement ce vote tel en Suisse ou au Canada ou l’insèrent au sein du code de bonne gouvernance (AFEP-MEDEF) comme en Espagne (2008) ou en Italie (2012).
Rétablir la confiance entre actionnaires et dirigeants est plus que jamais indispensable sur cette question et Proxinvest propose donc trois priorités pour y contribuer : • Un vote annuel sur la rémunération • Une information dans le tableau des rémunérations sur le coût individuel des retraites sur-complémentaires • Des critères de performance vérifiables de plus long terme
L’observation confirme une individualisation finalement récente de la critique des actionnaires qui jugent désormais « ad hominem ». L’exemplarité, selon Albert Schweitzer et Winston Churchill, est la seule méthode de management possible et la rémunération n’échappera pas à cette règle : notre pays doit combler son retard dans l’exercice de la responsabilité.
Proxinvest
Par contraste les valeurs moyennes composant l’ancien indice SBF 250, ont connu pour 2010 une baisse de 17% de la rémunération totale moyenne de leur premier dirigeant qui se situe désormais à 511 000€, soit à huit fois moins que la rémunération de l’indice phare.
Onze dirigeants français dépassent pour 2010 le plafond de Proxinvest de 240 SMIC annuel soit actuellement 4,6 M€ par an : Jean-Paul Agon (L’Oréal – 10,7M€), Bernard Arnault (LVMH – 9,7M€), Carlos Ghosn (Renault – 9,7M€), Bernard Charlès (Dassault Systèmes – 9,5M€), Maurice Levy (Publicis – 6,2M€), Christopher Viehbacher (Sanofi-Aventis – 6,1M€), Franck Riboud (Danone – 5,9M€ erratum), ), Arnaud Lagardère (Lagardère SCA – 4,9M€), Henri de Castries (AXA – 4,9M€) et Lars Olofsson (Carrefour – 4,8M€).
Ces chiffres sous-évaluent toutefois la rémunération totale puisqu’ils n’incluent pas le complément de retraite sur-complémentaire dont ils bénéficient presque tous sans informer sur leur coût pour l’entreprise.
Proxinvest observe à ce niveau une série d’autres anomalies comme la hausse des rémunérations fixes et le recours à divers artifices comme notamment l’augmentation des bonus des dirigeants de banque désormais pour partie différés ou l’utilisation d’instruments synthétiques de nature à éviter les contrôles de l’assemblée générale des actionnaires. Trop de bonus annuels apparaissent pour partie garantis et trop de plans conditionnels d’options et d’actions gratuites présentent des conditions de performance sur une durée trop courte de deux ans seulement.
Au regard de ces manquements au « raisonnable » et à l’ « équilibre » prônés par l’AFEP-MEDEF, il semble permis de parler d’échec de l’auto-régulation.
La rémunération fixe porte mal son nom puisqu’elle augmente en moyenne de 6% pour les 120 premiers dirigeants français. Elle représente 27% de leur rémunération totale. Daniel Julien de Teleperformance bénéficie de la rémunération fixe la plus élevée à 2,2M € juste devant Jean-Paul Agon de l’Oréal à 2,1M€.
La rémunération variable attribuée au titre de 2010 est de 35% supérieur au bonus 2009 et représente 30% de la rémunération totale. Si l’on peut comprendre que la hausse des bénéfices sur l’exercice 2010 explique cette forte augmentation, on déplore que les sociétés françaises, contrairement à leurs homologues européennes, ne renseignent pas sur le calcul du bonus en fonction de la réalisation des objectifs annoncés.
Les éléments « divers », correspondant à des avantages en nature, à des jetons de présence d’administrateur ou à des éléments exceptionnels, pèsent 12% de la rémunération totale d’un dirigeant du SBF 120.
Les rémunérations actionnariales, que ce soient sous forme d’options ou sous forme d’actions de performance, ont été valorisées à la date d’attribution et s’élèvent à 843 354€ (+34%) pour les patrons du SBF 120, soit à 30% de leur rémunération totale. Destinées à rémunérer la performance à long terme, ces attributions pèsent peu face aux formes de rémunération en espèces plus tangibles. Elles reposent aussi souvent sur des conditions de performance peu lisibles ou mesurées sur des durées jugées trop courtes (moins de trois ans).
