L'hebdomadaire Marianne a lancé une pétition en faveur d'un salaire maximum, soutenue par de très nombreuses personnalités. Je vous invite à soutenir cette initiative en signant l'appel sur le site MesOpinions.com.
La démesure est à l'origine de la plupart des maux de notre époque : à l'origine de la crise écologique, à l'origine du creusement des inégalités sociales qui atteignent des sommets insupportables et quasi obscènes.
« 3 personnes au monde peuvent avoir les revenus des 48 pays les plus pauvres, la fortune de 225 personnes équivaut à la somme des revenus individuels dérisoires de 2,5 milliards d'êtres humains »*
Dans notre pays, les exemples de patrons qui, après avoir mis leur entreprise en difficulté, partent avec des retraites chapeau ou des stock-options représentant 1 000 fois le salaire d'un de ses employés, ne sont pas rares.
Cette démesure est au coeur de la crise financière qui a bouleversé le monde il y a deux ans. Sur les 3 200 milliards de dollars qui s'échangeaient chaque jour sur les marchés financiers, avant la faillite de la banque Lehman Brothers, seuls 2,7 % correspondaient à des biens et à des services réels, le reste étant de l'économie spéculative tournant sur elle-même...
Cette fascination de l'argent comme celle du pouvoir constitue une véritable maladie, une drogue au cœur de notre société. Elle cache un mal-être, un mal-vivre profond, une absence de sens. Mais par sa fuite hors de la réalité, la démesure financière constitue un danger réel immédiat pour l'avenir de notre société, de la démocratie, de la sécurité du monde et des entreprises elles-mêmes, de notre société.
Elle détruit la valeur conventionnelle d'échange de la monnaie et du lien social. Comment un salarié peut-il se représenter un revenu représentant 1 000 fois son salaire ?
Expression du capitalisme financier dérégulé, elle menace la démocratie et la politique comme fonction de régulation.
Immorale, elle mine et discrédite les valeurs humanistes sur lesquelles se sont construites nos sociétés favorisant ainsi le retour des extrémismes régressifs et les menaces géopolitiques (fondamentalismes religieux, racisme).
Enfin, elle est un vrai danger pour l'avenir de l'économie et des entreprises elles-mêmes. Comment un chef d'entreprise peut-il comprendre l'univers de ses salariés les plus modestes et prendre des décisions qui les concernent quand ses revenus sont 500 ou 600 fois plus élevés ?
On aurait pu penser que les limites à cette démesure viennent des responsables et dirigeants financiers eux-mêmes, qui auraient tiré les leçons de crise financière récente. Il n'en est rien... Les choses continuent comme avant.
Aujourd'hui, différentes initiatives récentes réclament l'idée de bon sens d'un salaire maximum ou plus exactement le principe de la limitation d'un revenu maximum intégrant bonus et prime pour les dirigeants des entreprises.
L'hebdomadaire Marianne a lancé une pétition dans ce sens, soutenue par de très nombreuses personnalités.
Le groupe Socialiste a déposé une proposition de loi le 15 octobre 2009 dont la plupart des articles ont été repoussés par la majorité des parlementaires UMP.
Aux États-Unis, Barack Obama souhaite un plafond de 390 000 € de salaire maximum pour les patrons des banques aidées par l'État.
On peut discuter le niveau du plafond comme la méthode à utiliser (par la loi ou par une mesure fiscale) mais le principe d'un engagement dans ce sens m'apparaît aujourd'hui indispensable et urgent.
* Patrick Viveret : Comment vivre en temps de crise ? (éd. Bayard)
Barbara Romagnan, 24 janvier 2011
« 3 personnes au monde peuvent avoir les revenus des 48 pays les plus pauvres, la fortune de 225 personnes équivaut à la somme des revenus individuels dérisoires de 2,5 milliards d'êtres humains »*
Dans notre pays, les exemples de patrons qui, après avoir mis leur entreprise en difficulté, partent avec des retraites chapeau ou des stock-options représentant 1 000 fois le salaire d'un de ses employés, ne sont pas rares.
Cette démesure est au coeur de la crise financière qui a bouleversé le monde il y a deux ans. Sur les 3 200 milliards de dollars qui s'échangeaient chaque jour sur les marchés financiers, avant la faillite de la banque Lehman Brothers, seuls 2,7 % correspondaient à des biens et à des services réels, le reste étant de l'économie spéculative tournant sur elle-même...
Cette fascination de l'argent comme celle du pouvoir constitue une véritable maladie, une drogue au cœur de notre société. Elle cache un mal-être, un mal-vivre profond, une absence de sens. Mais par sa fuite hors de la réalité, la démesure financière constitue un danger réel immédiat pour l'avenir de notre société, de la démocratie, de la sécurité du monde et des entreprises elles-mêmes, de notre société.
Elle détruit la valeur conventionnelle d'échange de la monnaie et du lien social. Comment un salarié peut-il se représenter un revenu représentant 1 000 fois son salaire ?
Expression du capitalisme financier dérégulé, elle menace la démocratie et la politique comme fonction de régulation.
Immorale, elle mine et discrédite les valeurs humanistes sur lesquelles se sont construites nos sociétés favorisant ainsi le retour des extrémismes régressifs et les menaces géopolitiques (fondamentalismes religieux, racisme).
Enfin, elle est un vrai danger pour l'avenir de l'économie et des entreprises elles-mêmes. Comment un chef d'entreprise peut-il comprendre l'univers de ses salariés les plus modestes et prendre des décisions qui les concernent quand ses revenus sont 500 ou 600 fois plus élevés ?
On aurait pu penser que les limites à cette démesure viennent des responsables et dirigeants financiers eux-mêmes, qui auraient tiré les leçons de crise financière récente. Il n'en est rien... Les choses continuent comme avant.
Aujourd'hui, différentes initiatives récentes réclament l'idée de bon sens d'un salaire maximum ou plus exactement le principe de la limitation d'un revenu maximum intégrant bonus et prime pour les dirigeants des entreprises.
L'hebdomadaire Marianne a lancé une pétition dans ce sens, soutenue par de très nombreuses personnalités.
Le groupe Socialiste a déposé une proposition de loi le 15 octobre 2009 dont la plupart des articles ont été repoussés par la majorité des parlementaires UMP.
Aux États-Unis, Barack Obama souhaite un plafond de 390 000 € de salaire maximum pour les patrons des banques aidées par l'État.
On peut discuter le niveau du plafond comme la méthode à utiliser (par la loi ou par une mesure fiscale) mais le principe d'un engagement dans ce sens m'apparaît aujourd'hui indispensable et urgent.
* Patrick Viveret : Comment vivre en temps de crise ? (éd. Bayard)
Barbara Romagnan, 24 janvier 2011
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Extrait d'un article de Laurent Mauduit ou comment parler du SMIC pour finir sur le salaire maximum...
Le délabrement dans lequel se trouve aujourd'hui le salaire minimum, qui ne protègent qu'imparfaitement ceux qui en profitent, n'est qu'une facette de l'éclatement du pacte social qui a fonctionné tout au long des Trente Glorieuses et qui a ensuite volé en éclats.
Longtemps en effet, les écarts de rémunérations entre les très hauts salaires et les très bas étaient contenus. C'était le résultat d'un pacte social implicite: les très hauts salaires acceptaient en quelque sorte de ne pas s'envoler toujours plus; en contrepartie, les bas salaires n'étaient pas sans cesse aspirés... plus bas. Ainsi le voulait le capitalisme rhénan, qui tolérait un partage, selon les rapports de force, entre le capital et le travail.