La rémunération moyenne de 4,11M€ d’un président exécutif du CAC 40 se décompose quant à elle de la manière suivante : 995 K€ en rémunération fixe (24% du total), 1 374 K€ en variable annuel (33%), 647 K€ en options (16%), 574 K€ en actions (14%) et 524 K€ en autres éléments (13%).
Proxinvest et ses partenaires européens de l’ECGS (Expert Corporate Governance Service) ont étudié un échantillon de 367 grands groupes européens. La rémunération moyenne de ces présidents exécutifs européens s’élève selon ECGS à 3,9M€. La rémunération totale moyenne des présidents exécutifs français rentrant dans le périmètre de cette étude ECGS n’atteint que 50% de la rémunération des collègues britanniques, 70% de leurs collègues italiens, 80% de leurs voisins espagnols, suisses ou allemands, mais ils gagnent 16% plus que leurs voisins néerlandais, belges ou irlandais et 150 % de plus que leurs homologues scandinaves.
La transparence des grandes sociétés françaises et la lisibilité des performances est inférieure à celle observée dans les pays où les dirigeants sont responsables de leur politique de rémunération devant l’assemblée générale des actionnaires, c’est-à-dire où celle-ci est soumise à consultation ou à ratification préalable par les actionnaires.
Les actionnaires des sociétés françaises auront pour leur part maintenu en 2011 leur regard critique sur la rémunération sur les seuls sujets qui leur étaient soumis, à savoir les indemnités de départ, les régimes de retraite et les enveloppes d’options et d’actions gratuites. Ils ont ainsi rejeté sept plans collectifs d’options et d’actions gratuites.
Responsabiliser pour redynamiser
Fondé sur un modèle financier déséquilibré par le modèle de banque universelle, notre marché des actions doit être redynamisé par une plus grande responsabilisation des dirigeants. Le patronat, qui entend définir seul les règles françaises de bonne gouvernance, s’oppose encore à la légitimation de la rémunération devant l’assemblée des actionnaires: c’est sans doute ce qui mène à ce haut niveau de contestation observé en France au regard de rémunérations comparativement moins élevés. Autrefois en avance sur les questions de gouvernance, notre pays devrait combler son retard sur le vote préalable annuel des actionnaires sur la rémunération des dirigeants, vote aussi appelé « Say on Pay ». Ce vote annuel, consultatif ou impératif, s’est successivement généralisé par une évolution législative comme ce fut notamment le cas au Royaume-Uni (2002), en Australie (2004), aux Pays-Bas (2004), en Suède (2006), en Norvège (2007), aux Etats-Unis (2010 Loi Dodd Frank) ou chez nos voisins belges (2011) et allemands (2011). Il conviendra de s’inspirer du modèle néerlandais de vote préalable par l’assemblée générale de la politique de rémunération avant toute mise en œuvre, un modèle qui a conduit à un bon niveau de dialogue entre émetteurs et investisseurs, des rémunérations modérées directement liées à la performance à long terme. Une autre possibilité serait que les émetteurs français introduisent volontairement ce vote tel en Suisse ou au Canada ou l’insèrent au sein du code de bonne gouvernance (AFEP-MEDEF) comme en Espagne (2008) ou en Italie (2012).
Rétablir la confiance entre actionnaires et dirigeants est plus que jamais indispensable sur cette question et Proxinvest propose donc trois priorités pour y contribuer : • Un vote annuel sur la rémunération • Une information dans le tableau des rémunérations sur le coût individuel des retraites sur-complémentaires • Des critères de performance vérifiables de plus long terme
L’observation confirme une individualisation finalement récente de la critique des actionnaires qui jugent désormais « ad hominem ». L’exemplarité, selon Albert Schweitzer et Winston Churchill, est la seule méthode de management possible et la rémunération n’échappera pas à cette règle : notre pays doit combler son retard dans l’exercice de la responsabilité.
Proxinvest
Rapport de la fondation Terra nova
Vous pouvez lire la totaaité du rapport de la commission présidée par Martin Hirsch et Gaby Bonnand en cliquant sur le lien ci-dessous
Des projets d’encadrement des plus hauts revenus sont proposés depuis des années mais ne se sont jusqu’à présent jamais traduits en France par la mise en place de mesures concrètes. Au-delà des clivages politiques, l’explication en est relativement simple. Si les risques que posent les écarts actuels de rémunération – problèmes de justice sociale, de gestion des risques et d’efficacité économique – ont été à plusieurs reprises analysés de manière convaincante (on peut notamment lire le rapport du think tank Terra Nova « Pour une régulation des hautes rémunérations » paru en décembre 2011), les solutions avancées peinent encore à convaincre.