Les règles du capitalismes anglo-saxon sont venues tout bouleverser: ignorant ce partage, elles ont favorisé une envolée des rémunérations des cadres dirigeants et, du même coup, les grands groupes ont jugé intolérable les protections sociales dont bénéficiaient les travailleurs les plus modestes. On peut dire les choses de manière encore plus directe: les folles rémunérations des cadres dirigeants des entreprises ont généré, par un choc en retour, le développement des "travailleurs pauvres" dans le bas des hiérarchies de ces mêmes entreprises.
Indéniablement, il faut donc défendre le Smic. Mais au-delà, c'est assurément, tout le pacte social qu'il faut reconstruire. Le débat est d'ailleurs dès à présent lancé, car de nombreuses voix à gauche ont commencé à faire valoir qu'il fallait aussi explorer l'idée d'un «salaire maximum», pour contenir les dérives invraisemblables auxquelles se sont laissés aller notamment les patrons du CAC 40. L'idée du «salaire maximum» n'est certes qu'une image. Car, il existe bien d'autres moyens pour rétablir une société plus équitable que d'interdire des rémunérations au-delà d'un certain seuil, jugé exorbitant. Il existe en particulier l'impôt sur le revenu, dont la progressivité a été cassée au fil des ans, par une réduction progressive de 15 à 5 des tranches d'imposition. La fonction redistributrice de l'impôt sur le revenu, impôt-citoyen par excellence, pourrait donc être réhabilitée. Avec d'autres, Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) lâche ainsi qu'au-dessus de 350.000 euros annuels, il «prend tout».
Le ton est volontairement gouailleur, comme l'est le personnage. Et les modalités évoquées discutables. Mais le débat est de première importance: au-delà du Smic, ce sont les règles de partage entre le capital et le travail qu'il faut redessiner. Pour sortir de ce pacte de misère, et un inventer un autre: un pacte plus généreux, un pacte solidaire.
Laurent Mauduit, Mediapart, 26 Décembre 2010
extrait d'un article "Le pacte que Sarkozy a passé contre le Smic" que vous pouvez lire en entire ci-dessous
Longtemps en effet, les écarts de rémunérations entre les très hauts salaires et les très bas étaient contenus. C'était le résultat d'un pacte social implicite: les très hauts salaires acceptaient en quelque sorte de ne pas s'envoler toujours plus; en contrepartie, les bas salaires n'étaient pas sans cesse aspirés... plus bas. Ainsi le voulait le capitalisme rhénan, qui tolérait un partage, selon les rapports de force, entre le capital et le travail.
Les règles du capitalismes anglo-saxon sont venues tout bouleverser: ignorant ce partage, elles ont favorisé une envolée des rémunérations des cadres dirigeants et, du même coup, les grands groupes ont jugé intolérable les protections sociales dont bénéficiaient les travailleurs les plus modestes. On peut dire les choses de manière encore plus directe: les folles rémunérations des cadres dirigeants des entreprises ont généré, par un choc en retour, le développement des "travailleurs pauvres" dans le bas des hiérarchies de ces mêmes entreprises.
Indéniablement, il faut donc défendre le Smic. Mais au-delà, c'est assurément, tout le pacte social qu'il faut reconstruire. Le débat est d'ailleurs dès à présent lancé, car de nombreuses voix à gauche ont commencé à faire valoir qu'il fallait aussi explorer l'idée d'un «salaire maximum», pour contenir les dérives invraisemblables auxquelles se sont laissés aller notamment les patrons du CAC 40. L'idée du «salaire maximum» n'est certes qu'une image. Car, il existe bien d'autres moyens pour rétablir une société plus équitable que d'interdire des rémunérations au-delà d'un certain seuil, jugé exorbitant. Il existe en particulier l'impôt sur le revenu, dont la progressivité a été cassée au fil des ans, par une réduction progressive de 15 à 5 des tranches d'imposition. La fonction redistributrice de l'impôt sur le revenu, impôt-citoyen par excellence, pourrait donc être réhabilitée. Avec d'autres, Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) lâche ainsi qu'au-dessus de 350.000 euros annuels, il «prend tout».
Le ton est volontairement gouailleur, comme l'est le personnage. Et les modalités évoquées discutables. Mais le débat est de première importance: au-delà du Smic, ce sont les règles de partage entre le capital et le travail qu'il faut redessiner. Pour sortir de ce pacte de misère, et un inventer un autre: un pacte plus généreux, un pacte solidaire.
Laurent Mauduit, Mediapart, 26 Décembre 2010
extrait d'un article "Le pacte que Sarkozy a passé contre le Smic" que vous pouvez lire en entire ci-dessous
Alors que les médias parlent du «miracle» qui a guéri sœur Marie Simon-Pierre, Jack Dion se penche sur un autre bien plus croustillant : celui des bonus des traders. Le contrôleur des rémunérations des opérations de marché, l'ex-président du FMI, Michel Camdessus, vient de rendre un rapport indiquant... que le montant des bonus diminue. Mais encore 3 milliards en 2009 : un miracle.
La presse en tient pour les miracles. Au pays de Voltaire et des Lumières, on nous relate l’histoire merveilleuse de Marie Simon-Pierre, surnommée « sœur Marie Simon-Pierre » car nous sommes dans un pays laïc qui n’a pas oublié qu’il fut, naguère, la fille aînée de l’Église.
Pour les béotiens qui auraient débarqué ce matin de la planète Mars, ou qui auraient pris un TGV bloqué dans la campagne à cause d’un incident de caténaire du à un attentat terroriste, on résumera rapidement l’histoire.
Marie Simon-Pierre est une religieuse atteinte par la maladie de Parkinson et qui a été guéri du jour au lendemain, en 2005. Pour elle comme pour l’Église, il n’y a pas de mystère. Elle ne doit son salut qu’à ses prières et à l’intercession personnelle de feu Jean-Paul II auprès de Dieu. C’est ce « miracle », comme on nous dit à la télé, qui va permettre au prédécesseur de Benoit XVI d’accéder au statut de saint.
On se gardera bien de jeter la pierre à la religieuse. Sa vie de croyante investie totalement dans la piété et l’entraide mérite le respect. Elle est libre de croire à qui elle veut et de baptiser « miracle » l’un de ces phénomènes médiaux inexpliqués qui jalonnent l’histoire de la science. Plus étonnant, en revanche, est l’envahissement du domaine médiatique public par un discours qui est à la laïcité ce que le clan Ben Ali est à la justice.
Mais puisqu’il est question de « miracle », il faut en souligner celui des bonus versés par les banques à leurs traders. Lui aussi vaut le détour.
Tout le monde se souvient qu’il fut question, au plus fort de la crise, de modérer les fameux bonus et de les ramener à un niveau présentable, ce qu’ils n’étaient guère jusqu’ici. Des ministres fort respectables et qui le sont toujours (ministres) avaient alors expliqué que c’en était fini des abus, et que Jérôme Kerviel ne laisserait aucune lignée financière. Les PDG des grandes banques, la main sur le cœur (c’est là qu’est le portefeuille), avaient juré qu’ils allaient être d’une sévérité exemplaire, et qu’à défaut de loi contraignante, les engagements pris seraient surveillés comme le niveau du CAC 40.
D’ailleurs, pour vérifier que ce code de la route financière, le gouvernement avait créé un poste de super-gendarme, confié à un super pro, Michel Camdessus, ancien président du Fonds Monétaire International (FMI), un prédécesseur de DSK. Michel Camdessus avait donc été bombardé « contrôleur des rémunérations des professionnels des marchés », ce qui vous classe son homme.