Soit, en effet, ces solutions cherchent à préserver totalement la liberté contractuelle en matière de rémunération – cas des mesures basées avant tout sur la diffusion obligatoire d’informations portant sur les rémunérations au sein des entreprises (notamment les informations relatives aux écarts de rémunération au sein de l’entreprise et aux critères de rémunération variable) – et ne pourraient donc avoir qu’un impact réel extrêmement limité, soit elles distinguent pour la mise en place d'un plafonnement entreprises publiques, entreprises privées bénéficiant d'aides publiques et autres entreprises privées (cas notamment de la proposition de loi socialiste de septembre 2009 qui prévoyait le plafonnement des rémunérations des dirigeants d’une société uniquement dans le cas où celle-ci bénéficiait d’aides publiques sous forme de recapitalisation) et ne concerneraient ainsi qu’un nombre trop réduit de salariés. Dans un cas comme dans l’autre, de telles solutions, même si elles étaient demain adoptées, échoueraient fatalement à ramener de manière massive les écarts entre rémunérations fixes à un niveau socialement acceptable.
Une alternative aux dispositifs actuellement proposés existe pourtant. Il s’agirait de mettre en place un mécanisme reposant sur l’utilisation conjointe d’un double levier – agissant à la fois sur la part fixe et sur la part variable des rémunérations –, un mécanisme qui concernerait l’ensemble des entreprises de plus de 500 salariés et serait pour elles contraignant tout en préservant leur liberté de choix en matière de rémunérations.
S’agissant de la part variable des rémunérations, qu’elle prenne la forme de primes, d’actions gratuites ou de stock-options, la mobilisation de l’outil fiscal fait l’objet d’un large consensus, même si les modalités différent selon les positionnements sur l’échiquier politique. L’encadrement des rémunérations variables est en effet le corollaire indispensable à toute tentative d’un encadrement des parts fixes, afin d’éviter le plus possible la mise en place par les entreprises d’un jeu de vases communicants entre parts fixes et parts variables des rémunérations. Trois propositions régulièrement évoquées dans le débat public retiennent particulièrement l’intention : le plafonnement à un pourcentage limité de la seule rémunération fixe du bénéficiaire des régimes de retraite supplémentaire, la remise à plat des avantages fiscaux attribués à la distribution des actions gratuites et des stock-options et la création d’une sixième tranche d’impôt sur le revenu au-delà de 250 000 euros avec un taux marginal d’imposition fixé à 60%.
Mais c’est concernant l’encadrement de la part fixe des rémunérations que le législateur de demain pourrait faire preuve d’imagination une fois au pouvoir. La mise en place d’un dispositif fortement incitatif à destination de l’ensemble des entreprises de plus de 500 salariés (qui représentent 40% de la masse salariale française) visant à ce qu'elles maintiennent dans un rapport de 1 à 20 l'écart entre la rémunération fixe la plus élevée et la rémunération fixe la plus faible versées en leur sein se traduirait concrètement par la limitation de fait des écarts de rémunération au sein des grandes entreprises françaises.
La simplicité d’un tel levier sera la garantie de son efficacité. Il s’agit en effet de proposer dans la loi une alternative aux entreprises de plus de 500 salariés : soit ces entreprises choisissent de ramener dans un délai de trois ans puis de maintenir le rapport entre la rémunération fixe la plus élevée et la rémunération fixe la plus faible versée dans un écart de 1 à 20, soit elles choisissent de s’acquitter d'une taxe de 1% sur la masse salariale, le « 1% Egalité des revenus », qui fonctionnerait sur le modèle du « 1% logement ».
La transparence du système sera quant à elle garantie par l’obligation faite aux entreprises de plus de 500 salariés d'organiser une consultation en comité d'entreprise, comité central d'entreprise ou comité de groupe, sur les parts fixes et variables de la rémunération des dirigeants, en amont de la présentation du rapport de gestion en assemblée générale et dans le prolongement des nouvelles obligations en matière de responsabilité sociale des entreprises
S’agissant du produit du « 1% Egalité des revenus » qui serait créé dans le cadre de l’adoption de cette loi, il devrait être affecté à la politique d'allègement des cotisations sociales sur les plus bas salaires, afin de soutenir l'emploi faiblement qualifié.