L’impétrant vient de rendre son rapport, et c’est là que l’on découvre le petit miracle, celui des bonus en principe contrôlés et qui demeurent néanmoins incontrôlables. C’est aussi drôle que les frasques spirituelles de Marie Simon-Pierre et de Jean-Paul II.
Que nous dit Sa Sainteté Camdessus, grand prêtre de la morale de l’argent ? Que tout ne va pas trop mal, puisque le montant total des bonus a baissé. En vérité, il n’a été « que » de 3 milliards d’euros en 2009, soit un peu moins qu’en 2008.
Il n’empêche que le bonus moyen s’élève à 242.000 euros, et surtout que les sommes touchées par les stars de la « bonus connection » dépassent toujours l’entendement. Ainsi, les 400 traders les mieux lotis ont reçu en moyenne 1,65 million d’euro en 2009. Les dix qui composent le dessus du panier ont même eu droit à 4 millions d’euros par tête de pipe. Quant au roi des rois, il s’est arrogé le pactole de 10 millions d’euros, une somme qui vient s’ajouter, rappelons-le, aux salaires et aux diverses autres avantages entrant dans les émoluments versés aux traders.
Fort pudiquement, le rapport Camdessus évoque « un système de rémunération hors normes ». Le mot est juste. Mais on se demande pourquoi il n’y a pas de normes. Il suffirait de le décider, en instaurant un salaire maximum, ou ayant recours à l’impôt pour conférer visage humain à ces revenus. Mais évoquer ces éventualités, dans certains milieux, relève du sacrilège, ou du crime contre l’esprit saint des marchés, un blasphème aussi grave que de contester la présence de la main de Dieu sous le voile de Marie Simon-Pierre.
Prions donc, mes frères, pour que les traders puissent sauver leur pain quotidien. Amen.
Jack Dion - Marianne | Mardi 18 Janvier 2011
Pour les béotiens qui auraient débarqué ce matin de la planète Mars, ou qui auraient pris un TGV bloqué dans la campagne à cause d’un incident de caténaire du à un attentat terroriste, on résumera rapidement l’histoire.
Marie Simon-Pierre est une religieuse atteinte par la maladie de Parkinson et qui a été guéri du jour au lendemain, en 2005. Pour elle comme pour l’Église, il n’y a pas de mystère. Elle ne doit son salut qu’à ses prières et à l’intercession personnelle de feu Jean-Paul II auprès de Dieu. C’est ce « miracle », comme on nous dit à la télé, qui va permettre au prédécesseur de Benoit XVI d’accéder au statut de saint.
On se gardera bien de jeter la pierre à la religieuse. Sa vie de croyante investie totalement dans la piété et l’entraide mérite le respect. Elle est libre de croire à qui elle veut et de baptiser « miracle » l’un de ces phénomènes médiaux inexpliqués qui jalonnent l’histoire de la science. Plus étonnant, en revanche, est l’envahissement du domaine médiatique public par un discours qui est à la laïcité ce que le clan Ben Ali est à la justice.
Mais puisqu’il est question de « miracle », il faut en souligner celui des bonus versés par les banques à leurs traders. Lui aussi vaut le détour.
Tout le monde se souvient qu’il fut question, au plus fort de la crise, de modérer les fameux bonus et de les ramener à un niveau présentable, ce qu’ils n’étaient guère jusqu’ici. Des ministres fort respectables et qui le sont toujours (ministres) avaient alors expliqué que c’en était fini des abus, et que Jérôme Kerviel ne laisserait aucune lignée financière. Les PDG des grandes banques, la main sur le cœur (c’est là qu’est le portefeuille), avaient juré qu’ils allaient être d’une sévérité exemplaire, et qu’à défaut de loi contraignante, les engagements pris seraient surveillés comme le niveau du CAC 40.
D’ailleurs, pour vérifier que ce code de la route financière, le gouvernement avait créé un poste de super-gendarme, confié à un super pro, Michel Camdessus, ancien président du Fonds Monétaire International (FMI), un prédécesseur de DSK. Michel Camdessus avait donc été bombardé « contrôleur des rémunérations des professionnels des marchés », ce qui vous classe son homme.
L’impétrant vient de rendre son rapport, et c’est là que l’on découvre le petit miracle, celui des bonus en principe contrôlés et qui demeurent néanmoins incontrôlables. C’est aussi drôle que les frasques spirituelles de Marie Simon-Pierre et de Jean-Paul II.
Que nous dit Sa Sainteté Camdessus, grand prêtre de la morale de l’argent ? Que tout ne va pas trop mal, puisque le montant total des bonus a baissé. En vérité, il n’a été « que » de 3 milliards d’euros en 2009, soit un peu moins qu’en 2008.
Il n’empêche que le bonus moyen s’élève à 242.000 euros, et surtout que les sommes touchées par les stars de la « bonus connection » dépassent toujours l’entendement. Ainsi, les 400 traders les mieux lotis ont reçu en moyenne 1,65 million d’euro en 2009. Les dix qui composent le dessus du panier ont même eu droit à 4 millions d’euros par tête de pipe. Quant au roi des rois, il s’est arrogé le pactole de 10 millions d’euros, une somme qui vient s’ajouter, rappelons-le, aux salaires et aux diverses autres avantages entrant dans les émoluments versés aux traders.
Fort pudiquement, le rapport Camdessus évoque « un système de rémunération hors normes ». Le mot est juste. Mais on se demande pourquoi il n’y a pas de normes. Il suffirait de le décider, en instaurant un salaire maximum, ou ayant recours à l’impôt pour conférer visage humain à ces revenus. Mais évoquer ces éventualités, dans certains milieux, relève du sacrilège, ou du crime contre l’esprit saint des marchés, un blasphème aussi grave que de contester la présence de la main de Dieu sous le voile de Marie Simon-Pierre.
Prions donc, mes frères, pour que les traders puissent sauver leur pain quotidien. Amen.
Jack Dion - Marianne | Mardi 18 Janvier 2011
Jean-Claude Sandrier, député communiste du Cher, estime que le revenu maximal est non seulement une mesure de justice sociale, mais également d’efficacité économique.
Les élus communistes sont-ils favorables à l’instauration d’un revenu maximal ?
Jean-Claude Sandrier. Nous y sommes favorables pour trois raisons majeures qui tiennent à la justice sociale, à l’efficacité économique, mais aussi à la morale tout simplement. En trente ans, l’écart des revenus entre les salariés des entreprises du CAC 40 et leurs grands patrons est passé de 1 à 40 à 1 à 250, voire 1 à 300. Rien ne justifie une telle dérive, qu’on peut apparenter à un détournement de richesses. Dans notre proposition de loi défendue le 2 décembre dernier à l’Assemblée nationale, nous avons inclus une échelle limitant cet écart à 1 à 20.
Pourquoi faut-il plafonner les hauts revenus, est-ce utile pour les entreprises ?
Jean-Claude Sandrier. Comment comprendre que les revenus de certains explosent, bénéficient d’énormes cadeaux fiscaux pendant qu’on demande à l’ensemble des salariés de se serrer la ceinture, de ne pas revendiquer de hausse de salaires au prétexte de préserver la compétitivité de l’entreprise ? C’est intenable. De plus, notre proposition n’est pas seulement un plafonnement, elle lie en réalité les salaires entre eux. Ainsi, un PDG qui s’augmente, augmentera automatiquement les salaires les plus bas pour respecter l’échelle de 1 à 20. Mesure sociale, donc, mais aussi efficace économiquement car elle permettra de maintenir dans l’entreprise une masse d’argent importante que les grands patrons s’octroient et utilisent ensuite pour aller spéculer sur les marchés financiers ou les détourner dans les paradis fiscaux.
Ce revenu maximal est-il une façon de répartir les richesses ?
Jean-Claude Sandrier. Absolument. En dix ans, le niveau des dividendes dans les entreprises, l’accroissement des rémunérations exceptionnelles des grands patrons et les intérêts versés aux banques sont passés de 25 % de la valeur ajoutée créée dans les entreprises à 36 % aujourd’hui. Répartir autrement cette richesse est non seulement une mesure de salubrité publique, mais c’est aussi une mesure indispensable si on veut se donner les moyens d’investir dans l’emploi ou la formation.
Peut-il freiner cette folie financière ?
Jean-Claude Sandrier. Cette mesure seule n’est évidemment pas suffisante. Nous ne pouvons pas la séparer de toutes les autres incluses dans notre proposition de loi. Celle-ci constitue un ensemble cohérent liant de façon étroite justice fiscale pour nos concitoyens avec une autre répartition des richesses qui permette de favoriser l’investissement dans l’économie réelle, c’est-à-dire l’emploi, la formation, les salaires et la protection sociale, en taxant l’argent qui va vers les marchés financiers et la spéculation. Il est aujourd’hui urgent de rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée en faveur du travail.
Entretien réalisé par Mina Kaci
Jean-Claude Sandrier. Nous y sommes favorables pour trois raisons majeures qui tiennent à la justice sociale, à l’efficacité économique, mais aussi à la morale tout simplement. En trente ans, l’écart des revenus entre les salariés des entreprises du CAC 40 et leurs grands patrons est passé de 1 à 40 à 1 à 250, voire 1 à 300. Rien ne justifie une telle dérive, qu’on peut apparenter à un détournement de richesses. Dans notre proposition de loi défendue le 2 décembre dernier à l’Assemblée nationale, nous avons inclus une échelle limitant cet écart à 1 à 20.
Pourquoi faut-il plafonner les hauts revenus, est-ce utile pour les entreprises ?
Jean-Claude Sandrier. Comment comprendre que les revenus de certains explosent, bénéficient d’énormes cadeaux fiscaux pendant qu’on demande à l’ensemble des salariés de se serrer la ceinture, de ne pas revendiquer de hausse de salaires au prétexte de préserver la compétitivité de l’entreprise ? C’est intenable. De plus, notre proposition n’est pas seulement un plafonnement, elle lie en réalité les salaires entre eux. Ainsi, un PDG qui s’augmente, augmentera automatiquement les salaires les plus bas pour respecter l’échelle de 1 à 20. Mesure sociale, donc, mais aussi efficace économiquement car elle permettra de maintenir dans l’entreprise une masse d’argent importante que les grands patrons s’octroient et utilisent ensuite pour aller spéculer sur les marchés financiers ou les détourner dans les paradis fiscaux.
Ce revenu maximal est-il une façon de répartir les richesses ?
Jean-Claude Sandrier. Absolument. En dix ans, le niveau des dividendes dans les entreprises, l’accroissement des rémunérations exceptionnelles des grands patrons et les intérêts versés aux banques sont passés de 25 % de la valeur ajoutée créée dans les entreprises à 36 % aujourd’hui. Répartir autrement cette richesse est non seulement une mesure de salubrité publique, mais c’est aussi une mesure indispensable si on veut se donner les moyens d’investir dans l’emploi ou la formation.
Peut-il freiner cette folie financière ?
Jean-Claude Sandrier. Cette mesure seule n’est évidemment pas suffisante. Nous ne pouvons pas la séparer de toutes les autres incluses dans notre proposition de loi. Celle-ci constitue un ensemble cohérent liant de façon étroite justice fiscale pour nos concitoyens avec une autre répartition des richesses qui permette de favoriser l’investissement dans l’économie réelle, c’est-à-dire l’emploi, la formation, les salaires et la protection sociale, en taxant l’argent qui va vers les marchés financiers et la spéculation. Il est aujourd’hui urgent de rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée en faveur du travail.
Entretien réalisé par Mina Kaci
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Selon une enquête de l’Ifop pour l’Humanité, trois Français sur quatre se prononcent en faveur d’un salaire maximal. À l’heure où la production de richesses n’a jamais été aussi importante, la gauche avance ses propositions.
«Au-dessus de 4 millions, je prends tout ! » Étonnante actualité de cette proposition lancée par Georges Marchais en 1981. Trente ans plus tard, la crise financière a remis la question des écarts de revenus au goût du jour. Après imposition, le revenu moyen des 10 % des foyers les plus riches reste neuf fois plus élevé que celui des 10 % les plus pauvres. À cet égard, Jean Gadrey, professeur émérite d’économie à l’université Lille-I, rappelle que, déjà, au Ve siècle avant notre ère, « Platon estimait que le législateur doit établir quelles sont les limites acceptables à la richesse et à la pauvreté. Il proposait un rapport de 1 à 4 ». En 1998, une enquête de l’économiste Thomas Piketty montrait que, selon les Français, les écarts entre hauts et bas revenus devaient être compris entre 1 et 3,6. Même constat aujourd’hui, au regard du sondage réalisé par l’Ifop pour l’Humanité. Ainsi, 75 % des personnes interrogées se disent plutôt favorables à la fixation par la loi d’un salaire maximal « car la rémunération de certains dirigeants de grandes entreprises atteint aujourd’hui des niveaux déraisonnables ». Sans surprise, cette mesure recueille 84 % d’avis favorables parmi les sympathisants de gauche. Plus intéressant : 58 % des sympathisants UMP donnent également leur assentiment à une telle législation.
Stock-options et tranches d’impôt
À gauche, le cortège de licenciements consécutifs à la crise – malgré des profits record pour les entreprises – a remis au goût du jour l’idée d’un revenu maximal permettant une meilleure répartition des richesses. Dans son projet sur l’égalité réelle, le Parti socialiste propose que les rémunérations soient comprises dans une échelle d’ordre de 1 à 20 pour les entreprises où il existe une participation publique, sur le modèle de Barack Obama, qui proposait, en 2009, de limiter à 389 000 euros les revenus annuels globaux des patrons des banques renflouées par l’État. En France, avec un smic à 1 055 euros net, le salaire du dirigeant ne pourrait ainsi excéder 21 100 euros mensuels. Restent les autres formes de rémunération telles que les actions gratuites ou les stock-options qui pourraient croître. De leur côté, les députés communistes, républicains et du Parti de Gauche ont déposé une proposition de loi à l’automne dernier pour une « fiscalité juste et efficace ».
Production de richesses et redistribution
Le texte, rejeté par la majorité, visait également à plafonner le niveau des salaires de 1 à 20, d’en finir avec les stock-options et les parachutes dorés, de taxer à 9,9 % les revenus financiers afin de faire contribuer l’ensemble des revenus du capital au budget de la nation. Enfin, les députés proposaient de revenir à neuf tranches d’impôt, contre cinq actuellement. Dans ce cadre, la tranche du haut verrait son taux d’imposition porté à 54,8 %, au lieu de 40 % aujourd’hui. Pour sa part, le Nouveau Parti anticapitaliste souhaiterait rétablir le taux de 65 % d’imposition pour cette tranche supérieure. Selon Olivier Besancenot, le porte-parole du NPA, il est désormais nécessaire de « reprendre les 10 % de richesse nationale passés de la masse salariale aux plus hauts revenus ». Enfin, Europe Écologie-les Verts parlent d’un revenu maximal qui correspondrait à 30 fois le revenu médian (28 570 euros par ménage en 2008) et qui permettrait d’investir dans la reconversion d’une part de l’industrie vers des activités à faible impact écologique. Que le revenu maximal soit autorisé, admissible ou acceptable, l’ensemble des partis de gauche s’accordent aujourd’hui à résoudre l’écart entre une production de richesses qui n’a jamais été aussi importante et sa distribution. Écart que la suspension temporaire des bonus promise par Nicolas Sarkozy en temps de crise n’a pas réduit.