On peut aujourd’hui estimer à 1,2 milliards d’euros le produit de ce « 1% Egalité des revenus » si l'ensemble des entreprises de plus de 500 entreprises choisissaient de ne pas maintenir l'écart entre rémunérations fixes dans un rapport de 1 à 20. En prenant comme hypothèse que 80% d'entre elles s'engagent dans le mécanisme d'encadrement, le produit de la taxe qui serait affecté au soutien à l’emploi faiblement qualifié s’élèverait à 240 millions d’euros.
Une seule conclusion s’imposerait alors : l’imagination au pouvoir pourrait permettre demain de dégager des marges de manœuvre budgétaire tout en réduisant les inégalités et en favorisant l’emploi, même si le mécanisme ici proposé a évidemment pour objectif, à moyen terme, l’adoption par l’ensemble des entreprises de plus de 500 salariés du ratio de 1 à 20 et donc la disparition de ce « 1% Egalité des revenus » dont nous défendons la création.
Cartes sur table - 8 janvier 2012
Soit, en effet, ces solutions cherchent à préserver totalement la liberté contractuelle en matière de rémunération – cas des mesures basées avant tout sur la diffusion obligatoire d’informations portant sur les rémunérations au sein des entreprises (notamment les informations relatives aux écarts de rémunération au sein de l’entreprise et aux critères de rémunération variable) – et ne pourraient donc avoir qu’un impact réel extrêmement limité, soit elles distinguent pour la mise en place d'un plafonnement entreprises publiques, entreprises privées bénéficiant d'aides publiques et autres entreprises privées (cas notamment de la proposition de loi socialiste de septembre 2009 qui prévoyait le plafonnement des rémunérations des dirigeants d’une société uniquement dans le cas où celle-ci bénéficiait d’aides publiques sous forme de recapitalisation) et ne concerneraient ainsi qu’un nombre trop réduit de salariés. Dans un cas comme dans l’autre, de telles solutions, même si elles étaient demain adoptées, échoueraient fatalement à ramener de manière massive les écarts entre rémunérations fixes à un niveau socialement acceptable.
Une alternative aux dispositifs actuellement proposés existe pourtant. Il s’agirait de mettre en place un mécanisme reposant sur l’utilisation conjointe d’un double levier – agissant à la fois sur la part fixe et sur la part variable des rémunérations –, un mécanisme qui concernerait l’ensemble des entreprises de plus de 500 salariés et serait pour elles contraignant tout en préservant leur liberté de choix en matière de rémunérations.
S’agissant de la part variable des rémunérations, qu’elle prenne la forme de primes, d’actions gratuites ou de stock-options, la mobilisation de l’outil fiscal fait l’objet d’un large consensus, même si les modalités différent selon les positionnements sur l’échiquier politique. L’encadrement des rémunérations variables est en effet le corollaire indispensable à toute tentative d’un encadrement des parts fixes, afin d’éviter le plus possible la mise en place par les entreprises d’un jeu de vases communicants entre parts fixes et parts variables des rémunérations. Trois propositions régulièrement évoquées dans le débat public retiennent particulièrement l’intention : le plafonnement à un pourcentage limité de la seule rémunération fixe du bénéficiaire des régimes de retraite supplémentaire, la remise à plat des avantages fiscaux attribués à la distribution des actions gratuites et des stock-options et la création d’une sixième tranche d’impôt sur le revenu au-delà de 250 000 euros avec un taux marginal d’imposition fixé à 60%.
Mais c’est concernant l’encadrement de la part fixe des rémunérations que le législateur de demain pourrait faire preuve d’imagination une fois au pouvoir. La mise en place d’un dispositif fortement incitatif à destination de l’ensemble des entreprises de plus de 500 salariés (qui représentent 40% de la masse salariale française) visant à ce qu'elles maintiennent dans un rapport de 1 à 20 l'écart entre la rémunération fixe la plus élevée et la rémunération fixe la plus faible versées en leur sein se traduirait concrètement par la limitation de fait des écarts de rémunération au sein des grandes entreprises françaises.
La simplicité d’un tel levier sera la garantie de son efficacité. Il s’agit en effet de proposer dans la loi une alternative aux entreprises de plus de 500 salariés : soit ces entreprises choisissent de ramener dans un délai de trois ans puis de maintenir le rapport entre la rémunération fixe la plus élevée et la rémunération fixe la plus faible versée dans un écart de 1 à 20, soit elles choisissent de s’acquitter d'une taxe de 1% sur la masse salariale, le « 1% Egalité des revenus », qui fonctionnerait sur le modèle du « 1% logement ».
La transparence du système sera quant à elle garantie par l’obligation faite aux entreprises de plus de 500 salariés d'organiser une consultation en comité d'entreprise, comité central d'entreprise ou comité de groupe, sur les parts fixes et variables de la rémunération des dirigeants, en amont de la présentation du rapport de gestion en assemblée générale et dans le prolongement des nouvelles obligations en matière de responsabilité sociale des entreprises
S’agissant du produit du « 1% Egalité des revenus » qui serait créé dans le cadre de l’adoption de cette loi, il devrait être affecté à la politique d'allègement des cotisations sociales sur les plus bas salaires, afin de soutenir l'emploi faiblement qualifié.
On peut aujourd’hui estimer à 1,2 milliards d’euros le produit de ce « 1% Egalité des revenus » si l'ensemble des entreprises de plus de 500 entreprises choisissaient de ne pas maintenir l'écart entre rémunérations fixes dans un rapport de 1 à 20. En prenant comme hypothèse que 80% d'entre elles s'engagent dans le mécanisme d'encadrement, le produit de la taxe qui serait affecté au soutien à l’emploi faiblement qualifié s’élèverait à 240 millions d’euros.
Une seule conclusion s’imposerait alors : l’imagination au pouvoir pourrait permettre demain de dégager des marges de manœuvre budgétaire tout en réduisant les inégalités et en favorisant l’emploi, même si le mécanisme ici proposé a évidemment pour objectif, à moyen terme, l’adoption par l’ensemble des entreprises de plus de 500 salariés du ratio de 1 à 20 et donc la disparition de ce « 1% Egalité des revenus » dont nous défendons la création.
Cartes sur table - 8 janvier 2012
Un point de vue de Robert Castel
L’instauration d’un revenu minimal et d’un revenu maximal s’impose parce que notre société est menacée par une coupure. En haut de la structure sociale prolifèrent des groupes de nantis dotés de privilèges exorbitants. Ils n’ont plus rien de commun avec le nombre croissant de tous ceux qui n’arrivent plus à «joindre les deux bouts».
Cette coupure remet en question la possibilité de continuer à «faire société», qui suppose que tous ces membres fassent partie d’un même ensemble lié par des relations d’interdépendance. Face à ces menaces de fragmentation dues à l’explosion des inégalités deux séries complémentaires de mesures pourraient être imposées pour combattre cette dynamique destructrice de la cohésion sociale.
1) L’instauration d’un revenu maximal serait le moyen de maintenir ou de rapatrier les ultrariches au sein de l’ensemble social en rapprochant leurs conditions de celles du régime commun. A quel taux faudrait-il fixer le montant de ce revenu ? Des propositions de l’ordre de 20 fois le revenu minima, ou de 20 fois le Smic ont été avancées. On pourrait en discuter, et discuter aussi des moyens d’imposer de telles mesures. Mais elles doivent être défendues dans leur principe, car elles seraient un puissant moyen de réduire les inégalités en permettant de redistribuer une part des hauts revenus pour améliorer la condition du plus grand nombre et des plus démunis.
2) L’instauration d’un droit à un revenu minimal garanti devrait être posée comme une exigence incontournable pour assurer à tous les membres de la société le socle de ressources nécessaire pour satisfaire à leurs besoins. Mais plusieurs formules ont été avancées pour réaliser cette exigence, dont certaines me paraissent dangereuses. On a ainsi évoqué l’attribution d’un revenu d’existence ou de citoyenneté voire d’une allocation universelle qui se contenteraient de distribuer à tous une allocation financière minimale. Un tel revenu ne pourrait être qu’une médiocre allocation de subsistance qui n’assurerait pas l’indépendance économique des bénéficiaires.
Ceux-ci seraient obligés d’accomplir à n’importe quel prix des activités pour arrondir leur allocation. Ce serait un facteur supplémentaire de dégradation du marché du travail encourageant le développement d’activités médiocres et mal payées.