Stock-options et tranches d’impôt
À gauche, le cortège de licenciements consécutifs à la crise – malgré des profits record pour les entreprises – a remis au goût du jour l’idée d’un revenu maximal permettant une meilleure répartition des richesses. Dans son projet sur l’égalité réelle, le Parti socialiste propose que les rémunérations soient comprises dans une échelle d’ordre de 1 à 20 pour les entreprises où il existe une participation publique, sur le modèle de Barack Obama, qui proposait, en 2009, de limiter à 389 000 euros les revenus annuels globaux des patrons des banques renflouées par l’État. En France, avec un smic à 1 055 euros net, le salaire du dirigeant ne pourrait ainsi excéder 21 100 euros mensuels. Restent les autres formes de rémunération telles que les actions gratuites ou les stock-options qui pourraient croître. De leur côté, les députés communistes, républicains et du Parti de Gauche ont déposé une proposition de loi à l’automne dernier pour une « fiscalité juste et efficace ».
Production de richesses et redistribution
Le texte, rejeté par la majorité, visait également à plafonner le niveau des salaires de 1 à 20, d’en finir avec les stock-options et les parachutes dorés, de taxer à 9,9 % les revenus financiers afin de faire contribuer l’ensemble des revenus du capital au budget de la nation. Enfin, les députés proposaient de revenir à neuf tranches d’impôt, contre cinq actuellement. Dans ce cadre, la tranche du haut verrait son taux d’imposition porté à 54,8 %, au lieu de 40 % aujourd’hui. Pour sa part, le Nouveau Parti anticapitaliste souhaiterait rétablir le taux de 65 % d’imposition pour cette tranche supérieure. Selon Olivier Besancenot, le porte-parole du NPA, il est désormais nécessaire de « reprendre les 10 % de richesse nationale passés de la masse salariale aux plus hauts revenus ». Enfin, Europe Écologie-les Verts parlent d’un revenu maximal qui correspondrait à 30 fois le revenu médian (28 570 euros par ménage en 2008) et qui permettrait d’investir dans la reconversion d’une part de l’industrie vers des activités à faible impact écologique. Que le revenu maximal soit autorisé, admissible ou acceptable, l’ensemble des partis de gauche s’accordent aujourd’hui à résoudre l’écart entre une production de richesses qui n’a jamais été aussi importante et sa distribution. Écart que la suspension temporaire des bonus promise par Nicolas Sarkozy en temps de crise n’a pas réduit.
Retrouver les résultats complets du sondage de l'IFOP paru dans l'Humanité du 11 janvier sur ce lien
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Dans un édito du 7 janvier dernier, Nicolas Dupont-Aignan, principal dirigeant de "Debout la République", défend le salaire maximum et entend déposer une proposition de loi allant dans ce sens. Il avait déjà signé la pétition de "Marianne" en mai 2009.
Si l’idée d’imposer un salaire maximum peut paraître osée dans le contexte actuel de libéralisme total et de l’individualisme roi, elle n’est en fait qu’une mesure de simple bon sens qui n’aurait jamais dû cesser d’être mise en oeuvre.
En effet, l’être humain ne vit pas en autarcie, il vit en société, et il était admis depuis les Lumières et le XVIIIème siècle que toute société devait fixer ses propres règles afin de maintenir sa cohésion, garantir la liberté et promouvoir la démocratie.
Platon lui-même écrivait dès l’Antiquité : « si un État veut éviter (...) la désintégration civile (...), il ne faut pas permettre à la pauvreté et à la richesse extrêmes de se développer dans aucune partie du corps civil, parce que cela conduit au désastre. C’est pourquoi le législateur doit établir maintenant quelles sont les limites acceptables à la richesse et à la pauvreté. " (Les lois).
Même les Etats-Unis - à l’apogée de leur puissance économique - voyaient le célèbre banquier John P. Morgan déclarer qu’un PDG ne devait pas percevoir plus de vingt fois la rémunération moyenne de ses salariés !
Henry Ford, emblématique capitaliste, estimait quant à lui que ce facteur devait être de quarante.
Alors bien sûr, on nous rétorquera qu’avec l’instauration d’un salaire maximum, les patrons les plus compétents partiront à l’étranger. Tarte à la crème. Car s’ils préfèrent l’argent à leur patrie : qu’ils partent ! D’autres bien plus compétents encore se lèveront et prendront la relève sur cette oligarchie apatride. Quelqu’un qui ne serait motivé que par l’argent ne pourrait pas être quelqu’un de tout à fait respectable.
D’ailleurs, si le salaire d’un patron était proportionnel à sa compétence, ça se saurait ! Les exemples de salaires indécents et de parachutes dorés mirobolants attribués à des patrons ayant lamentablement échoué ne se comptent plus.
Dans le même temps, ce sont en revanche des centaines de milliers de patrons de PME qui se battent admirablement sur le front de la mondialisation, des centaines de milliers d’artisans et de commerçants qui subissent un euro trop cher et qui s’octroient des salaires raisonnables. Ils sont l’honneur de la France.
On nous dira aussi que l’adoption de cette loi entraînerait la fuite des capitaux vers l’étranger. C’est bien sûr faux car la France présente une attractivité inégalée (qualité de vie, environnement, culture) : aujourd’hui, elle reste malgré les critiques des libéraux de tous poils en 3ème position pour l’accueil d’investissements étrangers.
L’instauration d’un salaire maximum, impératif évident de cohésion sociale, est également un impératif économique. Il en va en effet du rééquilibrage des pouvoirs entre les dirigeants et les salariés, au même titre que la participation.
Il en va aussi d’une meilleure répartition des talents au sein de l’économie française, et non leur confiscation actuelle par la branche qui rémunère le mieux tout en détruisant le plus de richesses : la finance et la banque.
C’est la raison pour laquelle je dépose une proposition de loi instituant un salaire maximum de 36 fois le salaire minimum (soit l’interdiction de gagner en un mois plus de 3 ans de SMIC).
Il ne s’agit ni plus ni moins - dans un contexte trouble - que d’une mesure de salut public. Je la défendrai à l’Assemblée Nationale avec force et conviction.
Debout la République
En effet, l’être humain ne vit pas en autarcie, il vit en société, et il était admis depuis les Lumières et le XVIIIème siècle que toute société devait fixer ses propres règles afin de maintenir sa cohésion, garantir la liberté et promouvoir la démocratie.
Platon lui-même écrivait dès l’Antiquité : « si un État veut éviter (...) la désintégration civile (...), il ne faut pas permettre à la pauvreté et à la richesse extrêmes de se développer dans aucune partie du corps civil, parce que cela conduit au désastre. C’est pourquoi le législateur doit établir maintenant quelles sont les limites acceptables à la richesse et à la pauvreté. " (Les lois).
Même les Etats-Unis - à l’apogée de leur puissance économique - voyaient le célèbre banquier John P. Morgan déclarer qu’un PDG ne devait pas percevoir plus de vingt fois la rémunération moyenne de ses salariés !
Henry Ford, emblématique capitaliste, estimait quant à lui que ce facteur devait être de quarante.
Alors bien sûr, on nous rétorquera qu’avec l’instauration d’un salaire maximum, les patrons les plus compétents partiront à l’étranger. Tarte à la crème. Car s’ils préfèrent l’argent à leur patrie : qu’ils partent ! D’autres bien plus compétents encore se lèveront et prendront la relève sur cette oligarchie apatride. Quelqu’un qui ne serait motivé que par l’argent ne pourrait pas être quelqu’un de tout à fait respectable.
D’ailleurs, si le salaire d’un patron était proportionnel à sa compétence, ça se saurait ! Les exemples de salaires indécents et de parachutes dorés mirobolants attribués à des patrons ayant lamentablement échoué ne se comptent plus.
Dans le même temps, ce sont en revanche des centaines de milliers de patrons de PME qui se battent admirablement sur le front de la mondialisation, des centaines de milliers d’artisans et de commerçants qui subissent un euro trop cher et qui s’octroient des salaires raisonnables. Ils sont l’honneur de la France.
On nous dira aussi que l’adoption de cette loi entraînerait la fuite des capitaux vers l’étranger. C’est bien sûr faux car la France présente une attractivité inégalée (qualité de vie, environnement, culture) : aujourd’hui, elle reste malgré les critiques des libéraux de tous poils en 3ème position pour l’accueil d’investissements étrangers.
L’instauration d’un salaire maximum, impératif évident de cohésion sociale, est également un impératif économique. Il en va en effet du rééquilibrage des pouvoirs entre les dirigeants et les salariés, au même titre que la participation.
Il en va aussi d’une meilleure répartition des talents au sein de l’économie française, et non leur confiscation actuelle par la branche qui rémunère le mieux tout en détruisant le plus de richesses : la finance et la banque.
C’est la raison pour laquelle je dépose une proposition de loi instituant un salaire maximum de 36 fois le salaire minimum (soit l’interdiction de gagner en un mois plus de 3 ans de SMIC).
Il ne s’agit ni plus ni moins - dans un contexte trouble - que d’une mesure de salut public. Je la défendrai à l’Assemblée Nationale avec force et conviction.
Debout la République
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Dupont-Aignan
Une critique du livre paru dans "Le Monde"
Le prix Nobel d'économie (2001) George Akerlof a qualifié ce livre, sous-titré 'L'économie de la cupidité et la psychologie du bonheur' d''une des plus importantes contributions à la science économique de ces dernières années'.
Pour Robert H. Frank, les dépenses de luxe ont un effet négatif sur la société. 'Il y a d'autres manières de dépenser notre temps et notre argent', écrit le professeur à l'université Cornell (Etats-Unis), en commençant par raconter les difficultés qu'il a eu à changer son barbecue, acheté 89,95 dollars ; les modèles proposés coûtaient tous... entre 1 000 et 5 000 dollars.
Pourquoi la 'fièvre du luxe' ? (le titre original du livre est Luxury Fever). Parce que, explique l'auteur, également chroniqueur régulier au New York Times, un certain type de marché s'est considérablement développé sur le modèle du sport et du spectacle. Des écarts de performance minimes s'y traduisent par d'énormes différences en termes de récompense économique. C'est ce que montrait déjà un précédent livre de Frank, écrit en collaboration avec l'économiste Philip Cook : The Winner-Take-All Society (Free Press, 1995), littéralement 'La société où le gagnant rafle la mise'.
La consommation ostentatoire pour les ménages est comme les dépenses militaires pour les Etats, souligne Frank : il faut rester dans la course. Il y a ceux, qui sont en haut du 'totem économique', et les autres. Quand Onassis se faisait construire un yacht de 100 mètres, son rival Niarchos commandait un bateau de 114 mètres. Mais le luxe est relatif. Il est affaire d''écart', écrit l'auteur, qui reprend à son compte le théorème de Mencken : 'L'homme riche est celui qui gagne cent dollars de plus que le mari de sa belle-soeur.'
En ces temps de disette budgétaire, l'ouvrage plaide pour une réforme fiscale. Non pas sous la forme d'une taxe supplémentaire sur le luxe. Mais sous celle d'un impôt progressif sur la consommation de chaque ménage. Ce prélèvement ne tuerait pas l'industrie et il permettrait de dégager des milliards pour l'amélioration de notre qualité de vie. De 'l'argent facile', soutient Frank. Sur le papier, c'est séduisant.
Philippe Arnaud, Le Monde, lundi 27 septembre 2010
Robert H. Frank, La course au luxe. L'économie de la cupidité et la psychologie du bonheur, Traduit de l'anglais par Monique Arav et John Hannon, Editions Markus Haller, Essai, 446 pages. Prix: 28 €
Pour Robert H. Frank, les dépenses de luxe ont un effet négatif sur la société. 'Il y a d'autres manières de dépenser notre temps et notre argent', écrit le professeur à l'université Cornell (Etats-Unis), en commençant par raconter les difficultés qu'il a eu à changer son barbecue, acheté 89,95 dollars ; les modèles proposés coûtaient tous... entre 1 000 et 5 000 dollars.
Pourquoi la 'fièvre du luxe' ? (le titre original du livre est Luxury Fever). Parce que, explique l'auteur, également chroniqueur régulier au New York Times, un certain type de marché s'est considérablement développé sur le modèle du sport et du spectacle. Des écarts de performance minimes s'y traduisent par d'énormes différences en termes de récompense économique. C'est ce que montrait déjà un précédent livre de Frank, écrit en collaboration avec l'économiste Philip Cook : The Winner-Take-All Society (Free Press, 1995), littéralement 'La société où le gagnant rafle la mise'.
La consommation ostentatoire pour les ménages est comme les dépenses militaires pour les Etats, souligne Frank : il faut rester dans la course. Il y a ceux, qui sont en haut du 'totem économique', et les autres. Quand Onassis se faisait construire un yacht de 100 mètres, son rival Niarchos commandait un bateau de 114 mètres. Mais le luxe est relatif. Il est affaire d''écart', écrit l'auteur, qui reprend à son compte le théorème de Mencken : 'L'homme riche est celui qui gagne cent dollars de plus que le mari de sa belle-soeur.'
En ces temps de disette budgétaire, l'ouvrage plaide pour une réforme fiscale. Non pas sous la forme d'une taxe supplémentaire sur le luxe. Mais sous celle d'un impôt progressif sur la consommation de chaque ménage. Ce prélèvement ne tuerait pas l'industrie et il permettrait de dégager des milliards pour l'amélioration de notre qualité de vie. De 'l'argent facile', soutient Frank. Sur le papier, c'est séduisant.
Philippe Arnaud, Le Monde, lundi 27 septembre 2010
Robert H. Frank, La course au luxe. L'économie de la cupidité et la psychologie du bonheur, Traduit de l'anglais par Monique Arav et John Hannon, Editions Markus Haller, Essai, 446 pages. Prix: 28 €
L'émission "Du grain à moudre" sur France culture du 13 décembre dernier aborde une question connexe à celle du salaire maximum...
Si vous hésitez encore pour le cadeau de Noël que vous destinez à votre mari, épouse, compagnon, maîtresse, ou significant other », comme on dit, que diriez-vous d’une voiture ? Oui, je veux parler d’ une de ces voitures de rêve qui feront bisquer les amis, moins gâtés par le Père Noël. Pourquoi pas, par exemple, la Bugatti Veyron ? Certes, son prix a un peu augmenté, cette année, elle est passée à 1 430 000 Euros et de toute façon, il y a une liste d’attente assez longue. Bon, pour les budgets plus modestes, je recommande la Lamborghini Reventon à seulement 1 020 000 Euros. Même à ce prix-là, reconnaissez qu’elle en jette. Il/elle ne s’intéresse pas aux voitures ? Ne quitte Paris qu’en hélicoptère ? Alors, il vous reste les montres. Que diriez-vous, tenez, de la Sky Moon Tourbillon de Patek Philipp. Bon goût, pas bling bling pour deux sous. Un vrai placement. Son fils la revendra dans trente ans pour se payer sa maison de campagne en Toscane. Oui, d’accord, 630 000 Euros, c’est un peu cher pour votre budget. Rabattez-vous plutôt sur la Blancpain 1735. 592 000 Euros seulement, mais même à ce prix-là, elle dénote une grande réussite sociale et lui ouvrira les portes des endroits les plus fermés des capitales.