Le renforcement des minima sociaux et du RSA pourrait fournir une réponse plus consistante, à condition qu’il soit reformé. Ainsi le RSA étendu aux jeunes pourrait inclure aussi, outre l’API, la SS et la prime pour l’emploi, couvrant de ce fait la plupart des situations sociales déficitaires. L’allocation de base devrait être augmentée. Surtout, il devrait devenir un dispositif accès à l’emploi durable et non un palliatif qui risque d’entretenir la précarité. Sous ces conditions le RSA pourrait accomplir la double fonction de garantir un revenu assurant la satisfaction des besoins de base de ceux et de celles qui sont à distance de l’emploi durable, et d’accompagner les bénéficiaires sur la voie du retour à cet emploi durable.
Le RSA ainsi musclé pourrait constituer un élément essentiel de ce que l’on pourrait appeler une sécurité sociale minimale garantie. J’entends par là la possibilité de disposer de ces protections de base nécessaires pour être capable de mener une vie décente. Mais ces conditions ne sont pas seulement financières, elles dépendent aussi du fait d’être reconnu comme un sujet de droit.
Robert Castel, Libération, 27 janvier 2012
Cette coupure remet en question la possibilité de continuer à «faire société», qui suppose que tous ces membres fassent partie d’un même ensemble lié par des relations d’interdépendance. Face à ces menaces de fragmentation dues à l’explosion des inégalités deux séries complémentaires de mesures pourraient être imposées pour combattre cette dynamique destructrice de la cohésion sociale.
1) L’instauration d’un revenu maximal serait le moyen de maintenir ou de rapatrier les ultrariches au sein de l’ensemble social en rapprochant leurs conditions de celles du régime commun. A quel taux faudrait-il fixer le montant de ce revenu ? Des propositions de l’ordre de 20 fois le revenu minima, ou de 20 fois le Smic ont été avancées. On pourrait en discuter, et discuter aussi des moyens d’imposer de telles mesures. Mais elles doivent être défendues dans leur principe, car elles seraient un puissant moyen de réduire les inégalités en permettant de redistribuer une part des hauts revenus pour améliorer la condition du plus grand nombre et des plus démunis.
2) L’instauration d’un droit à un revenu minimal garanti devrait être posée comme une exigence incontournable pour assurer à tous les membres de la société le socle de ressources nécessaire pour satisfaire à leurs besoins. Mais plusieurs formules ont été avancées pour réaliser cette exigence, dont certaines me paraissent dangereuses. On a ainsi évoqué l’attribution d’un revenu d’existence ou de citoyenneté voire d’une allocation universelle qui se contenteraient de distribuer à tous une allocation financière minimale. Un tel revenu ne pourrait être qu’une médiocre allocation de subsistance qui n’assurerait pas l’indépendance économique des bénéficiaires.
Ceux-ci seraient obligés d’accomplir à n’importe quel prix des activités pour arrondir leur allocation. Ce serait un facteur supplémentaire de dégradation du marché du travail encourageant le développement d’activités médiocres et mal payées.
Le renforcement des minima sociaux et du RSA pourrait fournir une réponse plus consistante, à condition qu’il soit reformé. Ainsi le RSA étendu aux jeunes pourrait inclure aussi, outre l’API, la SS et la prime pour l’emploi, couvrant de ce fait la plupart des situations sociales déficitaires. L’allocation de base devrait être augmentée. Surtout, il devrait devenir un dispositif accès à l’emploi durable et non un palliatif qui risque d’entretenir la précarité. Sous ces conditions le RSA pourrait accomplir la double fonction de garantir un revenu assurant la satisfaction des besoins de base de ceux et de celles qui sont à distance de l’emploi durable, et d’accompagner les bénéficiaires sur la voie du retour à cet emploi durable.
Le RSA ainsi musclé pourrait constituer un élément essentiel de ce que l’on pourrait appeler une sécurité sociale minimale garantie. J’entends par là la possibilité de disposer de ces protections de base nécessaires pour être capable de mener une vie décente. Mais ces conditions ne sont pas seulement financières, elles dépendent aussi du fait d’être reconnu comme un sujet de droit.