Si, comme à nous, ces chiffres vous donnent le vertige, s’ils vous exaspèrent, si vous vous demandez quelles sortes de jouissance une micro-classe de super-riches peut bien tirer de la possession de gadgets aussi coûteux, écoutez bien cette émission.
Le grand économiste américain Robert Frank nous a expliqué, il y a quinze ans, dans son livre, « The Winner-Takes-All Society » comment le système de rémunération des vedettes du show-business et du sport spectacle avait progressivement contaminé les échelles de revenus de la plupart des secteurs d’activité.
Aujourd’hui, il revient avec un livre précieux – et une longue interview dans Books – pour nous expliquer pourquoi les dépenses somptuaires des super-riches ont un effet délétère sur le style de consommation et le niveau de vie des classes moyennes.
Invité(s) :
Frederic Bonnevay, économiste, fondateur de « La Coulisse des marchés » (tribune médiatique créée avec le concours du quotidien Les Échos) et expert-associé auprès de l'Institut Montaigne.
Robert Frank, professeur d'Economie à Cornell University
Jacques Le Cacheux, professeur des Universités en économie à l'Université de Pau, chercheur à l'OFCE,
Sandrine Tolotti, rédactrice en chef du Magazine Books
Du Grain à moudre, émission du 13 décembre 2010
Si, comme à nous, ces chiffres vous donnent le vertige, s’ils vous exaspèrent, si vous vous demandez quelles sortes de jouissance une micro-classe de super-riches peut bien tirer de la possession de gadgets aussi coûteux, écoutez bien cette émission.
Le grand économiste américain Robert Frank nous a expliqué, il y a quinze ans, dans son livre, « The Winner-Takes-All Society » comment le système de rémunération des vedettes du show-business et du sport spectacle avait progressivement contaminé les échelles de revenus de la plupart des secteurs d’activité.
Aujourd’hui, il revient avec un livre précieux – et une longue interview dans Books – pour nous expliquer pourquoi les dépenses somptuaires des super-riches ont un effet délétère sur le style de consommation et le niveau de vie des classes moyennes.
Invité(s) :
Frederic Bonnevay, économiste, fondateur de « La Coulisse des marchés » (tribune médiatique créée avec le concours du quotidien Les Échos) et expert-associé auprès de l'Institut Montaigne.
Robert Frank, professeur d'Economie à Cornell University
Jacques Le Cacheux, professeur des Universités en économie à l'Université de Pau, chercheur à l'OFCE,
Sandrine Tolotti, rédactrice en chef du Magazine Books
Du Grain à moudre, émission du 13 décembre 2010
En 2009, le publicitaire Jacques Séguéla scandalisait en déclarant : « Si à 50 ans, on n’a pas une Rolex, c’est quand même qu’on a raté sa vie. » Il ne faisait pourtant que témoigner de l’influence prise par les habitudes de consommation des plus riches sur les dépenses de tous. Une fièvre du luxe ruineuse, contre laquelle une profonde réforme fiscale s’impose.
Books. - Vous travaillez sur le boom du luxe, alors même que les revenus de la majorité de la population marquent le pas. Comment ces deux réalités peuvent-elles aller de pair?
Robert Frank - Le paradoxe n'est qu'apparent. Nous avons assisté dans la plupart des pays développés, ces dernières décennies, à un développement substantiel des inégalités, qui a été particulièrement spectaculaire aux États-Unis. Entre 1979 et 2003, les 20% les plus pauvres de la population américaine ont vu leurs revenus progresser de 3,5% seulement sur l'ensemble de la période. Parallèlement, les 20% les plus riches voyaient les leurs augmenter de 45,7% - et les 5% les mieux lotis de 68%. En 1980, les PDG des deux cents plus grandes entreprises américaines gagnaient 42 fois le salaire moyen d'un ouvrier ; en 2000, ils touchaient 500 fois cette somme.
Ce creusement des inégalités, par rapport à la période antérieure, au cours de laquelle tout le monde progressait sensiblement au même rythme, est lié à des transformations en profondeur des règles du jeu économique. En deux mots, nous avons vu se généraliser les « marchés où le gagnant rafle la mise » : ce sont des marchés sur lesquels de faibles écarts de performance suffisent à générer des différences considérables de rémunération?; une poignée d'individus particulièrement talentueux s'y adjuge des rétributions énormes. Au début du siècle, quand l'État de l'Iowa comptait à lui seul plus de 1300 opéras, des milliers de ténors gagnaient modestement mais correctement leur vie en se produisant en public. Depuis que nous écoutons essentiellement de la musique enregistrée, le meilleur ténor du monde peut littéralement être présent partout à la fois, et être rémunéré en conséquence.
Longtemps, ce fonctionnement est resté l'apanage des mondes du sport et de l'art. Mais ces règles du jeu très concurrentielles ont gagné récemment de nombreux secteurs, comme la comptabilité, le droit, le conseil, la médecine, la banque, l'édition, le design... Notamment parce que les nouvelles technologies ont accru la puissance et le champ d'influence des meilleurs.
Ces talents de mieux en mieux rémunérés ont fait comme tout individu qui s'enrichit : ils ont augmenté leur consommation, notamment de ces biens que je définis moins par leur caractère luxueux - la définition du luxe est très circonstancielle - que par leur caractère « positionnel » : ce sont d'abord des indicateurs de standing, des marqueurs de statut social. Et ce nouveau modèle de consommation au sommet s'est répercuté sur l'ensemble de la population, via une véritable « cascade de dépenses ».
Books. - Qu'entendez-vous par «cascade de dépenses» ?
R. Franck. - Les cercles sociaux sont relativement étroits?; les nouvelles habitudes de consommation des plus riches n'ont donc pas modifié directement la consommation de l'ensemble de la population. Ils ont, en revanche, modifié le cadre de référence façonnant les aspirations de la population située juste au-dessous d'eux ; à son tour, celle-ci s'est mise à consommer davantage, bouleversant le cadre de référence des couches sociales immédiatement inférieures, et ainsi de suite tout au long de l'échelle.
Aujourd'hui, pour prendre un exemple trivial mais évocateur, on trouve aux États-Unis des barbecues à plus de 5000 dollars. Payer un gril une somme pareille aurait été inimaginable il y a seulement vingt ans. Pourtant, le segment des barbecues à plus de 2000 dollars est celui qui progresse le plus sur ce marché. Dans la même veine, si l'on excepte le bref revers subi par le secteur du luxe en 2009, les yachts et les montres Patek Philippe se vendent toujours sur liste d'attente, et les voitures haut de gamme représentent une part croissante du marché automobile américain... D'une manière générale, les dépenses consacrées aux produits de luxe croissent à peu près quatre fois plus vite que les autres.
Et cette fièvre ne touche pas seulement les plus riches. En témoigne notamment l'évolution du confort moyen des logements aux États-Unis : la surface médiane des nouvelles maisons est passée de 480 mètres carrés en 1980 à 610 mètres carrés en 2001, soit une augmentation de 27%, alors que le revenu disponible d'une famille médiane ne progressait que de 15% environ.