Robert Castel, Libération, 27 janvier 2012
Si la pauvreté soulève une indignation unanime — il faudrait la combattre pour rendre le monde plus juste —, la fortune est plus rarement perçue comme un problème. Mais, avec la tempête financière, le lien entre l’une et l’autre refait surface. En même temps qu’une idée née aux Etats-Unis il y a plus d’un siècle : limiter les revenus des plus riches.
Au nombre des revendications portées par les militants du mouvement Occuper Wall Street, il en est une qui plonge profondément ses racines dans l’histoire des Etats-Unis : l’instauration d’un plafond pour les hauts revenus. Depuis l’époque dorée de l’après-guerre civile américaine, les grandes mobilisations en faveur de la justice économique ont toujours énoncé cette demande, aujourd’hui appelée « salaire maximum ». Cette formule n’englobe pas seulement le salaire, mais la totalité des revenus annuels ; elle permet de créer un lien de familiarité avec la notion de « salaire minimum ».
C’est le philosophe Felix Adler — surtout connu pour avoir fondé et présidé, au début du XXe siècle, le National Child Labor Committee — qui, le premier, a porté cette revendication. Selon lui, l’exploitation des travailleurs, jeunes et vieux, génère d’immenses fortunes privées qui exercent une « influence corruptrice » sur la vie politique américaine. Pour limiter celle- ci, il propose de mettre en œuvre une fiscalité très fortement progressive pouvant atteindre, au-delà d’un certain seuil, 100 % d’imposition. Ce taux laisserait à l’individu « tout ce qui peut vraiment servir à l’accomplissement d’une vie humaine » et lui arracherait « ce qui est destiné à l’apparat, à la fierté, au pouvoir ».
Si le New York Times a donné à l’appel d’Adler une large audience, la notion de « salaire maximum » n’a pas connu de traduction législative avant le premier conflit mondial. Afin de financer l’effort de guerre, les progressistes proposent alors de taxer à hauteur de 100 %les revenus supérieurs à 100 000 dollars (soit 2,2 millions de dollars en 2010).
Le groupe qui soutient cette mesure, l’American Committee on War Finance, rassemble deux mille volontaires à travers le pays. Il publie dans les journaux des coupons détachables que les lecteurs peuvent signer, s’engageant ainsi à « œuvrer pour la promulgation rapide d’une loi » sur la limitation des revenus : une « conscription de la richesse », selon les mots du comité. « Si l’Etat a le (...)
Retrouvez la version intégrale de cet article dans Le Monde diplomatique de février 2012,
C’est le philosophe Felix Adler — surtout connu pour avoir fondé et présidé, au début du XXe siècle, le National Child Labor Committee — qui, le premier, a porté cette revendication. Selon lui, l’exploitation des travailleurs, jeunes et vieux, génère d’immenses fortunes privées qui exercent une « influence corruptrice » sur la vie politique américaine. Pour limiter celle- ci, il propose de mettre en œuvre une fiscalité très fortement progressive pouvant atteindre, au-delà d’un certain seuil, 100 % d’imposition. Ce taux laisserait à l’individu « tout ce qui peut vraiment servir à l’accomplissement d’une vie humaine » et lui arracherait « ce qui est destiné à l’apparat, à la fierté, au pouvoir ».
Si le New York Times a donné à l’appel d’Adler une large audience, la notion de « salaire maximum » n’a pas connu de traduction législative avant le premier conflit mondial. Afin de financer l’effort de guerre, les progressistes proposent alors de taxer à hauteur de 100 %les revenus supérieurs à 100 000 dollars (soit 2,2 millions de dollars en 2010).
Le groupe qui soutient cette mesure, l’American Committee on War Finance, rassemble deux mille volontaires à travers le pays. Il publie dans les journaux des coupons détachables que les lecteurs peuvent signer, s’engageant ainsi à « œuvrer pour la promulgation rapide d’une loi » sur la limitation des revenus : une « conscription de la richesse », selon les mots du comité. « Si l’Etat a le (...)
Retrouvez la version intégrale de cet article dans Le Monde diplomatique de février 2012,
"Instaurer un meilleur partage de la richesse au sein de l’entreprise : définir un écart de salaire maximum au sein de chaque entreprise, soumettre les stock-options et les actions gratuites à des conditions de performances sociales ou sociétales, associer les salariés aux résultats de l’entreprise."
A lire dans son programme présidentiel
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Rédigé par Jean-Philippe Huelin le Lundi 23 Janvier 2012 à 13:51
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