Books. - Mais quel est le ressort du phénomène, s'il n'est pas lié à l'enrichissement de la majorité de la population?
R. Franck. - Il tient au fait que les normes de consommation du milieu où l'on vit influencent les biens et services que l'on juge essentiels à son bien-être : la taille minimale d'une maison, pour n'en avoir pas honte, n'est pas la même au Népal, au Japon, en Europe ou aux États-Unis. L'environnement et ses évolutions façonnent le jugement que les gens portent sur leur propre situation, et donc leurs décisions économiques.
Les études d'économie comportementale donnent des résultats très clairs à cet égard : si l'on demande aux gens de choisir entre un monde où ils habitent une maison de 1000 mètres carrés tandis que les autres jouissent de 2000 mètres carrés, et un monde où ils habitent une maison de 800 mètres carrés tandis que les autres n'ont que 600 mètres carrés, la plupart optent pour le second monde, celui où la taille absolue de leur maison est plus petite, mais où sa taille relative est plus grande. Dans ces conditions, le boom de la consommation positionnelle des plus riches provoque une véritable fuite en avant, qui n'est pas sans rappeler la course aux armements entre États. Dès lors que les plus riches achètent des maisons plus grandes, chacun a tendance à acheter une maison plus grande.
Books. - Parce que l'homme est un animal envieux?
R. Franck. - Non, je vois dans ce phénomène l'effet concomitant de l'augmentation des inégalités et de la logique de compétition profondément ancrée en l'homme. L'importance que nous accordons aux biens positionnels relève à mes yeux de deux niveaux d'explication. Premièrement, notre consommation a des conséquences tangibles, dont il est parfaitement légitime de se soucier. Les signaux que chacun envoie à son environnement sur son rang nourrissent ou handicapent très concrètement sa réussite.
Lire la suite de l'entretien sur booksmag.fr
Propos recueillis par Sandrine Tolotti
Robert Frank - Le paradoxe n'est qu'apparent. Nous avons assisté dans la plupart des pays développés, ces dernières décennies, à un développement substantiel des inégalités, qui a été particulièrement spectaculaire aux États-Unis. Entre 1979 et 2003, les 20% les plus pauvres de la population américaine ont vu leurs revenus progresser de 3,5% seulement sur l'ensemble de la période. Parallèlement, les 20% les plus riches voyaient les leurs augmenter de 45,7% - et les 5% les mieux lotis de 68%. En 1980, les PDG des deux cents plus grandes entreprises américaines gagnaient 42 fois le salaire moyen d'un ouvrier ; en 2000, ils touchaient 500 fois cette somme.
Ce creusement des inégalités, par rapport à la période antérieure, au cours de laquelle tout le monde progressait sensiblement au même rythme, est lié à des transformations en profondeur des règles du jeu économique. En deux mots, nous avons vu se généraliser les « marchés où le gagnant rafle la mise » : ce sont des marchés sur lesquels de faibles écarts de performance suffisent à générer des différences considérables de rémunération?; une poignée d'individus particulièrement talentueux s'y adjuge des rétributions énormes. Au début du siècle, quand l'État de l'Iowa comptait à lui seul plus de 1300 opéras, des milliers de ténors gagnaient modestement mais correctement leur vie en se produisant en public. Depuis que nous écoutons essentiellement de la musique enregistrée, le meilleur ténor du monde peut littéralement être présent partout à la fois, et être rémunéré en conséquence.
Longtemps, ce fonctionnement est resté l'apanage des mondes du sport et de l'art. Mais ces règles du jeu très concurrentielles ont gagné récemment de nombreux secteurs, comme la comptabilité, le droit, le conseil, la médecine, la banque, l'édition, le design... Notamment parce que les nouvelles technologies ont accru la puissance et le champ d'influence des meilleurs.
Ces talents de mieux en mieux rémunérés ont fait comme tout individu qui s'enrichit : ils ont augmenté leur consommation, notamment de ces biens que je définis moins par leur caractère luxueux - la définition du luxe est très circonstancielle - que par leur caractère « positionnel » : ce sont d'abord des indicateurs de standing, des marqueurs de statut social. Et ce nouveau modèle de consommation au sommet s'est répercuté sur l'ensemble de la population, via une véritable « cascade de dépenses ».
Books. - Qu'entendez-vous par «cascade de dépenses» ?
R. Franck. - Les cercles sociaux sont relativement étroits?; les nouvelles habitudes de consommation des plus riches n'ont donc pas modifié directement la consommation de l'ensemble de la population. Ils ont, en revanche, modifié le cadre de référence façonnant les aspirations de la population située juste au-dessous d'eux ; à son tour, celle-ci s'est mise à consommer davantage, bouleversant le cadre de référence des couches sociales immédiatement inférieures, et ainsi de suite tout au long de l'échelle.
Aujourd'hui, pour prendre un exemple trivial mais évocateur, on trouve aux États-Unis des barbecues à plus de 5000 dollars. Payer un gril une somme pareille aurait été inimaginable il y a seulement vingt ans. Pourtant, le segment des barbecues à plus de 2000 dollars est celui qui progresse le plus sur ce marché. Dans la même veine, si l'on excepte le bref revers subi par le secteur du luxe en 2009, les yachts et les montres Patek Philippe se vendent toujours sur liste d'attente, et les voitures haut de gamme représentent une part croissante du marché automobile américain... D'une manière générale, les dépenses consacrées aux produits de luxe croissent à peu près quatre fois plus vite que les autres.
Et cette fièvre ne touche pas seulement les plus riches. En témoigne notamment l'évolution du confort moyen des logements aux États-Unis : la surface médiane des nouvelles maisons est passée de 480 mètres carrés en 1980 à 610 mètres carrés en 2001, soit une augmentation de 27%, alors que le revenu disponible d'une famille médiane ne progressait que de 15% environ.
Books. - Mais quel est le ressort du phénomène, s'il n'est pas lié à l'enrichissement de la majorité de la population?
R. Franck. - Il tient au fait que les normes de consommation du milieu où l'on vit influencent les biens et services que l'on juge essentiels à son bien-être : la taille minimale d'une maison, pour n'en avoir pas honte, n'est pas la même au Népal, au Japon, en Europe ou aux États-Unis. L'environnement et ses évolutions façonnent le jugement que les gens portent sur leur propre situation, et donc leurs décisions économiques.
Les études d'économie comportementale donnent des résultats très clairs à cet égard : si l'on demande aux gens de choisir entre un monde où ils habitent une maison de 1000 mètres carrés tandis que les autres jouissent de 2000 mètres carrés, et un monde où ils habitent une maison de 800 mètres carrés tandis que les autres n'ont que 600 mètres carrés, la plupart optent pour le second monde, celui où la taille absolue de leur maison est plus petite, mais où sa taille relative est plus grande. Dans ces conditions, le boom de la consommation positionnelle des plus riches provoque une véritable fuite en avant, qui n'est pas sans rappeler la course aux armements entre États. Dès lors que les plus riches achètent des maisons plus grandes, chacun a tendance à acheter une maison plus grande.
Books. - Parce que l'homme est un animal envieux?
R. Franck. - Non, je vois dans ce phénomène l'effet concomitant de l'augmentation des inégalités et de la logique de compétition profondément ancrée en l'homme. L'importance que nous accordons aux biens positionnels relève à mes yeux de deux niveaux d'explication. Premièrement, notre consommation a des conséquences tangibles, dont il est parfaitement légitime de se soucier. Les signaux que chacun envoie à son environnement sur son rang nourrissent ou handicapent très concrètement sa réussite.
Lire la suite de l'entretien sur booksmag.fr
Propos recueillis par Sandrine Tolotti
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